On dit souvent que le second acte est le plus difficile à écrire. Il est la confrontation. Pourquoi d’abord un début, un milieu et une fin ? Probablement parce que c’est ce qui permet à la majorité des lectrices et lecteurs d’accéder à un récit facilement et en tirer profit.
Ainsi pour un scénario :
- Chaque scène sera pensée jusqu’à ce que l’on soit convaincu non seulement de sa pertinence mais aussi de sa nécessité dans le récit. Alors pour le lecteur/spectateur, cette scène ne sera pas vaine et même s’il ne formule pas clairement ce que cette scène lui apporte, sa réaction face à elle sera significative.
- La succession des scènes crée un mouvement intérieur à l’intrigue. Cette horizontalité est parfois interrompue par des analepses qui explicitent alors le pourquoi d’une attitude ou d’une parole nécessaire à la compréhension de ce qu’il se passe en montrant un moment du passé d’un personnage.
- L’exposition au début du récit nous permet de faire connaissance avec le personnage principal et le monde ou contexte dans lequel il vit.
- Un conflit se présente, que les personnages sont forcés d’affronter ou qu’ils choisissent d’affronter, et ils le font tout en échouant et en apprenant de leurs erreurs : la confrontation de l’acte Deux.
- Enfin la résolution où l’on assiste au triomphe ou à la chute du personnage principal.
L’acte Un & Trois semblent être les plus faciles à écrire. Mais la difficulté de l’acte Deux est bien réelle. La tâche de l’acte Un est de capter l’attention de la lectrice et du lecteur. Avec un peu d’habitude, cela n’est pas trop compliqué.
La complexité de l’acte Deux
Pourquoi une telle difficulté à écrire l’acte Deux ?
- C’est dans le deuxième acte, après l’introduction du conflit, que les arcs des personnages et du récit se développent le plus (l’arc d’un personnage consiste dans les différentes étapes par lesquelles il passe et qui font qu’un personnage change : d’un état d’esprit initial, il est devenu autre. L’arc d’un récit décrit les différents moments qui mènent inexorablement le récit vers son dénouement).
- Le milieu du récit est la partie qui demande à l’autrice et à l’auteur un vrai effort créatif et c’est une lutte personnelle contre le néant.
- L’acte Deux présente des retournements de situation et fourvoie le lecteur/spectateur vers des anticipations qui se révèlent trompeuses.
Le second acte est certainement celui qui est le plus matériel, concret. Il est tout entier de matière dramatique ; il montre les choses et c’est ce qui est un vrai risque pour l’auteur et l’autrice car si ces choses manquent de substance, s’il n’y a rien derrière l’apparence, tout le récit en souffrira quelle que soit la qualité de l’exposition et de la conclusion.
Considérons une scène dans laquelle un général romain décide de se rendre sans escorte au cœur d’une rébellion de la plèbe. Sur son char, il ne dit mot mais promène son regard flamboyant sur la foule tumultueuse qui se fige. Ce n’est pas tant ce qu’il se passe ici qui compte mais le rapport entre l’homme seul face à une multitude et qui lui en impose. C’est la signification de la scène et sans cette substance cachée derrière les apparences, l’effet de la scène n’atteindra pas le lecteur/spectateur.
Notez que l’élément visuel a son importance : l’homme sur son char est dans une position supérieure face à la foule. Il l’a domine déjà. Une telle scène ne cherche pas à imiter ce que serait un événement réel tout emprunt d’émotions humaines, de passions, d’humanité ; pas plus qu’il n’est rationnel. Ce qui caractérise une telle scène est qu’elle est comme magique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas une représentation de la réalité : elle est le moyen utilisé pour donner un effet particulier que le réel ne saurait renvoyer. La fiction n’est pas seulement mimesis.
L’acte Deux devrait commencer assez tôt dans le récit. L’exposition présente une vie ordinaire, un événement qui vient bousculer l’ordre habituel des choses, une proposition qui est d’abord refusée et ensuite un personnage qui décide de s’engager fermement dans le processus d’une aventure dont il est à cent lieues (et la lectrice & le lecteur aussi) de prévoir le dénouement.
Ceci fait, l’intrigue (l’espace dramatique de l’acte Deux) peut commencer. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette exposition n’aura pas une durée excessive car plus elle est longue (il est néanmoins normal d’écrire une longue exposition mais cela demande une expérience d’écriture suffisante) et plus le lecteur/spectateur se sentira perdu.
Comment donner le minimum vital à l’exposition ?
- Une accroche qui s’étend entre une et trois pages : elle sera un visuel ou une scène ou encore une séquence.
- La présentation du personnage principal se fera exclusivement dans l’acte Un car si vous retenez des informations, l’acte Deux en souffrira car ce sont les conséquences de telles informations qui en constituent la matière dramatique.
- Au cœur de votre concept se love un conflit. Afin de capter et de maintenir l’attention du lecteur/spectateur, présentez ce conflit dans les dix premières pages de votre scénario.
Une fois que le protagoniste a pris conscience du conflit en cours et qu’il a décidé (ou a été forcé) de l’affronter (sciemment ou non), le deuxième acte peut commencer.
Les enjeux justifie l’intrigue
Vous devez continuellement injecter de plus en plus d’enjeux et de conflits dans le deuxième acte. Cela crée un sentiment constant d’anticipation. Cela engage la lectrice et le lecteur et les incite à se demander comment vos personnages survivront, vaincront ou surmonteront l’épreuve. C’est aussi ce qui maintient l’envie de connaître la suite.
Savoir & curiosité sont de nature humaine. L’anticipation d’un événement implique la lectrice et le lecteur dans le récit. L’un des points forts d’une intrigue est le retournement de situation : on s’attend à quelque chose et on ne trouve pas ce à quoi on s’attendait.
L’autrice et l’auteur ne sont pas différents. Ils se mettent au défi de comprendre la fin au cours du processus d’écriture de l’intrigue avant que celle-ci ne soit réalisée. Certes, on peut poser la fin et remonter à rebours le fil des événements qui rendent possible une telle fin. C’est une méthode qui a fait ses preuves.
Dans une intrigue, l’idée est que ce qui semble prévisible mène là où vous n’auriez jamais pensé que cela irait.
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