MOTIVATIONS & VÉRITÉS

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La fiction n’est pas différente de la vie. Ce qui se cache sous la surface comme ce que l’on dit ou voit n’est probablement pas la signification exacte de ce qui se voit ou dit. Ce contenu sous-jacent est ce qui permet à l’autrice et à l’auteur de déterminer des comportements et des paroles qui enrichissent les personnages.

Motivations & vérités

Derrière nos mots et nos actions, il y a des motivations et des vérités. Ce sont les significations cachées sous l’apparence (ce que l’on dit & fait). Nous montrons très peu de ce qui nous anime intérieurement.
L’évidence ne révèle pas tout. Ce que pense et ressent un personnage doit être atteint autrement. Le moyen d’y parvenir est de définir un contexte et dans ce contexte de choisir les mots et l’image que les mots renvoient dans l’esprit du lecteur et de la lectrice.

Les mots de l’autrice et de l’auteur non seulement créent des dialogues mais aussi décrivent des actions & des situations. On peut jouer ainsi avec les dialogues lorsqu’un personnage en pleurs dit à un autre Je te déteste ; nous savons par le contexte de cette situation, que ce qu’il lui dit vraiment est Je t’aime.
La situation dans laquelle sont proférés ces quelques lignes de dialogue nous permet de comprendre précisément ce que le personnage ressent alors que si Je t’aime avait été d’emblée au cœur du dialogue, nous n’aurions pas interprété avec toute la puissance voulue cette assertion. Les mots ne déforment pas la sincérité d’un sentiment. Ce que l’on projette de soi à l’extérieur possède mille et une formes. Aimer peut se dire de différentes façons et c’est la prise de conscience par le lecteur/spectateur de cette différence qui donne encore plus de puissance au sentiment quels que soient les mots utilisés pour le dire.

Lorsque quelqu’un dit à un autre Comme tu veux, cela ne signifie pas qu’il cède à la volonté de l’autre, ce n’est pas un aveu de faiblesse. Ce peut être les seuls mots qu’il ait pu trouver pour dire à l’autre son amour. Le sentiment amoureux ne s’embarrassent pas des définitions.
Les circonstances ou la situation permettent aussi d’interpréter une intériorité. Ce ne sera pas celle d’un personnage mais de la nécessité ou de la pertinence d’une scène. Une même scène ou une même image peuvent signifier la conformité ou la romance ou la présence d’un danger ou encore une rébellion. Une même scène comme prendre le thé par exemple peut signifier chacun de ces thèmes.

Prendre le thé ne prend sens que dans sa relation à la situation dans laquelle il prend place. La forme seule du matériel dramatique est pauvre si elle ne possède pas une profondeur. Certes, cette dimension n’est accessible qu’à l’interprétation mais c’est s’assurer ainsi de la participation du lecteur/spectateur qui assiste à une scène.

Explorer & découvrir

Exciter chez le lecteur/spectateur sa curiosité et des anticipations, le forcer à s’interroger par l’interprétation de ce qu’il voit & entend, certes, c’est présumer qu’il en est capable, qu’il peut assimiler ce que signifie par exemple le papier froissé d’un bonbon déposé sur un quelconque comptoir.
Les dialogues recèlent souvent une intention. Il y a des scènes néanmoins où cette intention se manifestera dans toute sa clarté car la sincérité des paroles ne souffre d’aucun filtre. Le personnage s’exprime tel qu’il est.

D’autres dialogues profiteront avantageusement de la litote, procédé de langage qui consiste à en dire moins pour signifier davantage : Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser pour dire par exemple que si le personnage à qui l’offre est destinée ne s’y plie pas, il en pâtira.
D’autres figures de style peuvent être convoquées. Dans Laisse tomber, Jake ; c’est Chinatown, on peut y voir un euphémisme qui synthétise une pensée abstraite telle que dans un monde corrompu, il ne peut y avoir de justice ; l’ambiguïté du message est volontaire parce qu’elle force le lecteur et la lectrice à chercher le sens caché. Sur ce qu’il leur est donné, cette ambiguïté renvoie des images, des mots, des souvenirs, des expériences qui les font d’abord débattre avec eux-mêmes avant d’en discuter avec d’autres.

La didascalie peut aider à préciser le sens. Par exemple, un silence pesant s’empare des personnages ou bien il semble décomposé comme s’il venait de sortir de la tombe : ces expressions figurées préparent le lecteur/spectateur, lui permettent de s’orienter sur l’interprétation qu’il doit tirer de la scène.
C’est le même principe lorsque sous le nom du personnage qui s’apprête à parler, on précise entre parenthèses un état d’esprit, par exemple : (enfin calmé). Ou lorsqu’un dialogue se termine par quelques points de suspension indiquant qu’il y a plus qu’il n’est vraiment dit.

Il faut penser à l’état d’esprit dans lequel se trouve un personnage car son attitude et ses paroles en dépendent. Ainsi ce qui est indiqué entre parenthèses avant que le personnage ne prenne la parole peut permettre d’économiser nombre de mots.
Dans un dialogue, c’est le non-dit qui importe. D’ailleurs, un silence peut signifier beaucoup en suggérant un bouillonnement intérieur rendu palpable pour le lecteur/spectateur. Et certes, les dialogues ne sont pas le seul accès à ce qu’il se passe sous la surface.

L’intérêt de la didascalie ou des parenthèses sert à préciser, à réduire l’étendue de l’interprétation possible d’une scène. Elles déterminent une attitude, une manière de dire les choses.

L’action comme moyen d’expression

Un simple geste peut signifier beaucoup. Un événement n’est jamais gratuit ; il implique toujours quelque chose. L’action ou la réaction des personnages fait sens sans qu’un mot ne soit proféré. Par exemple, si l’on veut établir un rapport de domination et de soumission entre deux personnages, l’un peut accepter que l’autre goûte à ce qu’il y a dans son assiette.
La mastication du prédateur suffit à engendrer cette autorité intellectuelle, spirituelle ou morale. Cela prend à peine quelques secondes mais la signification est immense.

Il en sera de même lorsqu’on veut établir une complicité entre deux personnages qui vivent une même situation sous des points de vue différents comme une mère récemment divorcée et sa fille. On peut inclure dans la scène un geste qui rapproche les deux personnages. Montrer ce geste fait sens. Par exemple, la fille veut reprendre un verre de soda alors qu’elle en a déjà abusé. La mère lui refuse puis verse elle-même du soda dans le verre de sa fille et trinque avec elle.
Aucune ligne de dialogue n’interrompt le geste qui se suffit à lui-même. Le personnage nous communique ce qu’il pense & ressent sans qu’il lui soit nécessaire de prononcer le moindre mot. La logorrhée traduit un manque de confiance en sa capacité d’auteur et d’autrice. Interrogez-vous sur ce qu’un personnage peut faire.

Une technique narrative pour traduire un sens caché peut consister aussi à jouer sur la contradiction entre ce que fait un personnage et ce qu’il dit. Par exemple le personnage s’adresse à la bouteille d’alcool posée devant lui et lui dit Tu ne boiras plus mais il ne peut résister à son addiction et se verse un verre.
L’action est la négation de la parole et nous rend concrète la névrose du personnage. Une action & une ligne de dialogue explicitent un être dans toute sa complexité. La juxtaposition du fait & de la parole donne son unité à la scène.

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