ROBERT McKEE : LES STORY EVENTS (OU SCENE)

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Robert McKee appelle Story Events ce que nous connaissons habituellement sous le terme de scènes.
Un auteur écrit entre 40 et 60 Story Events. Une scène concrétise une action qui prend sa source dans un conflit. La scène peut se référer à une unité de temps et d’espace mais peut être fragmentée sans nuire à sa signification comme nous le verrons plus loin dans cet article.

La notion de Story Value est essentielle dans une scène. En effet, une scène si elle respecte les conditions d’un Story Event doit provoquer un changement perceptible dans la vie du héros. Une des valeurs qui compose la Story Value (ou binarité ou polarité) mise en œuvre dans la scène doit être inversée (si cette valeur était chargée positivement, elle devrait être négative à la fin de la scène).

Lorsque vous avez fini d’écrire une scène, réfléchissez à la Story Value et assurez-vous que vous avez bien identifiée la valeur de la binarité au début de votre scène.
Quelle valeur était en jeu ? Amour ? Vérité ?…
Ou bien était-elle négative (Haine, Mensonge…) ?

Des valeurs changeantes

Maintenant que vous avez parfaitement identifiée la Story Value et les valeurs en jeu, vérifiez quel est leur état à la fin de la scène.
Si vous aviez une valeur positive au début de la scène, est-elle toujours positive à la fin de la scène ? ou inversement.

Si vous constatez que la binarité n’a pas été inversée, par exemple si la valeur était positive au début de la scène et qu’elle le soit toujours à la fin de la scène, vous avez un problème. Et vous êtes en droit de vous demander si cette scène a vraiment sa place dans votre scénario.

Pour qu’un Story Event ait une signification c’est-à-dire que d’une manière ou d’une autre, sa présence soit légitime, justifiée dans le sens où cette scène fait avancer l’intrigue, il faut qu’un changement s’opère dans la vie du héros. La paire de valeurs qui constitue une Story Value (ou binarité) doit s’inverser entre le début et la fin de la scène.

Prenez un couple qui s’aime. La Story Value est Amour/Haine. Au début de la scène, la Story Value est positive (l’amour est un sentiment positif).
Cette scène nous décrit un moment fort de la vie des deux personnages de notre couple car à la suite d’événements qui ont permis de préparer notre scène, le couple va se déchirer en se jetant mutuellement au visage des vérités, des rancunes, des non-dits.

A la fin de la scène, la Story Value est devenue négative, l’amour est devenu haine.
La transformation de la relation entre les deux personnages justifie la scène et lui apporte du sens. Nous savons maintenant que ce couple d’amoureux se hait et cela impactera l’intrigue à partir de ce moment.

Si nous avions imaginé une scène avec la même binarité et que le couple soit toujours amoureux à la fin de la scène, cela aurait été un non-événement. Ils auraient parlé, il se serait passé des choses mais il n’y aurait pas eu d’événement car la charge de la binarité serait restée identique.
Le couple est amoureux au début de la scène, il l’est toujours à la fin de la scène. A quoi donc cette scène pourrait-elle bien servir ?!

Rien n’échappe au changement de polarité

Robert McKee constate que souvent, il lui est rétorqué que des scènes considérées comme des non-événements font partie de l’exposition des personnages. Ce à quoi, futé, Robert McKee répond qu’un auteur avisé parviendrait à tisser cette information ailleurs dans son scénario.
C’est difficile mais pas impossible de faire en sorte que chaque scène parvienne à tourner une valeur qui est un enjeu véritable dans la vie d’un personnage de positif à négatif ou de négatif à positif. L’exposition des personnages ne devrait pas déroger à ce principe.

Voici l’exemple que donne Robert McKee pour expliquer ce que sont les scènes pour lui :
Chris et Andy s’aiment et vivent ensemble. Un matin, ils se réveillent et commencent à se quereller. Leur prise de bec continue dans la cuisine pendant qu’ils préparent le petit déjeuner à la hâte.

Dans le garage, leur bagarre devient plus violente alors qu’ils montent tous les deux dans la voiture pour se rendre à leur travail.
Finalement, sur l’autoroute, les mots se déchaînent, blessants, impardonnables. Andy gare brutalement la voiture sur l’accotement, sort et met fin à leur relation.

Dans cet exemple, bien que cela ressemble à une séquence, il s’agit bien d’un même Story Event avec une série d’actions et de lieux (donc de scènes).
Ce Story Event commence par le positif (un couple amoureux vivant ensemble) et se termine par le négatif (Haine et Séparation).
Les quatre lieux (la chambre, la cuisine, le garage et l’autoroute) ne forment pas véritablement quatre scènes. Ce sont quatre points de vue, quatre angles différents d’un même Story Event (d’un même événement).

Bien que l’attitude des personnages s’intensifie et prépare le moment de la séparation (et de la haine qui va s’instaurer entre les deux personnages), le couple est toujours ensemble et probablement encore amoureux.
Ce qui est en jeu (leur amour) n’est donc pas encore menacé.

Le point majeur de ce Story Event est le moment où Andy referme violemment la porte de la voiture lorsqu’ils sont sur l’accotement. On pourrait l’entendre dire : “C’est terminé”.
A ce moment, les vies de nos deux personnages sont bouleversées. L’amour est devenu haine et le couple se sépare. La Story Value est inversée. Cette séquence constitue un Story Event.

Comme vous le constatez, il n’est pas nécessaire de respecter une unité de temps et d’espace, des scènes fragmentées peuvent constituer un Story Event.
Les Story Events peuvent ainsi s’imbriquer sans que leur signification ne souffre d’aucune façon.

Je partage mes connaissances parce que je trouvais égoïste de tout garder pour moi. Et je me suis aperçu que cela pouvait vous être utile. 
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2 thoughts on “ROBERT McKEE : LES STORY EVENTS (OU SCENE)

    1. Merci Rosdollane pour ce commentaire. Effectivement, vos questions sont tout à fait légitimes. Elles concernent en fait le développement de l’intrigue. La jeune femme pourrait par exemple ne pas avoir le permis et de se retrouver abandonnée sur le bas-côté de l’autoroute pourrait la mener à d’autres complications ou bien une nouvelle rencontre.
      L’exemple de McKee lui sert à illustrer qu’un même Story Event peut jouer des ellipses temporelles et être distribué à différents moments de l’histoire. Son intention ne va pas au-delà.
      A très bientôt

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