CONFORMISME ?

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Le conformisme est-il rassurant ? S’appuyer sur une structure éprouvée semble pourtant bien faciliter notre tâche. Cela est démontré : notre lecteur/spectateur accroche mieux à notre récit lorsqu’il croit reconnaître en celui-ci une organisation à laquelle il est habitué.

Ne serait-ce que les archétypes : héros, mentor… sont des figures qui hantent notre inconscient collectif (si une telle chose est vraie, alors supposons-la).

Nous pouvons espérer une reconnaissance presque instinctive avec de tels personnages et avec les enjeux si importants pour eux. Du coup, la lectrice et le lecteur saisissent ce qu’on leur montre et il s’ensuit une participation au moins sur le plan des émotions. En revanche, si l’archétype est trop marqué, c’est plutôt vers un désintérêt, quasiment une indifférence envers les tribulations du personnage.

Donc, le travail de l’auteur et de l’autrice consiste à subvertir ces archétypes. Le Roi Lion (1994) utilise un héros tout à fait classique : un jeune prince spolié en quête de son identité et dont la destinée lui appartient en propre. Un mentor (Mufasa), par définition sage et, comme souvent, substitut du père et dont la mort est toujours un point d’orgue nécessaire, sur le plan émotionnel bien-sûr, mais surtout pour signifier le début de la maturité pour le héros ou l’héroïne ; et, évidemment, le méchant de l’histoire Scar comme archétype de la jalousie et de la trahison.
La conformité du Roi Lion au monomythe de Joseph Campbell (le Hero’s Journey) est patent : un appel à l’aventure (Call to Adventure), l’ultime épreuve qui assoit définitivement l’autorité du héros ou de l’héroïne (ici, ce sera le combat à mort contre Scar) et comme dénouement, le rétablissement de l’ordre (ces récits sont par nature utopiques, mais ils font du bien au cœur, bien mieux d’ailleurs que la médiocrité de la plupart des comédies).

Pensez-vous que le lecteur/spectateur se lasse de tels récits ? Non, il les apprécie. Et d’autant plus que ce héros ne nous paraît jamais caricatural. Alors, considérez que les archétypes ne sont pas vos ennemis ; ils ne vous limiteront pas si vous savez les manier et n’en faites pas des stéréotypes.

Moralement acceptable

Séduire son lecteur/spectateur, c’est lui offrir une proposition de conduite qu’il puisse accepter. Qu’est-ce à dire ? Un récit transmet des valeurs, des normes, des principes éthiques. On les retrouve chez les personnages et dans leurs dilemmes. On peut être explicite et notre message sera clair : voilà ce qui est juste et voici ce qui ne l’est pas. Il y a certainement un parti-pris auquel vous confrontez votre lecteur/spectateur qui ne s’en plaint pas forcément. Il peut donner son assentiment à votre message.

D’autre fois, ce message est moins direct. Dans ce cas, c’est une question que l’on pose : il est laissé au lecteur/spectateur le soin d’interpréter selon son propre jugement.

Alors la morale à laquelle votre récit prétend pourrait être conforme aux normes dominantes. Vous vous mettez ainsi peu de monde à dos. Quand on reflète les valeurs courantes, le lecteur/spectateur ne ressent pas un malaise. C’est le bien qui triomphe du mal et non l’inverse parce que, dans ce cas, vous dérangez. Ce pourrait être aussi une apologie du progrès contre ses détracteurs éventuels et autres complotistes… autrement dit votre mélodie est dans l’air du temps. Néanmoins, il y a un risque : si vous parvenez à éviter le stéréotype, vous manquerez probablement d’une profondeur critique.

C’est alors qu’on peut choisir de procéder à l’inverse, une espèce de transgression. La morale que décrit votre récit transgresse les valeurs établies. Songez à Zola ou à Orwell. Là, vous interrogez vraiment votre lecteur/spectateur, vous l’impliquez dans votre récit, vous en faites sa préoccupation. Si cela fonctionne, tant mieux, mais attention au rejet, à la censure ou simplement à l’incompréhension. On nous demande d’être original, authentique, en accord avec nous-mêmes, mais, ce faisant, nous prenons le risque de diviser.

A nous de savoir si l’on veut rassembler autour de notre message ou bien si on provoque. L’audace en fin de compte serait de laisser notre lecteur/spectateur tirer ses propres conclusions.

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