L’ÉMOTION COMME DIMENSION

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Il y a une dimension dans le récit, qu’il soit de fiction ou celui de l’historien, qui est celle du plaisir de lire. Le genre et les actions qu’il implique participent aussi de ce sentiment que l’on éprouve devant la lecture d’une fiction. L’amour à travers la romance, le mystère, l’aventure s’accompagnent de mouvements de l’âme particuliers.

Des actions précises font naître en nous des passions diverses. Le rire, les larmes, l’amour & la haine, de la répulsion ou de la peur ou de la joie aussi. De l’attente aussi lorsque nous anticipons les actions.

La passion que nous subissons

Le sentiment d’amour ou celui de haine est différent du rire et des larmes. Alors que le rire et les larmes sont provoqués par une situation qui nous est extérieure, l’amour et la haine imposent en nous une compassion avec les sentiments éprouvés par l’autre, fut-il fictif.

Il faut préparer le lecteur et la lectrice à cette expérience émotionnelle. Pour que soit possible l’intensité d’une telle expérience, il faut s’interroger sur les conditions de sa possibilité. Une espèce de mise en intrigue de l’émotion d’autrui est nécessaire pour que fonctionne l’empathie recherchée.

Lorsqu’un prêtre vaudou s’invite dans une scène, il serait vain de croire que sa seule présence suffit pour que naisse un quelconque sentiment de crainte. Il en est de même des autres passions.
La promesse de ces sentiments contribue à tromper le lecteur/spectateur, à l’immerger malgré lui dans une atmosphère toute emplie d’émotions virtuelles et la réalisation de cette promesse lui procure du plaisir et conséquemment d’avoir été diverti.

La valeur émotionnelle d’une action dépend pour une grande part d’une illusion. Une situation donne à voir les seuls éléments qu’elle estime suffisants pour exciter telle ou telle passion chez le lecteur ou la lectrice. La situation décrite donne d’elle-même une image chargée de l’émotion voulue par l’autrice et l’auteur et cette image que nous recevons engendre immédiatement une réaction émotionnelle sans que nous ayons le temps de la filtrer avec notre entendement qui pourrait la remettre en cause.

Lorsqu’un héros ou une héroïne lutte contre des ennemis en surnombre et malgré cela remporte la victoire, la fiction ne nous dit pas qu’une telle situation est la vraie vie. Ce qu’elle raconte, c’est qu’il y a chez cette héroïne ou ce héros une espèce de divinité et c’est le sentiment de celle-ci qui constitue l’intention d’une telle séquence.
Lorsqu’un homme de main vraiment méchant meurt par l’action de l’héroïne ou du héros, nous éprouvons une satisfaction et du plaisir oubliant aussitôt qu’un être humain vient de mourir, oubli qui serait impossible dans la vraie vie. Par la fiction, nous prenons de la distance avec la mort. Lorsqu’un homme bon meurt sous les coups d’un tyran, ce sont les larmes de ses enfants qui nous touchent et nous émeuvent. Sans de telles larmes, nous serions presque indifférents, comme dans la vraie vie.

Ainsi, la fiction nous met à l’abri des conséquences des situations qu’elle décrit. Il lui faut donc user de subterfuges pour que nous ressentions émotionnellement ce qu’elle présente comme une apparence de réalité. L’auteur et l’autrice ont une responsabilité énorme dans une telle pratique et en particulier dans le choix des mots qu’ils emploient afin de transcrire une situation sensée créer chez une lectrice ou un lecteur une singulière émotion.
Il faut croire au sens plastique de la description, c’est-à-dire une manière de dire qui donne forme à une représentation.

Une métaphore de la vie

Lorsqu’un trublion harangue un ouvrier en lui suggérant ou en l’incitant à réclamer un quelconque soulagement, l’autrice ou l’auteur d’une telle scène font une comparaison, c’est-à-dire une similitude ou une différence avec la situation personnelle de l’ouvrier.
Lorsque cette situation singulière doit provoquer chez son lecteur ou sa lectrice une réaction émotionnelle, la situation concrète de l’ouvrier devient une métaphore pour une idée, c’est-à-dire un concept forcément abstrait comme le sentiment d’injustice. La condition de l’ouvrier est une illustration parmi d’autres qui crée une analogie dont la signification porte sur le ressenti d’une injustice même si, dans la vraie vie, nous sommes à mille lieues de cette condition.

Par la métaphore, l’auteur et l’autrice tentent de dire ce qui est pour eux une importante vérité.

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