En dramaturgie et dans l’écriture scénaristique, le concept de tension dramatique est associé à la courbe dramatique, qui décrit cette tension dramatique en fonction du temps : la tension dramatique augmente jusqu’au climax, le moment ultime de la confrontation de l’héroïne et du héros avec l’adversité, puis diminue jusqu’à la fin du récit.
Cette courbe a été introduite par Gustav Freytag au dix-neuvième siècle. Mais qu’est-ce qui, exactement, augmente puis diminue au cours d’un drame typique ? Qu’est-ce qui fait que la tension dramatique augmente ou diminue ?
Ce problème n’est généralement pas clairement défini. Il existe cependant d’autres concepts connexes qui sont mieux définis dans les différentes théories narratives : le suspense, le conflit et le paradoxe.
Le suspense
Le suspense peut être défini de manière rigoureuse. Il se produit lorsqu’un certain état de l’histoire est fortement espéré par le lecteur/spectateur et que, parmi les différents résultats qui peuvent être anticipés, cet état est perçu comme ayant très peu de chances de se produire ( réciproquement, le suspense peut être défini par la crainte d’un état négatif qui a de fortes chances de se produire).
Précisons ce qu’est ce certain état de l’histoire :
Un état de l’histoire fait référence à la condition ou à la situation actuelle d’un récit. Il représente l’état général de la situation dans le récit, y compris les personnages, le cadre et les événements qui ont eu lieu jusqu’à un certain moment de ce récit. Cet état englobe toutes les informations pertinentes et le contexte dont la lectrice et le lecteur ont besoin pour comprendre et suivre le récit. Nous aurions ainsi la floraison du printemps & la fructification de l’automne..
Ce moment singulier du récit comprend divers éléments tels que les objectifs, les motivations et les conflits des personnages, ainsi que les relations établies entre eux. Il intègre également le cadre établi, y compris la période, le lieu et toute information contextuelle importante qui a été révélée (que l’on peut comprendre comme l’arrière-plan du récit).
En outre, l’état de l’histoire comprend les événements et les actions qui se sont produits, façonnant le récit et conduisant les personnages à leur situation actuelle. Au fur et à mesure que l’intrigue progresse, l’état de l’histoire évolue et change grâce à de nouveaux événements, au développement des personnages et aux rebondissements de l’intrigue.
Il incombe à l’autrice et à l’auteur de gérer efficacement cet état et d’en assurer la transition afin de maintenir la cohérence et l’intérêt du lecteur/spectateur. En comprenant cet état singulier qui colore le récit, le lecteur et la lectrice peuvent mieux anticiper et comprendre les événements et les développements qui se déroulent au sein de ce récit.
Le conflit
Le conflit désigne la lutte dans laquelle les personnages sont engagés. Pour de nombreux théoriciens et dramaturges, il s’agit d’un concept essentiel et il est courant de lire que le drame est conflit. Il s’agit, comme la tension dramatique, d’un terme très courant.
La principale difficulté conceptuelle réside dans le fait qu’il existe différents types de conflits qui, rassemblés en un seul mot, donnent lieu à un concept flou. D’une manière générale, un conflit survient lorsque deux objectifs ne peuvent être atteints en même temps. Selon les types d’objectifs, on peut distinguer différents types de conflits, tels que les conflits d’intérêts, les conflits éthiques, les conflits externes et les conflits internes.
Le paradoxe narratif est la juxtaposition de deux termes contradictoires, que des actions narratives successives tentent de résoudre. Tenter de résoudre ce qui ne peut être résolu pendant la majeure partie d’une intrigue crée inévitablement une tension dramatique.
Dans certains cas, le récit peut se terminer en opérant un changement majeur dans le paradoxe, où les termes du paradoxe sont réinterprétés avec un nouveau point de vue. Dans ce cas, le paradoxe n’est pas résolu mais plutôt dissous : il n’existe plus. Dans d’autres cas, le paradoxe demeure jusqu’à la fin. Cette approche trouve ses racines dans l’analyse du mythe par Claude Lévi-Strauss et peut être rapprochée, en dehors du domaine de la narratologie, de l’injonction paradoxale (une espèce de double contrainte qui ne peut mener qu’à l’échec : je te donne l’ordre de me désobéir par exemple) et de l’humour.
Le paradoxe narratif
Un paradoxe narratif fait référence à une situation ou à un concept au sein d’une intrigue qui présente des éléments contradictoires ou conflictuels, remettant souvent en question la cohérence logique ou temporelle du récit. Il s’agit d’une structure narrative qui peut créer de la confusion ou remettre en question la compréhension de la trame par la lectrice ou le lecteur.
Un paradoxe peut exister lorsqu’un objet ou une information existe dans une boucle temporelle sans origine discernable. Par exemple, imaginons un personnage qui voyage dans le temps et donne un tableau célèbre à un artiste qui devient ensuite célèbre grâce à ce même tableau. La question se pose : D’où vient le tableau à l’origine ? Il semble qu’il n’y ait pas de créateur ou de source initiale.
Un autre exemple classique de paradoxe qui survient lorsque l’on voyage dans le temps est qu’une personne voyageant dans le temps tue son propre grand-père avant la conception de ses parents. Cet acte empêcherait la personne de naître, ce qui rendrait impossible tout voyage dans le temps pour commettre l’acte en premier lieu. Il y a contradiction, car ses actes annulent la possibilité de sa propre existence.
A propos d’existence, un paradoxe se produit lorsqu’un objet ou une information est créé sans source ou origine apparente, et que son existence dépend d’événements qui se produisent plus tard dans la chronologie. Imaginez par exemple qu’un personnage trouve un livre de prophéties sur sa propre vie et qu’il suive les événements décrits dans le livre, provoquant ainsi les événements eux-mêmes. La question se pose alors : D’où viennent les prophéties à l’origine si elles ont été créées par des événements qui n’ont pas encore eu lieu ?
Le paradoxe narratif souligne l’idée d’éléments conflictuels ou contradictoires au sein d’un récit qui remet en question notre compréhension de la cause et de l’effet, du temps et de la cohérence logique. Les paradoxes narratifs servent souvent d’outils de réflexion dans la littérature, les films et d’autres formes de narration, suscitant des discussions et explorant des idées complexes.
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