NEXUS PAR L’EXEMPLE – 2

0
(0)

Si l’ambiguïté se mêle à votre récit comme dans The Stranger, alors le nexus est implicite. En effet, lorsque le bien recherché qu’il soit la justice, la vérité ou une réparation a recours au mal comme la manipulation, le mensonge et en fait, tout moyen de violence psychologique, nous créons une ambiguïté qui ne consiste pas à choisir entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, mais à présumer que chaque choix implique une faute ou une perte.

Pour prouver la culpabilité d’un homme, il faut déformer la réalité envers celui que l’on soupçonne. Cette mise en œuvre a cependant un contrecoup : Mark est moralement et physiquement épuisé, il perd ses repères à être un autre. Il dissimule ce qu’il est pour mener un homme à sa perte. Seulement cette relation faussée dévie, car Mark se surprend à éprouver une étrange proximité avec Henry : un syndrome de Stockholm inversé. Ce n’est pas l’otage qui s’attache à son bourreau, c’est le geôlier qui s’attache à sa victime.
Le problème pour Mark est que la dissimulation suppose la simulation et qu’il se retrouve totalement enfermé dans le mensonge et il en souffre réellement. Néanmoins, Mark n’est pas le seul à éprouver un malaise qui le mène jusqu’à l’épuisement. Henry aussi arbore une image de douceur qui cache une culpabilité qui le hante, car il la tait pour assurer sa survie. Habituellement, le personnage principal vise un objectif et l’intrigue consiste alors à surmonter les obstacles qui ne manqueront pas d’advenir. Classique. Dans The Stranger, l’objectif lui-même est un obstacle : la confession d’Henry !

Et c’est ainsi que les lieux se chargent d’une hostilité permanente. Ne nous fions pas à la demeure d’Henry, calme, sobre, apaisée. Mark y vit une terrible tension : il est dans l’antre de celui qu’il soupçonne d’un meurtre atroce et il doit continuer à feindre.
Mark lutte contre son instinct. C’est la situation elle-même qui est un non-dit et pourtant, elle nous murmure le malaise de Mark ; un bruissement du pesant du silence et de la proximité.

Et si nous revenions à une structure plus habituelle à laquelle nombre d’entre nous sommes plutôt faciles à mettre en œuvre : une héroïne ou un héros agit ou subit. Il ou elle tente désespérément de maintenir un semblant qui leur paraît rassurant. Souvent, c’est par peur d’affronter une vérité qui fait mal. Mais même ainsi, le nexus se manifestera, car tout converge vers lui. Illustrons avec You can count on me (2000) de Kenneth Lonergan. Sammy incarne la stabilité. Ce statu quo est un mensonge ; Sammy est dans le déni et celui-ci se manifeste comme une défense.

Face à elle, Terry (son frère). Ces deux-là sont liés par un tragique événement au cours de leur enfance. Sauf que pour Terry, contrairement à Sammy, c’est la fuite qu’il a choisie. Maintenant, l’incident déclencheur. Notre personnage principal est Sammy. Qu’est-ce qui peut perturber une vie apparemment réglée ? Le retour de son frère. C’est une vraie révélation, cet homme-là ; pour Sammy, du moins. Car ce retour est le symbole de ce qu’elle réprimait si douloureusement : des souvenirs, des frustrations, des manques, comme autant de concessions à sa souffrance ou de capitulations devant celle-ci.

Du coup, le symptôme est que sa relation avec Rudy (le fils de Sammy) se détériore.

Face aux complications, on met en place des stratégies sinon pour les résoudre, du moins pour les contourner. Naturellement, Sammy tente de normaliser (c’est-à-dire de mettre à son image) son frère Terry. Elle refuse d’entendre ce que sa présence lui dit.

En aparté, laissez-moi vous préciser ce que j’entends par corps des acteurs. Ce n’est pas de plastique dont je parle, mais de présence. Ici, le nexus converge vers l’arc dramatique de Sammy. Lors de l’ultime confrontation, point d’orgue du nexus, son déni se brise définitivement lorsqu’elle comprend qu’elle ne peut plus fuir sa vérité.

Vous savez, l’évolution d’un personnage, c’est tout comme le mouvement incessant de l’eau. Celle-ci creuse son lit et il est vain de le combler par quelques artifices. Il suffit de suivre le mouvement. N’anticipons pas, ce serait une tragédie. Ce sont nos expériences, donc notre vécu, et nos actions actuelles qui en dépendent, qui font que nous suivons telle ou telle orientation. Ainsi, chaque scène prépare le terrain.

Je reviendrai sur cela dans le prochain article.

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 0 / 5. Vote count: 0

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

HTML Snippets Powered By : XYZScripts.com