L’esprit, voilà ce à quoi un scénariste, une autrice et un auteur, se doivent non seulement à eux-mêmes, mais aussi au lecteur/spectateur lambda à qui ils s’adressent d’abord. Cet esprit est réputé humain parce qu’il souligne essentiellement les expériences intimes des personnages, une intimité partagée avec le lecteur/spectateur justement.
L’épaisseur de cet esprit se constitue de la mémoire, de l’imagination, de la raison, des valeurs qui nous préoccupent, nous et nos personnages, et se manifeste le plus aisément par la métaphore. Us de Jordan Peele, par exemple, se sert de la métaphore pour dénoncer de sérieux problèmes sociaux aux États-Unis. The Room (2019) de Christian Volckman a comme principe que nos pensées se matérialisent. Mais nos désirs ont parfois des conséquences inattendues ou plus sévèrement dévastatrices lorsqu’elles s’éploient dans le monde. Autrement dit, une telle prémisse appelle de ses vœux la métaphore.
En nous, il y a des forces à l’œuvre, une vibration, du mouvement, de la vie. Exposons-les en moments puissants d’intensité, et si événement il y a, alors montrons l’émotion qu’il provoque, non l’action frontale. Certes, l’action se suffit à elle-même pour exister, mais le corps qui se meut dans cette action n’est pas une simple masse.
Tout participe de la scène : le corps, tout autant les objets de cette scène, la lumière, les couleurs, les ombres de cette scène, les relations qui s’y nouent et s’y dénouent. Bien-sûr, on ne peut prétendre désavouer totalement la causalité : parfois une scène ne peut se justifier si quelques conditions a priori ne lui permettent pas d’exister.
Cherchons plutôt la qualité : lions nos scènes par l’émotion, le sentiment, la passion. Eux seuls nous autorisent cette pulsation. Call me by your name (2017) de Luca Guadagnino est un cas exemplaire. La romance entre Elio et Oliver parvient jusqu’à nous parce que nous pouvons ressentir ce qui se crée entre les personnages, l’essence de leur relation nécessairement passionnelle et, par conséquent, métaphorique. La campagne italienne, la richesse de ses teintes, sa beauté naturelle, la chaleur de l’été… Tant de métaphores pour nous rendre sensible l’ineffable.