AUTHENTICITÉ ?

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L’authenticité, c’est bien ce que nous recherchons chez nos personnages. Et devinez quoi ? Eux aussi sont en quête d’eux-mêmes. C’est la nature même de la tragédie de positionner nos personnages dans des situations de conflit, et bien souvent, celles-ci sont substantiellement de dilemme moral.

La crise, qu’elle soit identitaire, existentielle, climatique… est le moyen de se connaître soi-même. Et l’autre ? Où est-il pendant ce temps ? Mais face à nous alors qu’il tente de nous cerner, de nous interpréter dans les gestes que nous faisons envers lui. Quand on est honteux par exemple, on ne l’est généralement pas envers soi-même ; il n’est pas facile de se mettre à distance de soi pour juger que nos actes sont bons ou mauvais parce que, de notre point de vue, nous ne saurions considérer les conséquences de nos actes sans erreurs.

La crise survient dans notre rapport à l’autre et, dans cette relation, nous roulons dans la tourmente et pour cesser d’en souffrir, nous agissons. Quand un être, aimé de nous ou inconnu de nous, est dans le péril, si nous ne nous engageons pas autant de notre corps que de notre âme dans son salut, nous subissons le dilemme. De cette inscription dans l’action, ce ne sont pas nos passions, pas plus que notre raison, qui se manifestent : c’est nous, ce que nous sommes et qui a été caché par notre éducation, notre culture, les normes qu’on nous a imposées.

Dans A History of Violence (2005) de David Cronenberg, il y a Tom, un personnage qui a une double identité : celle d’un homme en paix et une autre personnalité et cela est très proche d’être universel puisqu’elle est niée. La négation n’est pas une éradication. Et l’épreuve survient brutalement. Alors cette seconde identité irascible se manifeste.

Non sans conséquences. Même renfoncée dans la négation, elle suscite une série d’événements. Tom est pris dans cette série et obligé de reconstruire le récit de sa vie. On ne reconnaît plus Tom et même lui a quelques difficultés à s’accepter. C’est ce que Paul Ricœur nomme un conflit interprétatif. Aurions-nous plusieurs vies ? Il y en a une qui domine et ce n’est pas une question d’apparences, c’est un récit de nous au présent et lorsque l’épreuve perfore ce récit dominant, une autre version de nous-mêmes, un autre récit de nous, une autre vérité nous possède.
Pour faire simple, je peux dire qu’il existe un conflit entre ce qu’on prétend être et ce qu’on a été. Et pour le scénariste, c’est une avenue dans laquelle il s’engagera.

Je ne veux pas être réducteur, mais qu’est-ce qu’une crise autre que souffrance et perte de contrôle ? Et n’est-ce pas précisément dans ces moments-là que se dessille le regard que nous portons sur nous-mêmes ? Anthony (The Father (2020) de Florian Zeller) se désintègre. Viktor Frankl, psychiatre, pense que nous ne pouvons pas prévoir vraiment ce qu’il nous arrive. Alors, dans un sursaut de dignité humaine, nous pouvons toujours choisir notre attitude dans l’adversité.
Et c’est bien ce que fait Anthony, non pas dans l’espoir d’une victoire sur sa maladie, plutôt dans le choix qu’il fait de la confronter et de résister à l’effondrement de son monde. La perte de nos repères n’est pas une fatalité. Nous avons toujours la liberté de choisir. Même quand le soufre délite notre corps et jusqu’à notre âme, parfois.

En somme, la crise nous permet d’être authentique.

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