Dans l’écriture d’un scénario, suivre le temps n’est pas très recommandé. Parfois, il faut accélérer les choses, jouer avec la chronologie des faits ou même créer du suspense. On utilise l’ellipse qui permet d’aller plus avant dans ce qu’il se passe sans montrer ce qu’il s’est passé entre-temps (car, bien souvent, cet entre-temps n’a pas une grande valeur).
D’autres fois, on a recours à l’analepse parce que des pans entiers du passé expliquent le présent. Notre propre présent, et le fait d’être lecteur/spectateur d’une fiction n’y change rien, est fait de notre mémoire, de nos souvenirs et de nos expériences passées auxquelles viennent se mêler (alors que nous sommes dans le présent, vous me suivez bien) des anticipations, car, après tout, ne sommes-nous pas des êtres en devenir ?
Ainsi, néanmoins, mais c’est moins courant, nous pourrions avoir des prolepses, c’est-à-dire que nous imaginons (et le personnage tout autant) des possibles et parmi ceux-ci, nous prenons quelques intentions d’en réaliser un.
En jouant avec la perception qu’à notre lecteur/spectateur du temps dans notre récit, nous pouvons le surprendre. Et c’est tant mieux.
Les coupures temporelles
L’ellipse est très souvent employée, car à la relecture, on s’aperçoit souvent qu’il y a des événements qui sont vraiment sans importance, qui n’ajoutent rien à l’intrigue et les supprimer ne détruit pas le récit. Pour garder le lecteur ou la lectrice attentifs, il faut du rythme et le jeu des ellipses participent totalement de ce battement.
L’analepse est plus délicate à manier. Elle a tendance à rompre la linéarité et le risque est que le lecteur/spectateur se sente confus. Pourtant, la finalité de l’analepse est très importante pour expliquer. Vous avez, par exemple, un témoignage. Supposons qu’un rescapé (un déporté politique) de Mauthausen soit venu témoigner de son expérience lors du procès de Nuremberg. Entendre ce qu’il a à dire, on peut le lire ailleurs.
Dans un scénario (et c’est ce qu’il s’est passé historiquement lors du procès), sur la toile blanche d’un écran est apparu des scènes filmées de la réalité des camps ; entre stupéfaction et fascination, les images ne nous laissent jamais indifférents.
Vous le voyez, si l’analepse est raisonnable, il faut l’accepter et bien penser le moment où elle doit apparaître. On pourrait même la faire apparaître dans un prologue.
La prolepse est différente. Elle n’est pas une simple projection dans le futur. C’est de l’incertitude qu’elle met en jeu. Vous avez une héroïne ou un héros qui mettent au point une tactique pour vaincre la supposée intention néfaste d’un méchant de l’histoire. Ici, nul besoin de prolepse, l’élaboration du plan se fait au présent avec des désaccords entre les personnages pour dramatiser davantage la situation.
Alors quand une prolepse devient-elle indispensable ? Considérons le Terminator (1984) de James Cameron. Le futur que nous décrit la prolepse est établi : c’est une chose certaine sinon le récit n’a plus de sens. Alors l’incertitude ? L’avenir est l’enjeu, mais, nous conte cette fable, nous pouvons le modifier si nous faisons les bons choix. Sartre dit que notre liberté dépend de nos choix et que si nous décidons de nous aliéner aux machines (ou, dit autrement, si nous nous aliénons aux machines sans maîtriser leur puissance), nous sommes perdus.
Le futur dépend des actions actuelles, même si celles-ci sont quelque peu façonnées par le passé ; je dis bien non déterminées par notre vécu, mais que celui-ci a tout de même sa petite influence dont nous devons tenir compte chez nos personnages.
