UNE INTRIGUE AUTOUR DE LA NOTION DE SAUVETAGE

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Le héros d’une intrigue fondée sur un concept de sauvetage doit tout comme le héros d’une aventure aller à la rencontre du monde. Il est à la recherche de quelqu’un ou de quelque chose. C’est sa quête, sa mission.

Parallèle à la mission de sauvetage, il est souvent lié la poursuite de l’antagoniste. En somme, c’est lui qui est la cause de la mission de sauvetage en détenant les clefs pour l’être ou la chose recherchés et devant être secourus.
Par sa nature même, cette intrigue est articulée autour de l’action. Les personnages évidemment recèlent quelques subtilités psychologiques mais toute l’intrigue se concentre sur l’action, le mouvement.
En fait, une intrigue basée sur un sauvetage dépend énormément de la force antagoniste. C’est elle qui justifie toute l’histoire. D’où l’importance pour l’auteur d’appuyer sur cet antagonisme : sa motivation, ses raisons, sa légitimité.
Son point de vue est important. Aussi crucial pour l’histoire que peut l’être celui du protagoniste.

Un triangle

Trois personnages donc trois fonctions dans un sauvetage :

  1. le protagoniste
  2. l’antagoniste
  3. la victime

Entre ces trois-là se crée une dynamique. Cette dynamique sert l’intrigue. Elle l’a nourrie. Pour le lecteur, ce qui le préoccupe dans l’histoire, ce sont les situations dans lesquelles ces trois personnages majeurs sont plongés.
Pris individuellement, ils acquièrent moins d’importance. Ils auront certainement des trajectoires différentes. Et ils seront certainement différents à la fin de l’histoire parce qu’ils auront vécu des choses fortes qui leur ont permis d’ouvrir les yeux sur certaines vérités.

Et lorsqu’il s’agit d’une série télévisée, plusieurs situations de sauvetage successives seront alors requises avant de voir l’un de ces trois personnages cruciaux d’une telle intrigue commencer à voir les choses différemment.
En somme, le conflit est la conséquence de la mission de sauvetage et l’intrigue décrit les tentatives du héros pour récupérer ce qu’il a perdu.

Néanmoins, une telle intrigue est difficile à écrire parce que l’argument moral est superficiel : le méchant a tort et le héros est juste.
Quant au lecteur, il apprécie la poursuite sans faire montre d’un quelconque esprit critique. Ce n’est pas vraiment un bon scénario.

Un débat

Un bon scénario met en place un débat avec des arguments valides des deux côtés. Les points de vue de l’antagoniste et du protagoniste sont convaincants et logiques.

Il faut écrire non pas une histoire du bien contre le mal. Bien trop classique et qui n’ajoute rien à une intrigue fondée sur un sauvetage. Le débat doit prendre place entre le bien et le bien. Le protagoniste et l’antagoniste ont chacun leur plateforme morale. Tous deux sont entre le marteau et l’enclume.

Imaginez un père dont la justice vient de lui refuser la garde de son enfant. N’acceptant pas cette décision, il enlève l’enfant. La mère va se mettre alors à sa poursuite.
La tendance habituellement est de faire du père un être violent afin que le suspense et la tension dramatique aient un impact maximum.

Mais c’est amenuiser toute la force de l’intrigue. Bien plus passionnant est de mettre en place pour le père et la mère une revendication morale et parfaitement justifiée pour l’enfant.
Bien sûr, la signification du mot sauvetage implique qu’il y a quelque part quelque chose de mal puisqu’il y a justement besoin d’un sauvetage.

Etre sauvé, c’est être délivré d’un enfermement, d’une menace, de la violence ou de l’influence machiavélique de quelqu’un ou d’une entité (comme un culte, par exemple). Et là, l’histoire devient intéressante.
Parce que ces éléments dramatiques sont symboliques. Dans le cas d’un enfermement, ce qui compte, ce sont les raisons qui ont poussé quelqu’un ou quelque chose a enfermé ce qui devient une victime. Et ce concept de victimisation peut lui même alors être abordé et développé.

Dans le cas d’une menace, il faut trouver les motivations qui en sont à l’origine. L’antagonisme est une fonction dans l’histoire. Elle permet de situer les personnages dans une structure. Ce n’est pas la fonction qui donne du sens à l’histoire.
Et une influence machiavélique ne peut être seulement désignée comme un ennemi. Si, dans sa folie, un personnage décide qu’il est l’élu et qu’il tue tous ceux qu’il ne reconnaît pas comme de sa nature, peut-être qu’il a une vision du monde trop lucide et qu’il souhaite recréer une civilisation à son image débarrassée de tous ses maux.

La fonction du protagoniste

Dans une intrigue dont un sauvetage est au cœur, le protagoniste est le personnage qui fait la recherche. Une relation intime et sincère existe entre la victime et le protagoniste. Et c’est cette relation qui fournit la motivation nécessaire au protagoniste pour se lancer à la recherche de cette personne ou bien de cette chose auxquelles il tient tant.

L’attachement le plus pur est l’amour. La mari par exemple veut sauver sa femme. Elle a pu tomber dans n’importe quoi : un enlèvement, une addiction, une emprise…
Quelque soit l’attachement, on trouve très souvent un sorte d’idéal qui fleure à la surface des motivations. Comme si le protagoniste était poussé par une sorte de besoin moral puissant à corriger le mal qui a pu être fait.

Il faut noter que comme toute quête qui se respecte, lorsque le héros s’engage dans son aventure, il aboutit dans un autre lieu. C’est-à-dire un monde dont il ne connaît pas les règles. Cela laisse présager de sérieuses difficultés pour mener à bien le sauvetage.

Mais comme le protagoniste doit surmonter des obstacles sur le terrain même de son antagonisme, cela crée non seulement de la tension (et donc du suspense) mais aussi cela lui permet de découvrir en lui une force qu’il ne soupçonnait probablement pas.

Encore une fois, essayez de ne pas résumer ce sauvetage comme un duel entre le héros et son opposant. Par exemple, la fiancée du héros tombe sous le charme d’un autre jeune homme. Structurellement, cet autre est l’antagoniste. Mais pourquoi serait-il un mauvais garçon ?
La fiancée s’est laissée convaincre par un autre amour. Lorsque votre héros cherche à retrouver la jeune fille (qui est apparemment la victime dans cette histoire comme si elle avait succombé à des attraits fallacieux), est-ce vraiment sa fiancée qu’il cherche à récupérer des griffes d’un être fourbe ou plutôt pour récupérer un amour perdu. Vous sentez la différence ? Ce n’est pas l’individu qui est recherché, c’est une valeur morale.

La fonction de l’antagoniste

Classiquement, lorsqu’il y a sauvetage, c’est qu’il y a eu un personnage dont une part de la personnalité échappe un peu à la norme morale et qui a enlevé quelqu’un ou quelque chose. Souvent,  ce personnage est traité un peu d’une manière négligée.
On suit le protagoniste (puisque c’est lui qui mène l’action, en l’occurrence, il cherche à sauver quelqu’un ou quelque chose) et on rencontre l’antagoniste de temps en temps comme pour nous rappeler qui, en fin de compte, le héros de l’histoire devra vaincre s’il veut l’emporter.

Mais si l’on se souvient que plus l’opposition est forte et la victoire sera alors plus grande et plus significative. Par conséquent, l’antagoniste devrait interférer constamment contre les tentatives du héros.
L’interaction entre les deux est ce qui crée de la tension dramatique.

La force antagoniste est un dispositif dont le but est de priver le protagoniste de ce qu’il croit lui appartient de droit. C’est un être ou une force souvent intelligente mais aussi perfide. Et pendant toute l’intrigue, il doit damer le pion au héros.

La fonction de la victime

La victime est la raison du conflit entre le protagoniste et l’antagoniste. Souvent, elle n’est qu’une pâle incarnation de ce après quoi le héros court. Elle n’est qu’un McGuffin, un artifice qui permet de mouvoir les personnages vers un objectif qui n’a aucune valeur pour l’intrigue.

Vu sous cet angle, elle n’est qu’un objet. Mais il serait bon tout de même de connaître ce qu’elle ressent et ce qu’elle pense. Si dans un enlèvement par exemple, le protagoniste n’a de contact avec la victime que par vidéo interposée et donc que la relation entre eux est comme suspendue depuis l’enlèvement, il faut peut-être envisagé de développer une relation entre la personne enlevée et son kidnappeur.
Afin de donner à la victime plus de consistance.

Cependant, dans ce type d’intrigue où il s’agit de secourir une victime, il faut reconnaître que sa fonction est moindre. Il faut tenter de l’humaniser, certes, mais la victime reste l’objet de la mission.

La structure

La structure d’un sauvetage est constituée de trois phases qui correspondent aux trois actes.
Le premier acte est la séparation. C’est au cours de cet acte, qu’après que nous ayons découvert la relation qui existait entre le protagoniste et la victime, que l’incident déclencheur consiste en la séparation de la victime et du héros par une force antagoniste.

Il faut bien insister sur la relation non seulement parce que c’est plus passionnant pour le lecteur mais aussi pour que ce dernier comprenne bien pourquoi le protagoniste veut autant retrouver la victime.

Le protagoniste ne se lance pas immédiatement après l’enlèvement dans l’aventure. Il lui faut un temps de réflexion comme s’il était incrédule à cette nouvelle. Et à la fin du premier acte, il franchit le seuil (par exemple, après un échec des autorités à récupérer la victime, il décide de prendre lui-même les choses en main).

Le second acte est la poursuite du méchant. Les actions du protagoniste sont en fait commandées par celles de l’antagoniste. Et le héros doit se rendre sur le terrain même du méchant de l’histoire. Là où il ne connaît pas les règles.
Le héros est contraint de suivre les traces de l’antagoniste. Diversions, fausses pistes, pièges… tout est bon pour le méchant de l’histoire.

Et bien sûr que le héros va persévérer malgré les obstacles. Ce ne sera pas facile. Mais aucun obstacle s’avérera suffisant pour qu’il renonce à poursuivre sa mission de sauvetage. Le héros n’a pas peur même s’il se sait vulnérable.
Et comme le lecteur se doute bien que cette mission sera réussie (du moins intuitivement), l’auteur doit s’arranger pour que cette chasse désespérée soit la plus divertissante possible. Par conséquent, si les pièges et les rebondissements sont trop prévisibles, vous allez frustrer le lecteur.

Il y a une dimension héroïque dans ce sauvetage qu’il ne faut pas négliger.

Le dénouement

Le troisième acte est l’inévitable confrontation. Le motif du sauvetage dans une intrigue se prête assez naturellement à un affrontement entre les forces du bien et du mal.
Pour éviter le cliché, il faut créer une surprise comme par exemple le combat entre Darth Vador et Luke dont on comprend soudain qu’il s’agit d’un duel entre un père et son fils.

Dans La prisonnière du désert, on découvre que la femme que tout le monde essaie de secourir ne veut pas être secourue. Ce type d’intrigues autour d’un sauvetage est fortement balisé. Le lecteur a un certain nombre d’expectations le concernant.
Mais c’est aussi un motif qui satisfait le plus émotionnellement le lecteur. Non seulement, il confirme un ordre moral (le mal est vaincu) mais on peut aussi considérer qu’il rétablit l’ordre dans un monde chaotique.

Et vous constaterez souvent aussi que ce motif d’intrigue réaffirme le pouvoir de l’amour dans bien des cas.

Pour résumer :
  1. Dans une intrigue qui se concentre sur un sauvetage (quelque soit la forme : un enlèvement, une addiction, une influence…), l’action prévaut. C’est-à-dire que dans une telle histoire, l’auteur ne peut se contenter de développer seulement ses personnages. L’action doit régulièrement ponctuée l’intrigue.
  2. Il existe un concept de victimisation dans un sauvetage. Celle-ci doit être incarnée et ne pas être seulement considérée comme un objet.
  3. L’argument moral d’un sauvetage aboutit souvent à une lutte entre le bien et le mal. L’auteur ne doit pas aller à l’encontre de cette tendance.
    Mais il peut développer d’autres thèmes comme le pouvoir de l’amour (à travers une romance par exemple en intrigue secondaire) ou bien expliquer l’engagement du héros en exacerbant un sens de justice sociale.
  4. Toute l’intrigue est animée par le sauvetage. C’est ce que le lecteur veut voir. Et parmi les conventions du genre, le héros réussit. Si l’auteur décide le contraire, il lui faut bien préparer son lecteur à cette défaite.
    La mission de sauvetage consiste d’abord à poursuivre le méchant. Il est l’alpha et l’oméga du sauvetage.
  5. L’espace de l’acte Deux se déroule sur le terrain de jeu du méchant. Dans l’acte Un, il fait intrusion dans le quotidien du héros. Et celui-ci se lance alors à sa poursuite mais sur un terrain dont il ignore tout.
  6. On dit souvent que c’est l’antagoniste qui définit le héros. Dans ce type d’intrigue, cela est définitivement vrai. Le protagoniste sera défini par sa relation au méchant. On pourrait même développer une relation symbiotique pour rendre les choses encore plus intéressante. Et à la fin, le héros pourrait couper un cordon ombilical symbolique entre lui et le méchant.
  7. Pour justifier la mission du sauvetage dans laquelle se lance le héros, il faut que la fonction de la force antagoniste ait pour but de priver le héros de quelqu’un ou quelque chose auquel il tient. Par exemple, dans le cas d’un enlèvement, l’histoire ne pourrait pas être celle d’un policier spécialisé en la matière.
    Parce qu’il n’est pas relié émotionnellement à la personne disparue. Il est important de développer une double relation chez le héros : avec l’antagoniste et avec la victime.
  8. La poursuite du méchant doit être montrée sous deux aspects. Celui du protagoniste, bien sûr.
    Mais aussi sous l’angle de l’antagoniste. L’intrigue se découpe entre des scènes dont le protagoniste est au centre et d’autres scènes qui se concentrent sur l’antagoniste et dans lesquelles le héros n’intervient pas.
  9. La victime sert comme mécanisme qui force le héros à confronter l’antagoniste. Mais il est bon d’aller au-delà de cette fonction et de tenter de donner au personnage qui l’incarne des dimensions plus humaines.

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