DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (28)

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Poursuivons l’exemple de la serveuse avec son nez qui la gratte du chapitre 11 de la théorie narrative Dramatica.

Ce chapitre est dédié à la différence entre la résolution de problèmes et la justification.

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Mon royaume pour une solution

Pourquoi jetons-nous (comme personnages) autant de bon argent pour ce qui est si malavisé ?
Cela a lieu parce que nous avons cessé d’évaluer ce que nous espérions atteindre à l’origine et essayions de résoudre les problèmes intermédiaires qui surgissent avec les solutions que nous avons à portée immédiate sans les remettre en cause.

Concernant notre serveuse, elle ne pensait plus à son nez lorsqu’elle tentait d’appeler un de ses collègues ou s’est mise à hurler après un commis. Elle pensait au problème d’attirer leur attention. Parce qu’elle a perdu de vue son objectif originel, elle ne peut plus estimer les coûts qui s’accumulent et les comparer au bénéfice (ce que lui apporte la satisfaction de son désir) de la résolution de l’iniquité (dans cet exemple, se gratter le nez).

Elle compare plutôt chaque coût individuellement au but à portée immédiate : poser les assiettes, appeler son collègue, hurler après le commis. Et dans chaque cas, dans chacun de ces objectifs intermédiaires, le coût individuel (de l’effort fourni) était moindre que le bénéfice de solutionner chacun de ces objectifs intermédiaires.

Cependant, dans l’ensemble, la somme des différents coûts pourrait très bien surpasser le bénéfice de résoudre le problème originel. Et puisque les conditions préalables et les exigences (de la situation) n’ont pas de significations sauf peut-être comme moyens de résoudre le problème originel, chaque bénéfice qu’elle ressent en réalisant ces objectifs intermédiaires ne devrait avoir aucun poids pour déterminer si l’effort valait le bénéfice obtenu.

Mais comme elle a perdu de vue son problème originel, cette mesure ne peut être faite. En fait,  cela ne lui vient même pas à l’esprit jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour calculer les coûts même si le problème vient à être résolu.

Est-ce que cela signifie que le danger se niche dans le chemin le plus indirect ? Pas du tout. S’il s’avère qu’il n’y a aucun chemin direct qui puisse fonctionner, seulement un chemin indirect pourrait résoudre tout le problème.

Et si l’existence du problème est telle que son iniquité est récurrente et qu’elle fait mal physiquement ou mentalement, alors cette iniquité prend elle-même de l’ampleur tant que le problème subsiste ce qui justifie n’importe quelle méthode indirecte pour résoudre le problème tant que le niveau auquel les coûts s’accumulent (l’effort fourni, les ressources mises en œuvre)  est moindre que l’aggravation de l’iniquité.

Accélérons l’iniquité

Mais compliquons les choses un peu plus.. Supposons que l’iniquité n’empire pas immédiatement mais seulement après un moment. Alors ce qui aurait pu être la réponse la plus appropriée pour la résolution du problème à un moment donné devient inappropriée plus tard.

Dans un tel tissu complexe de conditions changeantes et de contextes en déplacement permanent, comment un individu peut-il savoir quels choix sont les meilleurs ? Il ne le peut pas.
C’est bien ce dont il s’agit : nous ne pouvons jamais savoir quel est le meilleur chemin parce que nous ne pouvons prévoir le futur. Nous pouvons seulement choisir selon ce que nos expériences nous ont montré de ce qui était le plus souvent efficace dans des situations similaires et espérez le meilleur.

Il importe peu de réévaluer nos situations. La situation peut évoluer de façon imprévisible à tout moment nous désarçonnant de tous nos plans et efforts et nous jetant dans de nouveaux contextes qui changent l’évaluation de positive à négative et inversement.

Les récits servent comme évidences, comme vérités collectives un peu comme une assurance contre l’angoisse existentielle que nous pourrions ressentir.
A travers eux, nous nous efforçons de contenir la connaissance universelle de l’expérience humaine de sorte que bien que nous ne puissions prédire ce qu’il peut arriver à n’importe quel individu (y compris nous-mêmes), nous pouvons cependant dire (ou formuler) ce qui sera probablement la meilleure approche face à une iniquité en nous basant sur la valeur moyenne de toutes les expériences individuelles (que nous avons plus ou moins intégrées).

La stratégie contre l’analyse

Bien que nous ayons couvert beaucoup de terrain depuis le début de ce chapitre 11, nous n’avons seulement abordé qu’un des deux types de la différence entre résolution de problèmes et justification : l’effort fourni pour résoudre une iniquité.

Par contraste, le second type de cette différence se réfère aux efforts faits pour comprendre l’iniquité afin de pouvoir la gérer au mieux.
Dans un sens, cette première exploration s’est portée sur les stratégies d’une résolution de problèmes alors que ce second domaine d’exploration cherchera à définir le problème lui-même (l’analyser, donc).

Définir le problème

On ne peut s’efforcer de solutionner un problème tant que nous ne reconnaissons pas le problème. Ce serait comme de nier l’existence de quelque chose car pour que cette négation soit possible, il faut en inférer d’abord la possibilité de l’existence de cette chose. Même si nous ressentons l’iniquité (les conséquences du problème sur nous-mêmes), tant que nous n’avons pas identifié ou compris ce qui la créait, nous ne pouvons ni y répondre de manière appropriée ni agir pour l’éliminer à la source.

Si nous devions évaluer chaque iniquité que nous rencontrons avec un esprit totalement ouvert, nous n’apprendrions rien de cette expérience.
Même si nous avons vu la même chose une centaine de fois avant, nous ne plongerons pas dans nos souvenirs pour voir ce qui a pu s’avérer être la source ou bien les mesures appropriées qui ont été prises.

Nous serons forcés de considérer chaque petit problème ou désaccord ou désagrément qui nous ont poussé dans le mauvais chemin comme si nous les rencontrions pour la première fois (en d’autres mots, ce n’est pas parce qu’on est passé cent fois par la même chose, que l’habitude nous rendra la cent unième prévisible).
Il semble évident, cependant, que ceci est encore une autre forme d’inefficacité car celui qui ne se souvient pas du passé est condamné à le répéter. Et dans un tel cas, nous n’apprendrions pas de nos erreurs et encore moins de nos succès.

Mais est-ce vraiment de l’inefficacité ? Et si nous rencontrions une exception aux règles que nous nous sommes fixés dans nos vies ? C’est le grand bénéfice des règles par rapport aux lois ; les règles peuvent subir des exceptions.
Si nous nous fions totalement à nos expériences, lorsque nous rencontrons un nouveau contexte dans nos vies, tout notre paradigme, notre modèle de vie, sera inapproprié.

Idiosyncrasie

Nous connaissons tous ces truismes : Il n’y a pas de fumée sans feu, les chiens ne font pas des chats, un seul fruit pourri peut abîmer toute la récolte..
Dans chacun de ces cas, nous assumons des types différents de relations causales qui sont généralement comprises dans nos cultures. Chacune de ses phrases affirme que lorsque vous voyez une chose (la fumée par exemple), une autre chose sera là aussi ou suivra certainement (le feu par exemple).

Pourquoi faisons-nous de telles assertions ? Parce que dans leur contexte, elles sont souvent vraies. Mais aussitôt que nous les appliquons hors de leur contexte, elles seront juste probablement fausses.

Associations dans l’espace et le temps

Lorsque nous observons quelque chose se produire suffisamment de fois sans exception, notre esprit l’accepte comme un absolu (pas de contrainte, pas de conditions préalables, pas d’exigences.. Le fait n’est relatif à rien).
Après tout, nous ne l’avons jamais vu échouer : chaque fois que vous jetez une feuille de papier dans le feu, elle brûlera. C’est une évidence.. mais pas dans le vide ! Vous aurez besoin d’oxygène pour créer la réaction que vous anticipez.

En fait, toutes les fois où nous croyons que CECI mène à CELA ou bien chaque fois que nous voyons CECI, CELA sera aussi présent, nous émettons des hypothèses, nous supposons une chose avec un mépris flagrant pour le contexte.

Et c’est comme cela que nos personnages de fiction s’attirent des ennuis. Le passé d’un personnage lui a permis de faire en quelque sorte des associations d’idées. Dans les contextes (ou situations) où il a collecté toutes ses expériences, ces associations se sont toujours avérées vraies.
Par exemple, vous approchez votre doigt de la flamme d’une bougie, vous allez vous brûler. Vous le savez car vous en avez fait l’expérience et vous avez donc associé le concept de feu avec celui d’une blessure. C’est ainsi que l’expérience vous dit de ne pas approcher votre doigt d’une flamme et cette affirmation est toujours vraie.

Mais alors la situation du personnage change et c’est un nouveau contexte dans lequel il se trouve ou bien il aborde de nouveaux domaines dans sa vie. Et soudain, certaines de ces affirmations sont absolument fausses !

Nous conclurons ce chapitre 11 de la théorie narrative dramatica dans le prochain article.
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (29)

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