DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (29)

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Nous abordons dans cet article la fin de la traduction du chapitre 11 de la théorie narrative Dramatica. Ce chapitre est consacré à la différence entre la résolution de problèmes et la justification qui sont deux méthodes pour trouver des solutions à nos problèmes (et les personnages ont eux aussi leurs problèmes à résoudre) mais l’une conduit à la vérité alors que l’autre se roule dans l’erreur.

Sauf que les deux personnages dont la personnification renvoie à ces concepts de résolution de problèmes et de justification sont tous deux persuadés d’avoir raison.

Sommaire de tous les articles de la théorie narrative Dramatica : DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE

Cette théorie narrative peut être ardue à appréhender de prime abord mais elle vaut définitivement l’effort qu’elle requiert. De plus, ce chapitre 11 pourrait vous être utile pour écrire vos scènes.

Accrochez-vous à ce qui vous est donné !

Pourquoi une personne (ou un personnage) n’abandonne-t-elle simplement pas une ancienne vision des choses pour la nouvelle ? Il y a deux raisons qui peuvent expliquer pourquoi on s’accroche autant à une compréhension inappropriée et désuète des relations entre les choses. Nous les examinerons l’une après l’autre.

D’abord, il y a une comparaison entre le nombre de fois un personnage a vu les choses se dérouler d’une façon et le nombre de fois où elles se sont déroulées autrement. Si un personnage a construit des années d’expérience avec quelque chose de vrai et puis rencontre une seule fois qu’elle est fausse, il aura tendance à traiter cette occasion fausse comme une exception à la règle. Pour établir un équilibre, il faudrait qu’il y ait autant de réponses fausses qu’il y en a eu de vraies.

Le contexte est quelque chose de furtif

Bien sûr, on est plus sensible aux résultats récents, donc un nombre égal de résultats faux (ou de vérités alternatives) n’est pas vraiment requis quand on a pris conscience que l’on vient d’entrer dans une nouvelle situation.
Cependant, les situations (ou contextes) changent souvent lentement et même de façons dont on n’a pas conscience. Ainsi, le contexte est en mouvement permanent.

Et si quelque chose s’est toujours avérée vraie dans tous les contextes jusqu’à présent alors nous n’avons pas conscience que nous sommes entrés dans une toute nouvelle situation.
Plutôt, comme nous entrons et sortons de contextes, une évidence qui a TOUJOURS été vraie pourrait être maintenant parfois vraie (elle devient une possibilité) ou fausse (elle est devenue une impossibilité).

Cette certitude que nous avions pourrait être ébranlée par une variation des fois où elle s’avère vraie ou bien cette croyance (ou cette évidence ou encore un jugement) pourrait tendre pour un moment vers l’erreur (le fourvoiement, le mensonge) puis tendre de nouveau vers une véracité des faits (tout dépend en fait de la situation en cours, de ce qui est éminemment pertinent lors de la création de scènes).

Cette sorte de contexte dynamique exige une neutralité, c’est-à-dire que ce qui a été vu comme faux ait été vu aussi comme vrai et que cette égalité mène à ce qu’une perspective (notre appréhension singulière d’une situation) ne l’emporte pas sur une autre.

Des modèles

La seconde raison qui explique pourquoi les personnages s’accrochent à d’anciennes vues (et qui peuvent être vraies ou fausses dans la situation actuelle mais cela, le personnage l’ignore encore) est qu’ils élaborent continuellement de nouvelles vues parce que l’on apprend de ses expériences.
Cependant, cela crée une sorte de malaise et pour évacuer cette angoisse, on en vient à se construire des modèles qui nous servent de référents pour nos choix, décisions, comportements, actions..

Ainsi, nous voyons quelque chose comme une vérité indubitable et partant, nous cessons de la considérer chaque fois que nous la voyons et nous l’acceptons comme un donné.
Ici, la théorie tente d’expliquer que l’habitude de voir quelque chose de toujours vrai est déterminée à être vraie. Ainsi, notre esprit critique est comme anesthésié et nous acceptons les choses comme autant de données que nous ne remettons pas en cause. Comme si nous n’avions plus besoin de prouver les choses. Elles nous sont données.

Puis nous assemblons nos données (dont la répétition donc l’habitude nous a convaincu de l’évidence un peu comme nous ne remettons pas en cause que 1 plus 1 est égal à deux) en modèles qui nous permettent d’accepter les relations entre nos données comme parfaitement légitimes.
Nous établissons ainsi une relation causale qui nous paraît authentique parce que nous la fondons sur deux opinions par exemple que nous ne critiquons plus (que nous ne remettons plus en question). Ainsi, deux préjugés qui objectivement ne sont pas des faits véritables peuvent mener à des résultats erronés alors que nous sommes convaincus de cette conclusion à laquelle nous avons aboutie en reliant ces deux préjugés (que nous considérons comme des données que nous ne cherchons pas à remettre en cause car il faut une prise de conscience pour cela). Par exemple, « C’est un étranger » : préjugé qui marque nettement un ostracisme ; « Je n’aime pas les étrangers » : préjugé racial.

Couche après couche, nous tissons un réseau complexe d’interconnexions. Ces interconnexions sont autant d’hypothèses, de suppositions basées soit sur l’ordre dans lequel les choses sont censées se produire, soit sur des objets ou des activités que nous associons comme se produisant toujours ensemble.

Un modèle puissant

Lorsque nous rencontrons quelque chose que nous pouvons associer au donné le plus récent que nous nous sommes déterminés, ce peut être un petit exploit de repenser nos conclusions. Si l’une de nos hypothèses fondamentales s’avérait fausse, cependant, il n’y a aucun moyen de réconcilier l’événement (la situation ou le contexte) avec une compréhension précise sans totalement démanteler les fondations de notre système de croyances.
Ce n’est pas une tâche facile ! Il est beaucoup plus simple d’évacuer la divergence, la différence ou le désaccord comme une exception.

Encore plus important, parce que nous n’avons pas ajouté l’incident inhabituel à notre base de connaissances mais simplement le laisser rebondir (c’en est presque de l’indifférence), la prochaine occasion de la survenue de la même et encore nouvelle vérité sera confrontée avec la même force de résistance que la fois précédente.

Nous nous maintenons sur nos vieux paradigmes à moins que de nombreuses vérités nouvelles et donc différentes (de ce en quoi nous avons l’habitude) viennent nous frapper répétitivement qu’il devient alors plus facile de créer de nouveaux modèles plutôt que  d’écarter ces vérités (ou de les nier).

Un personnage principal légitime

La légitimité est la nature du combat du personnage principal dans une histoire. Il a soit élaboré une compréhension pour tenter de résoudre des problèmes qui ne correspondent plus à ses modèles de vie soit il sait déjà ce qui cause les problèmes mais la compréhension de ces causes n’est plus correcte  dans la situation actuelle.

Le passé du personnage se construit à partir de l’un de ces cas de figure.
Si le personnage tente de résoudre les problèmes des situations nouvelles qui se présentent à lui en se fiant à ses expériences, il suffit d’inventer dans le passé du personnage les expériences qu’il convoquera dans la situation actuelle. S’il connait les causes qui sont à la source de ses problèmes actuels, il tentera d’appliquer à ces problèmes les mêmes solutions que par le passé. Il suffit alors d’inventer ces solutions pour faire la démonstration de leur inefficacité actuelle (probablement ou éventuellement).

Un contexte est établi qui crée un type de résolution de problèmes concernant un problème spécifique. Ce contexte est celui qui existe avant le début de l’histoire.
L’histoire commence lorsque le contexte change et que la technique actuelle de résolution de problèmes n’est dorénavant plus appropriée.

La question alors devient de savoir si le personnage principal devra changer pour se conformer à la nouvelle situation ou s’il reste ferme dans ses certitudes actuelles (ce que Dramatica désigne par Steadfast) jusqu’à ce que les choses redeviennent normales (ce qui en fiction est éminemment hypothétique).

Vers un terrain neutre

L’histoire se déploie alors que le personnage principal et l’Influence Character se querellent sur une approche directe ou indirecte du problème. Par exemple, l’un pourrait vouloir s’attaquer immédiatement au danger tandis que l’autre voudrait posséder plus de preuves de l’existence du danger avant de s’engager dans l’action. Cette divergence dans l’approche ne commande pas cependant la distinction entre le personnage principal et l’Influence Character et ne décide pas non plus de la passivité d’un personnage. L’un comme l’autre sont actifs dans leurs approches respectives.
L’approche indirecte d’un problème consiste à rechercher les liens entre différents éléments afin de discerner le tout, c’est-à-dire le système, le modèle ou l’objet dans sa globalité (c’est une démarche holistique). Une approche directe du problème est plus intuitive.

Dans la relation conflictuelle entre le personnage principal et l’Influence Character, ce dernier aiguillonne le personnage principal jusqu’à ce que tous deux parviennent à un point neutre dans lequel un moyen de résoudre le problème ou de l’évaluer est aussi bon qu’un autre.
C’est le moment de l’acte de foi (que Dramatica nomme Leap of Faith) où l’expérience a été totalement contrebalancée par ce qui a été récemment appris. C’est le moment où le personnage principal doit avancer dans l’inconnu avec absolument aucune expérience pour le guider et qu’il doit choisir entre continuer le chemin qu’il a toujours pris ou en adopter un nouveau.

L’histoire se résout alors en

  • Success et Good
  • Success et Bad
  • Failure et Good
  • Failure et Bad

Ces quatre résolutions de l’histoire (que nous étudierons ultérieurement lors du chapitre 21)  sont la preuve de l’autrice et de l’auteur dans laquelle ils affirment leur point de vue personnel quant aux choix les plus adéquats ou les moins appropriés.

L’ordre et l’argument passionnel

Sous cette perspective, nous pouvons voir comment l’ordre des événements dramatiques a un énorme impact non sur la structure du récit mais sur la signification dérivée de cette structure.
Le ressenti de l’argument passionnel sera déterminé par l’ordre dans lequel le personnage principal passera à travers les niveaux de justification (en somme ses attitudes) pour aller à la rencontre de la source réelle de l’iniquité de l’histoire (le thème essentiellement).

Cet ordre des événements affecte non seulement le personnage, mais aussi l’intrigue et le thème et est par conséquent une complexe série de cycles à l’intérieur de cycles qui sont imprévisibles dans le cours de l’histoire mais tout se comprend à la conclusion ou dénouement de celle-ci.

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