ECRIRE UN COURT-METRAGE

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Passons en revue quelques éléments dramatiques utiles à l’écriture d’un court-métrage.
Lors d’un article précédent, nous avons vu les formes principales que pouvait prendre un court-métrage :
STRATEGIES DRAMATIQUES DU COURT-METRAGE

Maintenant, il va falloir vous décider sur votre attitude envers votre idée. Que voulez-vous que ressente votre lecteur à la fin de votre histoire ?

L’intentionnalité

Afin de donner une tonalité, vous allez devoir faire quelques choix :

Jusqu’à quel point souhaitez-vous que votre lecteur soit proche des événements ?
Si vous voulez qu’il s’implique profondément, optez pour des événements qui place votre personnage principal dans des situations intenses, des circonstances qui soient liées au cœur dramatique de votre histoire.

A lire :
LE CŒUR DRAMATIQUE

Si au contraire, vous préférez que le lecteur garde une distance toute relative avec les événements, éloignez votre personnage du cœur dramatique de votre histoire. Vous pourriez utiliser l’ironie pour créer une sorte de détachement d’avec l’histoire.

A lire :
L’IRONIE DRAMATIQUE

Puisque le lecteur ne peut pénétrer les événements, ne peut s’en imprégner car repoussé par l’ironie, il s’accrochera à votre personnage principal et à ce qu’il lui arrive. Le lecteur va se réfléchir sur votre personnage et se tenir à distance de l’action. Vous allez par l’ironie manipuler son attention sélective pour la concentrer sur le personnage. L’action apparaît alors en arrière-plan.

Dans cette première phase de l’activité créatrice, c’est bien de votre intention dont il s’agit.

La tonalité

 Le second principe opératoire est le ton que vous allez donner à votre court-métrage. La tonalité permet à votre lecteur d’appréhender votre histoire (intrigue et personnages) sous un angle particulier.
Si vous racontez une Love Story d’un point de vue cynique, votre ton sera cynique. Si, par ailleurs, vous préférez plutôt y voir une relation positive, un ton romantique sera plus approprié.
Pour dépeindre une tonalité, tous les éléments (y compris les détails visuels) participent du ton. Si vous voyez la Love Story comme une romance, vous pourriez choisir une saison et déterminer ce qui dans celle-ci renforce votre romance, par exemple. La beauté que vous pourriez voir en décrivant un lieu sous une teinte automnale pourrait ajouter à la beauté innocente d’un premier rendez-vous ou de la toute première rencontre d’un amour naissant.

Là où l’intentionnalité rejoint la tonalité est par la position de votre personnage principal dans l’histoire. Avez-vous marqué une distance par rapport aux événements (le personnage est alors davantage dans une position d’observateur comme dans le faux documentaire, par exemple) ou est-il totalement impliqué dans les événements (votre histoire est contée selon son point de vue) ?

Toutes les décisions que vous prendrez sur les détails visuels, les dialogues et la structure supporteront un ton spécifique.

Conflit et polarités

Le rôle du conflit dans le développement d’une histoire est primordial. La lutte entre les personnages, entre le personnage principal et son environnement ou avec la communauté dans lequel il s’inscrit ou avec la société exploite les possibilités dramatiques. Vous devez insister sur ces possibilités afin de bien conter votre histoire.

Cela peut sembler mécanique ou artificiel mais contrairement à la vraie vie, une vie dramatique doit être plus intense et user d’artifices afin de remplir les intentions de l’auteur. Le conflit se niche partout : dans la structure, dans vos intentions, dans le genre… vous devez tenter de saisir toutes les opportunités de conflits qui s’offrent à vous.

Afin de faciliter le conflit dans votre histoire, vous pouvez utiliser les polarités (ou oppositions, ou contradictions, ou paradoxes, ou contrastes).

A lire sur le sujet des polarités :
ROBERT McKEE : STORY VALUES
ROBERT McKEE : STORY EVENTS, STORY VALUES ET STRUCTURE
SAVOIR UTILISER LA STRUCTURE
COMMENT CREER DES ARGUMENTS CONTRAIRES

Le conflit est naturellement amplifié par le jeu des polarités (ou des contraires). Personnages, comportements, buts et situations sont de puissants vecteurs de convocation du conflit lorsqu’ils s’opposent deux à deux (quelque soit la nature exacte de cette opposition).
Dans une même image, vous pourriez montrer une femme âgée et une jeune femme. Celle-ci pourrait être le reflet de la femme âgée lorsqu’elle était jeune si votre intention dans cette image est de montrer la beauté perdue, par exemple.
Vous opposez deux idées et le dynamisme, le frottement de ces deux idées l’une contre l’autre, génère une tension dramatique, c’est-à-dire un conflit (car c’est une qualité du conflit de produire de la tension).

Prenons un exemple d’une polarité physique :
Un journaliste d’investigation aveugle doit résoudre une affaire de corruption.
La polarité ici est dénotée par l’activité du personnage et le constat qu’il est aveugle. L’opposition joue sur une sorte d’antinomie entre les deux idées d’investigation et de cécité. Ce n’est pas tant qu’il est donné une valeur positive et une valeur négative aux deux concepts mais c’est plutôt l’assemblage de ces deux propositions (la recomposition de deux traits distinctifs) dans la caractérisation d’un personnage qui ajoute au conflit potentiel.

Un autre type de polarité est la polarité comportementale. L’idée est de décrire un personnage de telle façon que le lecteur s’attende à un certain comportement de sa part et puis de le montrer dans des situations où il agit d’une manière totalement incongrue relativement à ce que l’on attend de lui.
Prenez un pasteur. On le croit aimant, charitable et il est comme un père envers sa congrégation. Maintenant, sur le plan privé, montrez-le exigeant et cruel avec sa propre famille. Le personnage a deux attitudes complètement opposées selon les circonstances. En jouant sur cette opposition de sentiments, vous vous ouvrez des possibilités de conflits non seulement chez le personnage lui-même mais aussi dans ses relations aux autres. Vous rendez à la fois plus complexe votre personnage et votre histoire sans entrer dans des complications inutiles pour justifier des conflits autrement bien plus simples à mettre en place par le jeu des polarités.

Le personnage principal

Non seulement le lecteur entre dans une histoire par le personnage mais les événements sont retranscrits par les yeux du personnage principal.
Une des relations les plus importantes dans une histoire est celle qui unit le protagoniste à l’antagoniste. L’impact dramatique de l’histoire dépend pour une très large part de la qualité de cette relation entre deux personnages aux intérêts contradictoires mais aux lignes dramatiques parallèles.
L’allégorie est un cadre très souvent utilisé en court-métrage. Dans la construction de votre personnage principal, essayez de déterminer les traits de sa personnalité qui pourraient avoir une valeur universelle que l’on retrouve chez le plus grand nombre.
Ces caractéristiques communes entre le lecteur et le personnage principal doublées d’éléments qui sont propres à la personnalité de votre personnage permettent de donner un tour allégorique à votre histoire.

Le cœur dramatique

Le cœur dramatique de votre histoire va vous permettre de déterminer le poids de chaque scène les unes par rapport aux autres. Certaines scènes devront bénéficier d’une emphase particulière parce qu’elles se rapportent au cœur dramatique.

Prenons par exemple le court-métrage Voisins de Norman McLaren :
Deux voisins, vivant dans des maisons jumelles en carton, cohabitent en paix jusqu’à ce qu’une fleur pousse sur la frontière séparant leurs jardins. Chacun revendiquant la possession de la fleur, ils se battent et finissent par s’entretuer.

Le cœur dramatique de cette histoire est la belligérance et la certitude qu’aussi insignifiante soit-elle, elle est impossible à stopper une fois qu’elle a commencé.
Le thème est celui de la territorialité qui entraîne des concepts de possession, de compétition, de rivalités, d’hostilité et partant, de meurtre. C’est la conclusion logique.
L’idée de belligérance qui est au cœur du récit influence l’écriture de toutes les scènes. Cette idée est l’énergie qui alimente le scénario. Le cœur dramatique est cette force qui oriente l’auteur dans ses choix.

Les nœuds dramatiques

C’est toujours une bonne idée que d’écrire la liste des événements possibles. Vous pouvez même en lister bien plus que vous n’en garderez. Mais cette liste vous permettra de discerner une logique dans votre histoire, c’est-à-dire de retenir les événements qui vont s’enrouler autour de votre cœur dramatique.

Et de même que le cœur de votre histoire vous permettra de définir les proportions des scènes, les nœuds dramatiques vous permettront de comprendre l’importance de certains événements dans l’intrigue et de les classer par ordre d’importance.

Considérez aussi que les événements qui créent une surprise dans le script et ceux qui révèlent les personnages devront être conservés de préférence.

En organisant ainsi les événements autour du cœur dramatique, il est essentiel que l’ordre chronologique de leur apparition dans l’histoire soit comme une montée en puissance. L’histoire débute avec des événements mineurs (relativement au cœur de votre histoire, généralement son thème) qui deviennent de plus en plus dramatiques au fur et à mesure qu’elle se déroule.
Ou structurellement parlant, les événements doivent être distribués entre un début, un milieu et une destination ou une fin.
Le court-métrage permet aussi d’articuler l’objectif du personnage principal dès le début du scénario et l’ultime événement décide si le personnage réussit ou non cet objectif.

Le début de l’histoire

Le début de l’histoire induit la tonalité de celle-ci qui suinte au-travers du lieu, de l’époque, des circonstances que vous décrivez lors de l’ouverture de votre scénario. Ceci est particulièrement vrai pour le court-métrage.
Ce début est aussi une invitation  pour le lecteur à s’engager dans votre histoire et plus cette ouverture sera attirante ou intrigante et plus le lecteur s’engagera vite. Il sera accroché et voudra en savoir davantage.

Tout particulièrement dans le cas d’un court-métrage, le principe de l’Opening Image (la séquence d’ouverture) se doit de maximiser les possibilités dramatiques de l’histoire.

Le milieu de l’histoire

Le voyage a commencé. Le milieu de l’histoire se concentre sur les mécanismes de la lutte, sur la confusion du personnage principal, sur son désir qui se fait plus aigu. Il est important que le lecteur comprenne la difficulté de cette aventure, ce que cela signifie pour le personnage principal d’avoir pris à pleines mains son problème.
L’objectif du personnage principal semble plus difficile à atteindre qu’il ne semblait l’être au début de l’histoire. L’aventure s’avère plus complexe, les enjeux s’élèvent, les décisions sont plus cruciales et orientent l’histoire vers d’autres directions, d’autres destinées pour le héros.
Et le doute s’installe quant à la réussite du but qu’il s’est fixé.

La fin de l’histoire

La question dramatique centrale qui consiste à s’interroger sur la réussite ou non de l’objectif est résolue. Les épreuves et les obstacles (l’action dramatique) ont-ils permis au personnage principal d’atteindre son but ? Et était-ce vraiment cela qu’il voulait ?

L’arc dramatique du personnage principal est aussi complet. La personnalité du personnage a changé. Il a maintenant une nouvelle compréhension de son environnement, un nouveau point de vue sur le monde. Qu’elle que soit la conclusion, il est devenu un être meilleur qu’il ne l’était au début de l’histoire.

Il a appris certaines vérités sur lui-même au travers des expériences qu’il a vécues. L’arc dramatique est certainement ce qu’il y a de plus passionnant à suivre dans une histoire et cette transformation progressive (d’où la notion d’arc) est montrée par les comportements, les attitudes, les postures nouveaux dont est maintenant capable le protagoniste.

Ce changement du personnage principal est plus important que l’objectif lui-même, plus intense que l’action dramatique du milieu de l’histoire.

Le climax

Il doit exister dans l’histoire un événement et un seul qui soit une sorte d’apogée pour le personnage principal et c’est son ultime combat contre son antagonisme quelle que soit la forme de celui-ci (un personnage, la nature incarnée par un antagoniste ou la société elle-même incarnée par un ou plusieurs personnages).

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