Tout est affaire de relations. Et les fictions n’ont véritablement de sens qu’à travers les relations qu’elles décrivent. Agissons-nous comme il faut pour que la relation soit bénéfique ? Ou bien cette relation est-elle toxique par nature ?
C’est à travers les relations que le ou les thèmes, c’est-à-dire ce dont on veut parler, pourront se déployer et s’expliquer. Une relation nous influence et par là, nous change. Chez un personnage de fiction, on nomme cette évolution comme un arc dramatique qui peut être à la fois un progrès vers le meilleur d’un être humain et tout autant un progrès vers le mal, sorte de descente aux Enfers, étape obligatoire dans le développement d’un personnage.
Ainsi, les différentes relations entretenues par un personnage nous montrent ce qu’il devient au fil du récit. Et si un seul personnage peut être intéressant, la promesse que nous font l’autrice et l’auteur vient généralement du contraste entre les visions du monde de plusieurs personnages (ce qui nourrit leurs relations).
Comment deux personnes ou plus abordent-elles la vie d’une manière fondamentalement différente ?
L’arc de la relation
Alors qu’on assiste au changement d’un personnage (son regard sur lui-même et sur son monde change), ses relations aux autres évoluent aussi. Par exemple, un personnage foncièrement solitaire découvrira de nouveaux horizons lorsque, par son attitude, il se découvrira des amis sincères car ses tribulations et pérégrinations lui feront comprendre qu’on ne peut être un poison pour les autres sans en payer le prix.
Parfois, les relations se dégradent. La trahison, la corruption, les mensonges conduisent tous à une perte de confiance et à la rupture d’une relation. Les amis deviennent des ennemis donnant naissance à un profond désaccord.
Cette dynamique des relations, c’est-à-dire cette confrontation entre deux points de vue (même entre amis) permet d’explorer la condition humaine et nous fait la démonstration de ce que c’est que d’être un humain. Il est même possible que l’un des deux membres de la relation ne soit pas humain mais en possède les caractéristiques spirituelles ou morales. C’est de cela que l’anthropomorphisme tire son pouvoir.
Cause & conséquence d’une relation
- A cause d’une relation rompue ou de la mort d’un être aimé, le personnage offre une réponse émotionnelle dont le lecteur et la lectrice s’imprégneront renforçant ainsi l’empathie envers le personnage. Une telle décharge émotionnelle se communique en effet aisément.
Plus tard, la rupture d’une relation pèsera sur le personnage et agira sur ses autres relations. - La relation peut être une lutte de pouvoirs. Deux personnages peuvent chercher à s’emparer d’un même objet. Cela peut être aussi passionnel. Il suffit d’attribuer aux yeux de deux personnages qu’un certain objet (et ce peut être un être aimé) a une grande valeur et la relation entre ces deux personnages devient aussitôt fascinante à observer.
- La trahison peut aussi intervenir dans une relation. Souvent, c’est l’ami qui trahit mais la trahison peut être aussi le fait du personnage dont les circonstances l’amènent à trahir. Selon votre intention, la trahison peut être définitive ou sera l’occasion d’une réconciliation, tournure dramatique qui plaît beaucoup aussi.
- Une relation peut se fonder sur la miséricorde. Un personnage foncièrement cynique peut prendre sous sa protection un être qu’il estime fragile. C’est précisément la relation entre ces deux-là qui fascine au-delà du message si jamais il y en avait un.
- Le pardon est intéressant à traiter dans une relation car il n’est pas sans prix. On peut pardonner le mal que nous fait un être aimé mais la blessure est marquée au fer rouge. Le pardon n’est pas l’oubli. La réconciliation est possible et certainement réelle mais l’événement en lui-même, son souvenir et même l’imagination qui brode autour de ce qu’il s’est passé ne cesse de raviver la souffrance.
- Les rivalités décrivent de belles relations. Il y a les luttes de pouvoir ou de territoire comme les Jets et les Sharks de West Side Story ou encore la jalousie qui répand son venin parfois chez les deux personnages simultanément. La rivalité peut mener au mépris de l’autre. Peut-être plus subtil, la rivalité entre deux personnages peut apporter une certaine forme de respect mutuel.
- Le conflit, comme à son habitude, s’immisce dans les replis de l’intrigue. Il décrit la relation entre les deux fonctions majeures d’un récit : protagoniste et antagoniste. Le conflit peut aussi décrire la relation entre raison et passion, entre le bon et le mauvais génies souvent incarnés par deux personnages différents mais parfois la seconde incarnation est le reflet de la lutte intime que se livre un seul personnage.
Le conflit est plus puissant lorsqu’il se concrétise entre deux personnages plutôt qu’entre un personnage et les circonstances qui l’entourent. Ne pas retrouver ses clefs de voiture lorsqu’on a un rendez-vous important et que l’on est déjà en retard est une situation conflictuelle mais si un autre personnage vous retient pour telle ou telle raison, l’effet sera plus bouleversant pour le lecteur/spectateur. - Sans aller jusqu’à la trahison, on peut vouloir tester la loyauté de l’ami dans une relation. Prenons comme exemple une femme policière qui infiltre un gang. L’un des membres tombe follement amoureux de la femme mais lorsqu’il découvre qu’elle est un flic, il testera la loyauté de cette femme envers lui d’autant plus que celle-ci n’est pas indifférente à cet amour. Par cette simple épreuve qui consiste à s’inquiéter des sentiments de l’autre, toute la relation s’en trouve élevée. La loyauté apporte peut-être davantage de tension dans la relation que la trahison car le doute est une puissante excitation suffisante pour orienter l’intrigue dans une toute autre direction.
- La brûlure de l’incertitude engendre un sentiment d’abandon. Même si celui-ci n’est pas réel, il s’immisce dans l’esprit. Lorsque la relation s’enveloppe du sentiment que l’autre nous abandonne, non pas qu’il nous fuit plutôt qu’il ne semble pas être sensible à ce que nous ressentons intérieurement, la relation se dote d’une profonde impression de manque, de vide. C’est sur cette sensibilité qu’il faut jouer : l’indifférence perçue de l’autre est forcément émouvante et touche la lectrice et le lecteur autant que le personnage qui la subit.
- Les rumeurs et autres commérages interviennent de l’extérieur sur une relation. Ce n’est pas ce que les commères répandent qui importe, qui s’en soucie d’ailleurs, mais comment la relation vivra les mensonges et les vérités que la rumeur circule. Imaginons qu’après 15 années, le personnage principal revient dans sa ville natale. De ce qu’il y a fait 15 ans plus tôt a laissé une opinion et lorsqu’il tentera de renouer le contact avec d’anciennes connaissances, nul doute que cette opinion sera au cœur des relations renouées. Autrices et auteurs nous font là une promesse.
- Une situation particulière peut pourrir une relation. Lorsque l’un des personnages s’attribue un mérite ou au contraire rejette une faute sur l’autre. Prenons un couple marié, par exemple. La femme pourrait reprocher à son mari d’être la seule à prendre les décisions les plus importantes pour le couple quelle que soit la raison qui l’ait incitée à cette réplique. Ou bien l’homme pourrait rejeter sur sa femme ses échecs personnels. Ici, les conséquences ont certainement plus de poids que les causes.
- C’est étrange à dire mais lorsqu’un être exige constamment protection de l’autre ou à l’inverse qu’un être (considérez toujours la nature duelle des choses) ne conçoit la relation que dans une protection étouffante de l’autre, la relation est nécessairement toxique.
En fiction, les choses sont exagérées pour être vraiment intelligibles. Un personnage, par exemple, qui demande à être materné, le sera totalement : ainsi, José de la série Scènes de ménage.
D’autres situations sont possibles. Maintenant, il y a des questions à se poser à propos des relations que l’on met en scène :
- Quelle est la relation principale dans l’histoire ? des amis ? des amants ? des ennemis ?
- Quel sera le personnage qui influencera ou modifiera la vision du monde ou l’approche de la vie de l’autre ?
- Comment la relation principale évoluera t-elle au cours de l’histoire ? Va-t-elle se développer ou se dégrader ?
- En quoi les personnages de votre monde ont-ils des visions fondamentalement opposées sur ce monde ? Comment abordent-ils la vie différemment ?
- Votre récit sera-t-il celui d’un rapprochement ou d’un éloignement ?
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