DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (104)

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Poursuivons le Chapitre 21 de la théorie narrative Dramatica.

MAIN CHARACTER APPROACH

La troisième question essentielle à se poser lors de l’élaboration de son personnage est de connaître l’approche privilégiée lors de la résolution de problème.

Par tempérament, le personnage principal (tout comme nous, d’ailleurs) emploie une méthode qu’il privilégie plus que toute autre lorsqu’il aborde un problème.
Certains tenteront d’adapter leur environnement à eux-mêmes par l’action. D’autres tenteront d’adapter leur environnement à eux-mêmes à travers la force de leur personnalité, de leur charisme et de leur influence possible.

Quelle que soit l’approche retenue, elles n’ont rien d’intrinsèquement bon ou mauvais. L’approche affectera néanmoins comment on répond à un problème.

Do’er ou Be’er

Quelques définitions :

Do’er : qualifié de Do’er, le personnage (habituellement le personnage principal) cherche une solution physique au problème. Chaque personnage principal aura une préférence pour gérer un problème soit qu’elle soit un effort physique soit qu’elle soit un effort mental ou émotionnel.
Lorsque le personnage préfère agir sur son environnement (donc extérieur à lui), il est alors qualifié de Do’er.

Be’er : Lorsqu’il est Be’er, un personnage préfère régler les choses de façon intime, interne. S’il préfère s’adapter lui-même à l’environnement plutôt que de s’attaquer directement à cet environnement pour résoudre un problème, il est alors Be’er.

Bien qu’elles s’en rapprochent, notez tout de même que ces définitions sont différentes des notions de proactivité et de passivité dont on désigne parfois le personnage principal.

Choisir entre Do’er ou Be’er n’empêche pas le personnage d’agir comme bon lui semble. Cela indique simplement qu’il aura tendance à choisir une approche privilégiée plutôt qu’une autre lorsqu’il aborde pour la première fois un problème.

Le personnage principal n’emploiera la seconde méthode que si son approche préférée échoue. Avoir une préférence pour une chose ne signifie pas que l’on n’est pas capable de faire autre chose et de réussir.

Do’er et Be’er ne doivent donc pas être confondues avec actif et passif. Si un personnage est vu comme Do’er, cela signifie qu’il est actif physiquement. S’il est vu comme Be’er, alors il sera tout aussi actif mais mentalement.

Le Do’er s’attaque au problème par des manœuvres physiques (il cherche à agir sur son environnement pour que le problème cesse).
Le Be’er, quant à lui, s’attaquera au problème par une délibération, un débat personnel entre lui et lui (en quelque sorte, le Be’er pose le problème devant lui et prend le temps d’y réfléchir quant à son action sur ce problème particulier).

L’idée n’est pas de savoir si un personnage est plus motivé à tenir ses positions mais de connaître comment il essaie de maintenir ses positions.

Un Do’er cherche à obtenir les choses à la sueur de son front. Un Be’er cherchera à obtenir les choses en prêtant attention aux besoins d’autrui (en quelque sorte, le Be’er est davantage ouvert au monde que le Do’er qui considère le monde comme quelque chose qu’il peut modeler, plier à sa volonté. Le Be’er accepte le monde tel qu’il est. Il cherche à comprendre quelle est sa place au sein du monde).

Aucune approche n’est préférable à l’autre. Toutes deux ont leur importance. Le personnage principal, tout comme la personne réelle qu’il représente, aura une préférence pour l’une ou l’autre des méthodes.

Par exemple, un maître en arts martiaux tentera d’abord d’éviter le conflit s’il est un personnage Be’er. Manifestement, il est toujours apte à massacrer son opposant s’il ne peut éviter le conflit.
Et réciproquement, un professeur insistera sur les exercices et le travail personnel de ses élèves s’il est un personnage Do’er mais cela ne l’empêche nullement d’être à l’écoute de ses élèves pour leur apporter un soutien moral s’ils en ont besoin pour une raison ou une autre.

Lorsqu’on élabore son personnage, il faut savoir si l’on veut quelqu’un qui agit d’abord et pose les questions ensuite (Do’er) ou bien si l’on préfère quelqu’un qui évite le plus possible les conflits mais qui ne les fuit pas. Un Be’er peut dévaster ce qui l’oppose si aucun compromis n’est possible.

Le Do’er est dans la compétition. Le Be’er est dans la collaboration.

En somme, certains des personnages que l’auteur a besoin de créer pour son histoire seront Do’er.  Ces personnages essaient d’accomplir leurs objectifs, leurs buts (ou simplement d’accomplir leur finalité dans cette histoire ou bien leur destinée) par des actions, des activités, en faisant des choses.

D’autres personnages essaieront aussi d’atteindre leurs objectifs (ils ne sont pas différents des Do’er en cela) mais ils le feront de manière interne, en ayant adopté un certain mode d’être pour se confronter au monde (Be’er).

Au niveau du personnage principal, qu’il soit Do’er ou Be’er, cela aura un large impact sur sa manière d’approcher le problème de l’histoire. S’il a tendance à régler les choses en agissant sur elles, de manière externe, il faut en faire un Do’er. S’il a tendance à régler les choses par un travail personnel, presque sur lui-même, de manière interne, il faut opter pour Be’er.

Il est important de bien comprendre comment son personnage principal fonctionne parce que son effet sur une histoire est double : d’abord, il est capable de réarranger les potentiels dramatiques de l’histoire et il peut réordonner la séquence des événements dramatiques.

Main Character approach : quelques exemples

Do’er : Frank Galvin dans Le verdict ; Jake Gittes dans Chinatown ; Clarice Starling dans Le silence des agneaux ; Michael Corleone dans Le parrain

Be’er : Laura Wingfield dans La ménagerie de verre ; Rick dans Casablanca ; Scrooge dans Un chant de Noël ; Hamlet dans Hamlet ; Job dans la Bible ; Nora dans Une maison de poupée

MAIN CHARACTER MENTAL SEX

La quatrième question essentielle concernant le personnage est de déterminer si la technique de résolution de problèmes par le personnage principal sera linéaire (une chose après l’autre) ou holistique (le personnage a une vue globale sur le problème).

Ce que nous faisons généralement en tant qu’individus est d’appliquer un comportement acquis (par l’éducation, la religion ou noter relation au sacré en général, le milieu social… tout un ensemble de facteurs qui semblent nous avoir façonnés à être (et donc à agir selon certains comportements). L’habitude aussi et ses lois singulières qui crée une familiarité avec les choses, influence grandement notre réponse face aux événements, à ce qui surgit dans nos vies).

Nous pouvons néanmoins poser comme principe (donc nous ne questionnerons pas ce principe puisque par définition, on admet un principe, on ne le remet pas en cause) que le fonctionnement de notre esprit est bien plus sensible au concept de temps et d’espace qu’à toute autre chose.
Ainsi, nous ressentons tous comment les choses sont ordonnées (dans l’espace) et comment les choses se meuvent dans le temps.

La notion de Main Character Mental Sex chez Dramatica permet de déterminer quel filtre (espace ou temps) nous appliquons à notre pensée. La propriété de Main Character Mental Sex sera masculine (Male) pour l’espace et féminine (Female) pour le temps.

Une propriété Male pour Mental Sex indique une disposition d’esprit qui tend à régler les problèmes de manière linéaire. On se fixe un objectif spécifique. On détermine les étapes nécessaires pour parvenir à ce but. Puis on s’engage littéralement dans un effort pour accomplir chacune de ces étapes.

Une propriété Female pour Mental Sex décrit une disposition d’esprit qui tend à voir les choses d’une manière globale sans trop en analyser les détails. On se fait une idée de la manière dont on voudrait que soient les choses. On essaie de comprendre comment les choses ont besoin d’être équilibrées (ou rééquilibrées) pour opérer des changements. Puis on cherche à faire les ajustements nécessaires pour créer ou recréer cet équilibre.

Certes, nos expériences, notre vécu, nos origines, nos choix personnels ainsi que toutes sortes de conditionnement auxquels nous pouvons être soumis viennent contre-balancer ces sensibilités sus-mentionnées mais au-delà de toute notre expérience et de notre apprentissage, la tendance à voir les choses principalement sous les angles du temps ou de l’espace prévaut.

A l’égard de la psychologie du personnage principal, il est essentiel de comprendre les fondations sur lesquelles repose l’expérience.
Comment illustrer cette Main Character Mental Sex du personnage principal ?

Quelques comparaisons nous donneront quelques indices.

  • Female envisage les motivations alors que Male considère les buts.
  • Female se préoccupe des rapports entre les choses alors que Male se concentre sur la chose elle-même, sur ce qui la rend tangible. En quelque sorte, Male néantise tout ce qui n’est pas la chose.
  • Female établit des conditions, essaie de rendre les choses possibles alors que pour Male, les choses sont nécessaires. Ainsi, Female est plus tolérant et Male bien plus exigeant.
  • Female cherche le point de levier qui lui permettra de rétablir l’équilibre perdu des choses alors que Male est davantage dans l’analyse. Il décompose les choses en étapes nécessaires pour les atteindre.
  • Female cherche l’accomplissement de soi alors que Male cherche la satisfaction.
  • Female se concentre sur le Pourquoi et le Quand alors que Male se concentre sur le Comment et le Quoi. Male est pragmatique.
  • Female met le problème en situation alors que Male débat le problème. Male est davantage dans la critique alors que Female est davantage dans la réflexion.
  • Female essaie de maintenir l’unité des choses alors que Male cherche à faire l’unité des choses.

En fiction, le plus souvent, le sexe du personnage correspond au Mental Sex. Il arrive néanmoins que le sexe du personnage et le Mental Sex soient opposés ce qui permet de créer des personnages inhabituels et intéressants.

Par exemple, Ripley dans Alien ou Clarice Starling dans Le silence des agneaux ont la propriété Male de Mental Sex.
Tom Wingo dans Le prince des marées de Becky Johnston et Pat Conroy d’après son roman éponyme ou Jack Ryan dans A la poursuite d’Octobre Rouge sont Female.

Dans la plupart des épisodes X-Files, Scully est Male alors que Mulder est Female ce qui ajoute au sentiment d’étrangeté de la série.

Gardez à l’esprit que la Main Character Mental Sex n’a rien à voir avec les préférences sexuelles des personnages ou une question de maniérisme efféminé ou débordant de testostérone. Cette caractéristique ne concerne que la technique de résolution de problèmes utilisée par le personnage.

Parfois, il arrive que des stéréotypes s’imposent parce que le lecteur a l’habitude de tel ou tel personnage ce qui a pour conséquence de filtrer le message de l’auteur et de diluer la vérité dans une nébuleuse d’images toutes faites.

En plaçant une psyché Female dans un personnage masculin ou bien une psyché Male dans un personnage féminin, les préjugés du lecteur ne peuvent plus interférer avec le message que l’auteur souhaite faire entendre.

L’inconvénient est que le lecteur peut avoir quelques difficultés à trouver des affinités avec le personnage principal (question d’empathie ou de sympathie dans un contexte davantage de communication) dont la technique de résolution de problèmes ne correspond plus à ses attentes.

Main Character Mental Sex, quelques exemples :

Female : Laura Wingfield dans La ménagerie de verre ; Nora dans Une maison de poupée

Male : Frank Galvin dans Le verdict ; Jack Gittes dans Chinatown ; Clarice Starling dans Le silence des agneaux ; Michael Corleone dans Le parrain ; Rick dans Casablanca ; Scrooge ; Hamlet ; Job dans la Bible

Assembler les dynamiques du personnage

Nous vous avons présenté quatre questions simples et pourtant chacune d’elles porte un tel poids en regard de l’accroche du lecteur à l’histoire qu’en connaître les réponses offre à l’auteur comme un principe directeur quant à la construction de son message.

Un inconvénient apparent est que chaque question ne propose que deux options. Cette binarité peut laisser croire que ce type de questionnement peut mener à une structure trop conventionnelle ne laissant que peu de place à la créativité.

Ce serait oublier que ce questionnement se positionne sur la première étape de la communication : le Storyforming qui est conçu pour créer une structure solide comme fondation pour les trois autres étapes à venir.

Nous verrons que les étapes suivantes apportent de la nuance, une certaine tonalité… En fait, un sentiment davantage en demi-teintes à chacune de ces questions.

Par exemple, Resolve vise d’autres questions dans les étapes à venir qui détermineront des choses comme de connaître la force de conviction du personnage principal dans sa volonté de changement ou encore le peu de foi ou de certitude qu’il placera dans sa résistance ou sa persévérance à être en harmonie avec lui-même.

Nous connaîtrons l’étendue du changement ou bien la faiblesse d’une attitude qui prétend ne pas vouloir céder. Nous saurons aussi si les propriétés Change ou Steadfast importent vraiment pour l’état des choses dans l’histoire : est-ce qu’elles altéreront toutes les choses ou seulement quelques unes ?

En fin de compte, cette dynamique du personnage façonne fermement et presque à son insu le point de vue selon lequel le lecteur recevra l’expérience la plus personnelle de l’histoire.

Nous commencerons le Chapitre 22 dans le prochain article.

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