CARACTERISATION & NATURE DU PERSONNAGE

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Il existe une différence entre le personnage et sa caractérisation.
La caractérisation est la somme de toutes les qualités observables chez un être humain.
Son âge, son sexe, ses postures, son discours.

Mais aussi le lieu où il vit, son train de vie, sa façon de s’habiller. Son éducation et son activité professionnelle ou ses centres d’intérêt sont aussi révélateurs d’une personnalité. Les valeurs qu’il arbore déterminent qui il est.

L’ensemble de ces traits de personnalité, acquis pour la plupart,  rend chaque individu un être unique. En fait, nous sommes à la fois identique et différent. Nous sommes bâtis sur le même modèle physique, nous sommes de la même espèce.
Mais la combinaison hypothétique de notre âme et de notre corps nous différencie de notre semblable.

La véritable nature

La caractérisation est donc un assemblage particulier de traits de caractère.
Mais cette persona est-elle vraiment notre nature  ?

La véritable nature d’un personnage se révèle dans les choix que doit faire un être humain lorsqu’il est soumis à une forte pression.
Plus importante est cette pression et plus la révélation sera profonde.

L’essence d’un personnage, sa substance lorsqu’il est dépouillé de tous ces traits qui le définissent socialement, peut être aperçu par les dilemmes qui lui sont soumis.
Plus les choix qu’il doit faire le pousse dans ses retranchements, plus sa nature véritable se fera jour.

Qui est ce personnage sous la surface ? Qu’y a t-il au cœur de son humanité ?
Est-il généreux ou cruel ? Fort ou faible ?
N’y a t-il que fausseté dans son âme ?

Le seul moyen de le connaître est de l’observer prendre des décisions dans le feu de l’action.
Ces choix seront bien sûr en rapport avec la poursuite de son objectif.
Cette liberté de choix qui lui est offerte à un moment crucial de sa vie nous donne les clefs de sa véritable personnalité, de qui il est vraiment au-delà de sa persona, de son masque social.

La tension, agent nécessaire

La pression sur le personnage est essentielle. Si rien n’est en jeu pour le personnage, qu’il réponde au dilemme n’apporte rien à l’intrigue.
Conservez à l’esprit, d’ailleurs, que le personnage et l’intrigue ou la structure d’une histoire sont intimement liés et en fait indissociables.

Si par exemple comme l’écrit Robert McKee le personnage choisit de dire la vérité alors qu’un mensonge pourrait lui sauver la vie alors nous comprenons que l’honnêteté est au cœur de sa nature.

Considérons un autre exemple de Robert McKee :

Deux voitures circulent. L’une est un vieux break rapiécé de toutes parts. A son volant, une femme d’une cinquantaine d’années en situation illégale qui survit de petits boulots au noir.

Elle est suivie par une Porche conduite par un chirurgien célèbre et manifestement riche.

Deux caractérisations fort différentes

Ces simples descriptions laissent deviner que le passé, les croyances, les personnalités, le langage même de ces deux personnages sont aux antipodes les uns des autres.
Ce sont deux personnalités diamétralement opposées.

Imaginons maintenant que devant eux un autocar plein d’enfants basculent soudainement sur le bas-côté de la route.
Et un feu se déclare emprisonnant les enfants à l’intérieur du car.

La tension de cette séquence est au maximum. Sous cette pression, nous allons explorer qui sont réellement ces personnages.

Des choix à faire

Qui va s’arrêter ? Tous deux ont des raisons de détourner le regard.
La femme imagine que la police l’interrogera et découvrira qu’elle est sans papier. Elle imagine être reconduite à la frontière. Que deviendra sa famille sans elle ?

Le chirurgien pense que s’il est lui-même blessé dans ce sauvetage, brûlé au niveau des mains, sa carrière est finie. Il sait pourtant qu’il a déjà sauvé de nombreuses vies mais comment pourrait-il aider tous ces patients qui ont encore besoin de lui ?
S’il ne peut plus se servir de ses mains.

Supposons qu’ils s’arrêtent tous deux. Cela nous donne un premier indice sur leur véritable nature.
Mais l’auteur peut choisir que l’un des deux personnages devienne trop hystérique pour aider en quoi que ce soit.
Mais il préfère continuer son exploration et envoie les deux personnages dans la fournaise ce qui révèle encore un peu plus sur leur vraie nature.

Un nouveau choix est proposé aux personnages : comment vont-ils aider ?
Appeler les secours et attendre ou bien risquer leurs vies pour en sauver d’autres ?
L’auteur n’en a pas fini avec ces deux-là et décide d’ajouter encore plus de profondeur. Quel que soit ce qui les pousse à agir, les personnages se précipitent vers le car en feu et commencent à en extraire un à un les enfants.

L’ultime dilemme

Alors que la situation devient de plus en plus intense, la femme et le chirurgien comprennent qu’ils ne pourront sauver chacun encore qu’un seul enfant.

Comment vont-ils réagir au dilemme qui s’annonce ?
Considérons seulement la femme. Il y a devant elle un petit garçon et une petite fille. Comment va t-elle faire ce choix de Sophie ?

Le but de cette exploration qui creuse sous la caractérisation est de faire sauter la persona. Nous cherchons à contempler l’intériorité des personnages et à saisir leur véritable nature.
Ce sont leurs actes qui définissent les personnages, tout comme dans la vie réelle en somme.

Une apparence trompeuse

Révéler un personnage par contraste avec sa caractérisation (ou par contradiction avec celle-ci) est donc fondamental.
Ce qui semble être n’est pas ce qui est.

Autant que nos propres sens peuvent nous tromper sur la vérité des choses ou notre manque d’esprit critique nous mener à des opinions fallacieuses, la véritable nature de nos personnages peut être masquée sous une façade de traits de caractère.

Fidèle au principe de binarité ou inversion de polarité des valeurs, Robert McKee préconise le même procédé concernant la révélation de la véritable nature d’une personnage.

Pour définir succinctement une binarité, considérez le couple Amour/Haine. Si une scène débute avec la valeur Amour qui prévaut (par exemple, un couple déjeune tranquillement et tout va bien) alors elle devrait se terminer avec la valeur Haine en lieu et place de l’amour (par exemple, suite à un propos malheureux, le couple se met à se déchirer).

Il en va de même avec la caractérisation et la vraie nature d’un personnage.
Lorsque débute l’histoire, la caractérisation d’un personnage montre qu’il est par exemple un mari attentif et aimant.
Si à la fin de l’histoire, il est dans le même état d’esprit, cela induit que ce personnage n’a ni secrets, ni rêves inassouvis, ni passions cachées et donc pour Robert McKee, il est frustrant pour un lecteur.

Ce n’est pas que ce personnage ne soit pas crédible. Il est simplement superficiel, sans dimension donc ennuyeux.

Rambo

McKee explique que le premier volet de Rambo nous donnait à voir un personnage fascinant. Sa caractérisation se focalisait sur un individu usé par la guerre du Vietnam recherchant la solitude.

Puis un sheriff de façon tout à fait irrationnelle le provoque. Cette provocation non justifiée a permis de faire ressortir la véritable nature de Rambo : un tueur impitoyable et imparable.

Le souci avec les volets suivants est que la caractérisation et la vraie nature du personnage se sont interpénétrés. Il en a émergé une figure sans dimension, un stéréotype et l’ensemble s’en est trouvé affaibli.

Le conseil de McKee est donc que les personnages principaux d’une histoire doivent être travaillés en profondeur. Ils ne peuvent être ce qu’ils semblent être.

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