LE PERSONNAGE SELON JOHN TRUBY – PART 8

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Dans l’article précédent, nous avons abordé l’arc dramatique sous un angle théorique. Penchons-nous dans cet article sur la manière d’écrire un arc dramatique pour votre personnage. Nos réflexions sont en partie basées à partir des recherches de John Truby.

L’idée est que vous imaginiez avant le processus d’écriture proprement dit ce que sera la nature exacte du changement opéré sur votre personnage.
Celui-ci évoluera au cours de votre histoire. Vous devriez donc savoir ce qu’il deviendra (du point de vue de sa personnalité) à la fin de votre histoire. Qu’est-ce qui va changer radicalement chez lui afin d’en faire un être différent et meilleur ? Gardez à l’esprit qu’une rédemption ou une expiation par la mort, par exemple, peut être considérée comme positive.

De la révélation

Lorsque vous aurez imaginé  cette révélation qui va permettre à votre personnage de découvrir sa vraie nature, il vous faut inventer le point de départ c’est-à-dire mettre en place le besoin voire le désir (même s’ils ne sont qu’en gestation dans la psyché du personnage).

Votre personnage devra arpenter son espace intérieur, les zones obscures de sa psyché afin de partir à la découverte de lui-même. Ce besoin ou ce désir (s’il a conscience de son manque par exemple) sont un manque dans sa personnalité.
C’est par la prise de conscience progressive de ce manque et la découverte des moyens pour le combler qui permettront au personnage d’évoluer.

Ne confondez cependant pas ce manque avec une blessure qui ne se serait jamais refermée. Cette blessure peut expliquer ses comportements mais ne justifie pas un changement dans sa personnalité.
Que le personnage trouve en lui la force de surmonter cette plaie béante dans son âme est une bonne chose et peut l’aider à découvrir qui il est vraiment mais par exemple, si cette blessure appelle une vengeance, assouvir cette dernière ne changera pas profondément le personnage. Elle ne satisfera pas le besoin.

Par exemple, la famille de votre héros s’est faite massacrée et celui-ci a été impuissant à les défendre (un motif que l’on trouve assez régulièrement comme substrat à la définition d’un personnage mythique).
Depuis ce jour, votre héros a développé un cynisme farouche, un mépris profond des hommes. C’est dans cet état psychologique qu’il débute votre histoire.

Vous avez alors imaginé que votre héros devait finir votre récit résolument tourné vers le bien de l’humanité. Vous allez donc devoir initier cette inversion de valeurs. Au début, c’est un être immoral et à la fin, il est devenu un être moral.
Son comportement actuel que nous qualifions d’immoral n’est pas dans la véritable nature de votre héros. Ce comportement a été forcé sur votre héros par son impuissance à défendre sa famille. Il en ressent un malaise, un trouble profond, un mal-être qu’il cache par son cynisme.

La vraie personnalité de votre héros est ainsi amputée et recouverte d’un masque pour cacher l’horrible vérité des faits. Cependant, assouvir sa vengeance et punir les coupables du méfait ne suffira pas à faire de votre héros un homme bon.
Une fois justice faite, il n’existe aucune raison légitime pour justifier un changement profond de la personnalité du héros. Au contraire, cette vengeance risque même de renforcer son immoralité.

Une découverte progressive

Pourtant, dans les tréfonds de votre héros, un désir de faire le bien est toujours puissant et l’interpelle. Vous aurez alors à imaginer les étapes successives qui permettront à ce désir, à ce besoin incoercible de reprendre le dessus.

Si nous continuons avec notre exemple, votre héros pourrait alors affronter le tyran qui a tué sa famille et au cours de ses péripéties, rencontrer les opprimés et être sincèrement touché par leurs conditions. Il se réveillera alors en lui le sentiment d’impuissance et se reconnaîtra dans la figure de l’opprimé.
Cette révélation lui permettra de prendre soudainement conscience qu’il doit agir autrement pour être celui qu’il a toujours été. Son point de vue sur le monde changera et il deviendra désormais le défenseur de la veuve et de l’orphelin.

L’intérêt d’une telle approche pour construire l’arc dramatique de votre personnage principal est que vous savez où vous allez avec lui. Après tout, votre héros va parcourir un chemin le long duquel il apprendra. C’est comme un voyage initiatique (certaines histoires ne sont d’ailleurs que cela : un parcours initiatique).
Si vous savez déjà où ce chemin mènera votre héros, vous ne vous égarerez pas en cours de route. Comme le précise John Truby, en sachant où vous allez, votre personnage ne tournera pas en rond.

Vous saurez quelles sont les étapes qui devront être accomplies, dans quel ordre elles doivent l’être et vous saurez aussi quelle intensité leur appliquer (il doit y avoir une montée en puissance jusqu’au climax).

Cela semble être une méthode et certains auteurs pensent que cela pourrait nuire à leur créativité. Pour John Truby, rien de plus faux. Quel que soit l’endroit où vous vous trouvez dans l’écriture de votre histoire, quels que soient les événements que vous inventerez, vous aurez toujours cette destination en ligne de mire et même si les événements semblent en apparence dévier de l’arc dramatique, ils vous emmèneront d’une manière encore plus créative vers cette destination.

L’arc dramatique consiste en une mise en place et une révélation.

La mise en place est nécessaire pour initier la possibilité d’un arc dramatique chez votre personnage. Pour qu’elle fonctionne, il faut :

Que le personnage ne soit pas obtus.
Il doit être une personne sensée capable de voir une vérité, de faire la distinction entre le bien et le mal et de prendre les bonnes décisions lorsque cette vérité se fera jour dans son esprit. En d’autres termes, il doit être prêt à recevoir cette vérité cachée en lui.

Pour qu’il y ait une vérité à dévoiler, il est nécessaire que le personnage se cache quelque chose à lui-même.
Cette chose profondément enfouie correspond à ce qui doit être extirpée. C’est à cette opération que se consacre l’arc dramatique. Cette vérité cachée est ce que nous appelons la véritable nature du personnage. Par souci de concision car la durée d’un récit est insuffisante, cette nature vraie du personnage s’exprime par une inversion de valeurs.

Le cas échéant, relisez  notre précédent article où nous listons quelques arcs dramatiques afin de comprendre cette notion d’inversion de valeurs (par exemple, quelqu’un de cynique devient altruiste. Cet altruisme révèle la véritable nature du personnage indépendamment des autres aspects qui pourraient aussi caractériser votre personnage).

Le personnage se ment donc à lui-même ou se leurre.
Ceci est un fait d’emblée dans le récit. Il nie sa véritable nature et cela le met mal à l’aise, l’étouffe en quelque sorte. Vous devez montrer ce trouble dès l’exposition du personnage. Cela est d’ailleurs crédible car comme le rappelle John Truby, chacun d’entre nous se nourrit d’illusions.

Le moment de la révélation doit lui aussi posséder certaines qualités.

Le héros réalise soudainement cette révélation.
Toutes les épreuves précédentes n’ont fait que préparer ce moment. La scène dans laquelle elle apparaît doit être émotionnellement pertinente car le sentiment doit être partagé à la fois par le héros mais aussi par le lecteur.

Concernant le personnage, il s’agit d’une nouvelle information pour lui.
Il se rend compte pour la première fois que jusqu’à présent, il se mentait à lui-même. Il se rend compte aussi que son comportement blessait ses proches. Il s’agit donc bien d’une émotion soudaine qui bouleverse le héros au point que toute sa personnalité va en être changée.

Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une émotion et que celle-ci, comme toutes les émotions du personnage, doit être préhensible par le lecteur. Le lecteur doit comprendre par quoi passe le héros et il doit ressentir d’une manière ou d’une autre l’émotion vécue par votre personnage.

Pour que le changement dans la personnalité du héros soit effectif, il faut que celui-ci agisse immédiatement afin de prouver par ses actions que le changement qui s’est opéré en lui n’est pas fugace.
Le lecteur a d’ailleurs besoin de cette démonstration pour entériner la transformation profonde du personnage.

Par exemple, si votre héros est un mercenaire à la solde d’un tyran (mais votre héros n’avait pas compris qu’il s’agissait d’un tyran, qu’il était au service du méchant de l’histoire) et que soudain il réalise son erreur, il doit immédiatement se retourner contre son ancien employeur.
Cela permet au lecteur d’accepter que le héros a enfin ouvert les yeux sur une vérité qu’il était jusqu’à présent incapable de voir mais que les épreuves lui ont progressivement permis de découvrir

Nous vous conseillons la lecture de :

  1. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 1
  2. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 2
  3. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 3
  4. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 4
  5. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 5
  6. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 6
  7. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 7
  8. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 8
  9. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 9
  10. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 10
  11. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 11
  12. L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 12

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