L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 11

0
(0)

Continuons l’étude de l’arc dramatique de votre personnage avec la faille majeure de celui-ci. Incontestablement, cette faille dans sa personnalité est l’élément dramatique le plus évident pour déterminer la courbe que prendra son évolution psychologique au cours de votre histoire.
La faille majeure d’un personnage est ce qui doit le mener à sa perte s’il ne fait rien pour l’en empêcher. Et c’est justement cela son arc dramatique.

Le personnage au cours des épreuves va apprendre à surmonter cette faille. Les différentes leçons qu’il apprendra au cours de son aventure, les prises de conscience qui les accompagnent vont lui permettre d’évoluer et d’échapper au destin fatal que lui avait prédit ce défaut majeur dans sa personnalité.
C’est donc avec cette faille que vous travaillerez sur l’arc dramatique de votre personnage.

La faille fatale

Tous les héros ont une faille majeure dans leur personnalité avec laquelle ils luttent quotidiennement.
Ce défaut peut mener un personnage à affronter des conflits spécifiques plus tard dans l’histoire. Lorsque le conflit prend sa source dans la faille au cours de l’intrigue, la réaction du lecteur est généralement assez intense car cette faille rend le personnage vulnérable. Et cette vulnérabilité reconnue par le lecteur est une voie royale pour l’empathie, elle renforce le lien entre le personnage et le lecteur.

Il faut distinguer cette faiblesse inhérente à la personnalité du personnage avec ce que Aristote dénommait l’hamartia.
L’hamartia
est une erreur ou une faute qui mène le personnage à sa perte. La faille est plutôt ce qui empêche le personnage de réussir, d’atteindre son objectif (elle est même une entrave plus sévère que le méchant de l’histoire).

Cette faille peut être aussi la cause d’une erreur tragique que fait le personnage. Par exemple, Neil McCauley aurait pu s’enfuir et s’en tirer à bon compte s’il n’avait cherché vengeance contre Waingro et Van Zant. Ce règlement de comptes a permis à Vincent Hanna de retrouver sa trace puis de l’abattre (Heat de Michael Mann).

Arrivé au sommet de sa réussite, Antonio « Tony » Montana fait plusieurs erreurs mais le point de non retour est atteint lorsqu’il refuse de participer à un attentat visant des personnes innocentes et qu’il tue le bras droit d’Alejandro Sosa.
Cette erreur (bien qu’il ait fait preuve d’humanité, c’est la faille de Tony)  le conduira à sa mort (Scarface d’Oliver Stone, d’après le scénario de Scarface (1932) écrit par Howard Hawks et Ben Hecht, adapté du roman de Armitage Trail).

La faille d’un personnage est comme une sorte de déficience ou parfois même une addiction. Nous vous proposons ci-après une faille sur laquelle vous pourriez baser le défaut majeur de votre personnage et par là, initier et développer son arc dramatique (c’est un exemple de faille, vous pouvez, bien sûr, inventer celle qui convient le mieux à votre histoire) :

L’ambition

L’ambition (du moins dans la majorité des scénarios) est résolument du côté du mal. Elle est incarnée par un personnage dont le but est d’améliorer sa situation que cela soit en termes d’argent, de notoriété ou de pouvoir.

La probabilité est grande que ce personnage soit maléfique dès le début de l’histoire ou le devienne rapidement. Cependant, quoiqu’il fasse, ce type de personnage est très lucide sur ses buts et que ses intentions soient nobles ou non, il est suffisamment orgueilleux pour penser qu’il sait mieux que quiconque comment les atteindre.

Si votre antagoniste est ambitieux, cette ambition doit être démesurée.
Dans Gladiator, Marcus Aurelius veut faire de Maximus son héritier précisément parce que Maximus n’a aucune ambition de devenir empereur. Ce qui n’est pas le cas de Commodus qui tue son propre père lorsqu’il apprend qu’il ne sera pas choisi.

Dans Eve de Joseph L. Mankiewicz, Eve n’est rien hormis son ambition d’être comme son inspiratrice, Margo Channing, jusqu’à lui prendre son rôle. Et elle ne reculera devant rien pour assouvir son ambition.

Dans La ligne rouge de Terrence Malick, d’après le roman The Thin Red Line de James Jones (1962) édité en français en 1963 sous le titre Mourir ou crever, puis réédité ultérieurement sous le titre La Ligne rouge, le lieutenant-colonel Tall ordonne une attaque suicide parce qu’elle lui offre une magnifique opportunité de promotion.

Dans Family Man de David Diamond et David Weissman dirigé par Brett Ratner, Jack a la chance de pouvoir vivre la vie qu’il aurait eu s’il était resté auprès de Kate plutôt que de s’envoler vers Londres à la rencontre de sa carrière.
Étrangement, alors que Jack nous apparaît plutôt heureux de sa réussite, il semble misérable dans cette seconde vie passant une bonne partie de l’histoire à essayer de retrouver sa vie d’antan (son ambition reprend le dessus). Mais progressivement, cette vie de famille correspond à sa vraie nature et il surmonte le piège tendue  par son ambition.

Dans Les damnés de Luchino Visconti, les différents membres et associés de la famille d’industriels von Essenbeck rivalisent pour le contrôle des aciéries. Sur fond d’Allemagne nazie, chantages et meurtres sont moyens courants. Leurs ambitions sont cependant impitoyablement manipulées par le SS Aschenbach qui en maître de l’échiquier parvient à placer les aciéries sous contrôle nazi .

La nécessité de l’échec

Comme vous le constatez, la faille majeure d’un personnage n’a pas nécessairement besoin d’être surmontée si cela sert le propos de votre histoire.

Globalement, cependant, le défaut principal d’un personnage consiste à décrire pourquoi il connaît un échec. Cet échec sera accompagné d’une leçon puisque le personnage va apprendre de ses erreurs. Celles-ci sont comme un effet résiduel des actions du personnage tant que celui-ci ne s’est pas débarrassé de cette faille dans sa personnalité qui le pousse à agir contre ses propres intérêts. Le personnage est alors le seul responsable de ses échecs et ce n’est pas parce qu’il rencontre plus fort que lui.

Prenons l’exemple d’un personnage en cavale. Il a du laisser derrière lui la femme qu’il aime pour se mettre à l’abri des recherches. Mais l’amour est fort et il décide de retrouver cette femme chez elle. Malheureusement, un comité de réception policier l’attend et il échappe de justesse à l’arrestation.
La faille du personnage au cours de cette séquence est son amour pour cette femme. Plus tard, ayant appris de l’erreur qu’il a commise, il donne un nouveau rendez-vous à la femme aimée mais cette fois avec une discrétion absolue.

Les leçons apprises des échecs face aux obstacles autoriseront alors le personnage à réaliser que sa manière d’agir habituelle (puisqu’il est inconsciemment manipulé par son problème personnel, source d’un conflit intérieur) le conduit immanquablement vers l’échec et qu’il doit changer de comportement.
Il doit dorénavant adopter un nouveau point de vue, une nouvelle façon de faire les choses, sinon, il mourra certainement (symboliquement ou non).

C’est ainsi que la réaction émotionnelle dont nous avons parlé précédemment (ICI) et la faille sont toutes deux liées à l’arc dramatique du personnage. A un moment donné, le personnage doit comprendre que son processus de résolution des problèmes (et donc ses prises de décision) est néfaste pour lui.
Il doit adopter de nouvelles stratégies pour faire face aux problèmes qui se présentent à lui. Ces nouvelles façons de faire les choses sont l’amorce du changement chez le personnage.

Une prise de conscience

La prise de conscience des erreurs commises (ainsi que le point de vue nouveau du personnage sur le monde) constitue la base de son évolution.
C’est là aussi que se situe la différence avec l’hamartia de Aristote. Selon lui, le personnage est incapable de comprendre quoi que ce soit de ses erreurs ce qui le mène inexorablement à sa perte. Or votre personnage grâce à son appréhension de ses erreurs a la faculté d’évoluer. Cette évolution, c’est ce qui constitue son arc dramatique.

On peut aller plus loin en considérant qu’évoluer est une nécessité de la vie. Si l’on n’évolue pas, on est condamné.
Pourquoi alors certains d’entre nous ne veulent ou ne peuvent pas évoluer ? Pourquoi certains d’entre nous restent coincés dans une relation qui ne les satisfait pas ? Pourquoi avons-nous des addictions et ne pouvons pas nous en débarrasser alors que nous les savons néfastes ?

Peut-être est-ce parce que nous nous sentons confortables dans ce genre de situations. Nous en avons l’habitude et en changer nous plongerait dans un inconnu qui nous fait peur. Nous pensons peut-être ou ressentons que c’est notre façon d’être, que c’est notre moyen de vivre et ainsi, nous ne désirons pas évoluer ou nous cessons d’évoluer pour préserver ce que nous pensons être bon pour nous.
Considérez que la résistance au changement est un trait humain naturel et il doit en être de même pour votre personnage. C’est un critère dont vous devez tenir compte lorsque vous vous interrogez sur les raisons qui poussent l’un de vos personnages à rester sur ses positions, à ne pas évoluer.

Donc l’aversion d’un personnage envers le changement est causé par une faille dans sa personnalité. Il vous incombe d’identifier ce défaut, de le déterminer afin de construire l’arc dramatique de ce personnage.
Généralement, à la conclusion de l’arc, la transformation du personnage se concrétise dans un comportement totalement opposé à celui que présidait la faille.

Un exemple banal serait celui d’un personnage qui au début de l’histoire déteste profondément un autre personnage puis au cours de l’intrigue, il apprendra à connaître et à aimer cet autre personnage et à la fin du récit, cette haine initiale se sera transformer en de l’amour.
Le personnage est donc passé d’une attitude de haine à une attitude d’amour ou d’amitié ce qui induit chez lui un comportement totalement différent. La découverte de cet amour dont il ne se sentait peut-être pas capable lui permet aussi de porter un regard nouveau sur le monde. D’égoïste, il est devenu altruiste, par exemple.

Un problème lié au passé du personnage

Pour que l’arc dramatique que nous venons de mentionner puisse fonctionner, vous devez cependant le démarrer à partir d’une faille ou d’une blessure dans la personnalité du personnage qui lui interdisait d’aimer ou lui faisait ressentir cette haine ou ce dégoût envers cet autre personnage (une haine qui pourrait être irrationnelle sans que le personnage puisse s’expliquer consciemment pourquoi il éprouve une telle aversion envers cet autre personnage).

C’est donc en allant à la découverte de soi par les épreuves et les obstacles rencontrés au cours du récit que le personnage réalise qui il est vraiment et prend les décisions (traduites ensuite par ses actions) qui vont l’amener progressivement  à devenir un être différent, un individu meilleur qu’il ne l’était au début de l’histoire (donc à évoluer).

Au cours des réécritures (car la première version ressemble plus à de l’improvisation), vous devrez vérifier que votre histoire rend bien la déconstruction des freins qui bloquaient l’évolution de votre personnage.
Les freins devront être pertinents en liant logiquement la faille à la découverte de la nature profonde du personnage, à ce qu’il est vraiment mais qui était masqué.

C’est à ce moment que le type de personnalité de votre personnage vous sera utile (revoyez nos cours sur l’ennéagramme et les premières leçons sur l’arc dramatique). Vous pouvez piocher parmi les traits de caractère décrits pour le type de personnalité que vous avez retenu pour créer la faille fatale pour ce personnage.
Ou bien vous pouvez inventer un nouveau trait mais faites en sorte que la faille que vous en tirerez soit en rapport avec la personnalité choisie.

Une fois que vous aurez défini la courbe de l’évolution de votre personnage, en l’espèce, sa faille et ce que le personnage devient, vous pouvez imaginer ou retravailler les obstacles qu’il devra affronter.
Vous serez mieux armé pour définir la réaction émotionnelle de votre personnage face aux obstacles de sorte que sa vraie nature apparaisse progressivement jusqu’à faire de lui un être nouveau lorsque son arc dramatique sera complété (à la fin de votre histoire).

Si nous résumons :

1) Au début de votre histoire, vous montrerez comment votre personnage réagit émotionnellement aux événements qui se déroule devant lui. Cette réaction émotionnelle est le résultat d’une prise de décision nettement influencée (au début du récit) par la faille majeure et fatale dans la personnalité de votre personnage.

2) Vous montrerez ce que le personnage découvre sur lui-même et comment il prend conscience que le processus de résolution de ses problèmes (qu’il utilisait jusqu’à présent) ne suffit plus à surmonter les conflits.
Il devra donc adopter une nouvelle stratégie, un nouveau processus de prise de décision fort, dorénavant, de ce qu’il a appris de ses épreuves.

3) Lorsque le personnage a pris conscience que son système de valeurs actuelles (menant à de mauvaises décisions) doit être remplacer, montrez que les réactions émotionnelles ne sont plus les mêmes.
Ses anciennes valeurs et croyances sont remplacées par d’autres. Il ne répondra plus de la même façon face aux problèmes. C’est le début du changement chez lui.

4) L’évolution du personnage sera progressive. Montrez cette progression au fur et à mesure des rencontres avec de nouveaux obstacles plus difficiles à surmonter que les précédents.
Plus l’enjeu est important, plus le personnage révèle sa véritable identité. Votre personnage va se construire ou se reconstruire au fil de l’intrigue jusqu’à vaincre dans un combat ultime son antagoniste (quel qu’il soit, cela dépend de votre histoire). Les réactions émotionnelles que vous décrirez au fil de l’intrigue se rapprocheront de plus en plus de la véritable nature du personnage voilée jusqu’à présent par l’ombre de la faille qui le caractérisait au début du récit.

5) Le développement de votre personnage se mesure à l’aulne de ses réactions émotionnelles aux événements. Vous montrerez ce qu’il apprend de ses succès mais aussi de ses échecs. Ses prises de décision font avancer l’intrigue. Lorsqu’une décision est prise, elle débouche sur des conséquences. Le personnage apprend de ces conséquences.
Décrire les conséquences peut permettre à un lecteur de comprendre ce qu’a appris le personnage et pourquoi ses prochaines décisions ont pris le tour qu’elles prennent lorsque survient un nouvel obstacle. Un nouvelle épreuve qui sera plus difficile à résoudre parce que le personnage doit apprendre encore des choses sur lui-même.
Et ce n’est pas facile d’aller à la rencontre de soi-même d’autant plus qu’une certaine résistance au changement est innée à la psyché de tout individu.

6) Vous montrerez ce qu’est devenu le personnage à la fin du récit. Cette transformation du personnage doit être assumée et montrée. C’est une nouvelle personne, après tout. Vous montrerez en quoi votre personnage est une nouvelle personne.
Si vous aviez un personnage haineux au début du récit et que votre personnage apprend à aimer au cours de l’intrigue, à la fin de votre histoire, vous montrerez un personnage amoureux. Ce n’est plus le même personnage.

Le prochain article :
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 12

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 0 / 5. Vote count: 0

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.