La motivation des personnages peut-elle être un levier de manipulation pour l’auteur et l’autrice ? Apportons une approche singulière à cette question.
Jean-Paul Sartre, éminent philosophe existentialiste, a écrit sur la conscience humaine dans ses œuvres existentialistes, notamment dans son célèbre essai L’être et le néant. L’affirmation selon laquelle il n’y a rien d’autre dans la conscience qu’un mouvement de fuite reflète ses idées philosophiques sur la nature de l’existence humaine et de la conscience.
L’existentialisme de Sartre est souvent associé à l’idée de liberté existentielle et au concept selon lequel les individus sont condamnés à être libres. En d’autres termes, il pense que les êtres humains sont fondamentalement libres de choisir leurs actions et de définir leur propre essence, mais que cette liberté s’accompagne également d’un sentiment d’anxiété et de responsabilité.
Un manque
Sartre affirme que la conscience humaine est caractérisée par un vide ou un manque fondamental. Contrairement aux autres objets du monde, qui ont des natures fixes et déterminées, la conscience est dépourvue de toute essence inhérente. Elle n’est pas liée à un sens ou à un but spécifique et n’est pas déterminée par des facteurs externes.
Dire que la conscience est dépourvue de toute essence inhérente fait référence à une perspective sur la conscience qui remet en question l’idée que la conscience a une nature fondamentale ou intrinsèque qui peut être définitivement identifiée ou expliquée. Cette perspective est souvent associée à certains points de vue philosophiques et scientifiques, notamment des éléments de la philosophie orientale, de la neurophilosophie et certaines interprétations des neurosciences contemporaines.
L’idée que la conscience est dépourvue d’essence inhérente rejette la notion selon laquelle la conscience peut être ramenée à une essence ou à une substance spécifique et immuable. En d’autres termes, la conscience n’est pas une chose singulière et fixe. Au contraire, elle peut être considérée comme un phénomène complexe et dynamique résultant de l’interaction de divers processus physiques et cognitifs.
Dans cette perspective, la conscience est considérée comme une propriété émergente du cerveau et de ses interactions avec l’environnement. Elle naît des interactions complexes entre les processus neuronaux, les entrées sensorielles, les souvenirs et d’autres facteurs. Il ne s’agit pas d’une entité statique, mais plutôt d’un processus dynamique dont l’intensité, le contenu et la qualité peuvent varier.
Cette perspective peut être à la fois épistémique et ontologique. D’un point de vue épistémique (c’est-à-dire d’un ensemble de connaissances telles qu’une conception du monde, les sciences et les philosophies d’un groupe social ou d’une époque), elle suggère que notre compréhension de la conscience est limitée et que nous ne pourrons peut-être jamais en saisir pleinement la véritable nature.
Sur le plan ontologique, sur le plan de l’être, de l’existence pour faire court, elle remet en question l’idée qu’il existe une chose définitive appelée conscience, qui existe indépendamment de notre expérience et de nos tentatives de la comprendre. L’idée que la conscience n’a pas d’essence inhérente a des implications importantes pour les discussions scientifiques et philosophiques sur la conscience. Elle peut conduire à une approche plus ouverte et exploratoire de l’étude et de la compréhension de la conscience, par opposition à la recherche d’une définition fixe et essentielle.
La question de la liberté
Sartre pensait que de nombreux individus tentent d’éviter ou de fuir le fardeau de leur propre liberté. Ce mouvement de fuite représente la tendance à se réfugier dans le conformisme, les normes sociétales ou les autorités extérieures pour échapper à l’anxiété et à la responsabilité qui accompagnent les choix libres. Au lieu d’embrasser sa liberté, on essaie souvent de s’y soustraire. Le mouvement de fuite peut être considéré comme une réponse à l’anxiété existentielle, qui naît de la prise de conscience de la liberté radicale de l’individu.
Lorsque les individus sont confrontés au fait qu’ils sont entièrement responsables de leurs actions et de leurs choix, cela peut entraîner des sentiments de malaise et d’appréhension.
L’affirmation de Sartre souligne son point de vue selon lequel la conscience humaine se caractérise par son vide et le défi existentiel qui consiste à embrasser sa liberté tout en résistant à la tentation d’y échapper en se conformant aux normes sociétales ou en recherchant des sources extérieures de sens. Cette idée est au cœur de sa philosophie existentialiste et peut être considérée comme une invitation pour les individus à affronter le dilemme existentiel et à prendre la responsabilité de leur vie.
Ceci posé, en fiction, la motivation peut en effet être un levier de manipulation pour l’auteur et l’autrice qui utilisent souvent les motivations des personnages comme un outil puissant pour faire avancer l’intrigue, créer des conflits et impliquer le lecteur/spectateur sur le plan émotionnel.
Autrices et auteurs peuvent utiliser les motivations de leurs personnages pour développer leur personnalité et les rendre plus sympathiques ou plus complexes. En révélant les désirs, les peurs et les objectifs des personnages, autrices et auteurs peuvent façonner la perception que le lecteur/spectateur a de ces personnages.
Les motivations sont fréquemment utilisées pour faire avancer l’intrigue. Les désirs et les objectifs des personnages conduisent souvent à des actions qui font avancer le récit. Par exemple, la motivation d’un personnage à trouver un trésor perdu peut mettre en branle l’ensemble de l’intrigue même si cette motivation est un McGuffin, c’est-à-dire un prétexte sans importance comme moteur de cette intrigue.
Conflits
Les conflits de motivations entre les personnages peuvent conduire à une tension dramatique et à des conflits au sein de l’intrigue. Lorsque les motivations des personnages s’opposent, cela peut créer des dilemmes intéressants et faire avancer le récit. L’auteur et l’autrice peuvent manipuler les motivations des personnages pour explorer des questions morales et éthiques. En plaçant les personnages devant des choix difficiles en fonction de leurs motivations, ils peuvent engager la lectrice et le lecteur dans des discussions passionnées sur le bien et le mal.
L’auteur et l’autrice utilisent les motivations des personnages pour susciter l’intérêt du lecteur et de la lectrice sur le plan émotionnel. Lorsque ceux-ci peuvent compatir ou comprendre les motivations d’un personnage, ils s’investissent davantage dans le récit. Et ils font souvent des allusions aux motivations des personnages pour préfigurer les événements à venir. Cela peut créer de l’anticipation et du suspense, car le lecteur/spectateur se demande comment ces motivations se manifesteront.
Dans certains cas, l’autrice et l’auteur peuvent intentionnellement manipuler ou induire en erreur la lectrice ou le lecteur sur les motivations des personnages afin de créer des surprises ou des rebondissements dans l’intrigue. Ils peuvent utiliser les motivations des personnages pour commenter des questions sociales, politiques ou culturelles. En décrivant des personnages mus par des motivations particulières, ils peuvent mettre en lumière des préoccupations sociétales plus larges.
Autrice et auteur utilisent les motivations des personnages comme un outil littéraire pour façonner le récit, impliquer le lecteur/spectateur et transmettre leurs thèmes et leurs messages. Bien que cette manipulation soit une pratique courante et acceptée en littérature, il est important qu’ils le fassent d’une manière qui serve l’intégrité de la narration et respecte l’intelligence du lecteur/spectateur et son lien émotionnel avec le récit.
Ici aussi la question posée par notre lecteur est source d’hypothèses variées mais à l’exploration passionnante.
