PROPP : MÉFAIT & MANQUE

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La huitième fonction est le commencement de l’intrigue. Les sept premières articulent l’exposition. Le méfait & le manque a essentiellement pour raison d’être de créer chez le personnage un manque, c’est-à-dire un besoin dont il ne se formule pas nécessairement les détails, mais il sent en lui un vide immense qu’il lui faut impérieusement comblé.

Or ce sentiment n’apparaît pas de manière spontanée : il lui faut des circonstances singulières et celles-ci sont perpétrées par le méfait du méchant de l’histoire qui cause une espèce de mal et tous les maux sont possibles tant qu’ils engendrent chez le héros ou l’héroïne ce sentiment de manque.

Le manque

Le concept de manque en psychanalyse renvoie à un sentiment fondamental d’incomplétude ou d’insuffisance dont les individus font l’expérience.

Selon la psychanalyse & Sigmund Freud, les individus sont mus par divers désirs et instincts, tels que les pulsions sexuelles et agressives. Cependant, ces désirs sont souvent réprimés ou limités par les normes sociétales et les exigences du surmoi (les règles morales et sociales intériorisées).
En conséquence, les individus peuvent éprouver un sentiment de manque ou d’incomplétude, provenant des désirs inassouvis et des conflits entre le ça (la partie inconsciente et instinctive de l’esprit) et le surmoi.

L’expérience du manque peut également être liée au concept d’angoisse de castration dans la théorie freudienne. Au cours du développement psychosexuel de l’enfant, la prise de conscience des différences anatomiques entre les hommes et les femmes peut entraîner des sentiments de manque et d’anxiété, en particulier chez les garçons. Ce sentiment de manque jouerait un rôle dans la formation de l’identité de l’individu et dans le développement de mécanismes de défense pour faire face aux angoisses qui y sont associées.

Le psychanalyste Jacques Lacan a développé le concept de manque dans ses propres théories psychanalytiques. Il a introduit la notion de manque dans l’autre, qui suggère que les individus cherchent à combler leur sentiment d’incomplétude ou de manque à travers leurs relations avec les autres. Selon Lacan, cette recherche de satisfaction peut conduire à divers phénomènes psychologiques, tels que la formation de désirs, de fantasmes et la poursuite d’objets symboliques.

Le manque est un principe psychanalytique profond dont nous faisons l’expérience pour la première fois lorsque nous réalisons notre séparation personnelle d’avec le monde. Le manque conduit au besoin et à la nostalgie, et nous nous tournons vers les héros & héroïnes pour satisfaire ce vide douloureux.

Le méfait

L’antagoniste menace ou blesse quelqu’un d’important pour le héros ou l’héroïne, ou quoi que ce soit d’autre qui affecte autrui en quelque façon disparaît soudainement, emporté par le méchant de l’histoire. Cette action constitue le passage dans l’acte Deux.

Le méfait mène au manque ; pratiquement l’héroïne ou le héros perdent quelque chose ; un bien matériel important pour eux ou peut-être un membre de leur famille, ce qui leur fait perdre leur identité. Propp identifie le manque au méfait car l’héroïne ou le héros n’auraient aucune raison de poursuivre le méchant ou la méchante de l’histoire autrement.

La réponse au méfait pourrait correspondre à la toute première question qu’on se pose sur l’enfance de son personnage : Quel est l’événement le plus marquant qu’il a vécu durant son enfance ?
Car en effet un acte de vengeance peut en effet être influencé par divers facteurs psychologiques, y compris les expériences vécues dans l’enfance. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une explication universelle, il se peut que des individus adoptent des comportements de vengeance pour compenser des manques affectifs ou des problèmes non résolus dans leur passé. Les expériences de l’enfance jouent un rôle important dans le développement émotionnel et psychologique d’un individu. Les événements traumatisants, les privations, les abus ou même les injustices perçues pendant l’enfance peuvent laisser des traces émotionnelles durables. Ces expériences peuvent créer un sentiment d’impuissance, de colère ou un désir de vengeance.

Lorsque les individus portent des blessures émotionnelles non résolues datant de leur enfance, le désir de vengeance peut apparaître comme un moyen de retrouver un sentiment de contrôle ou de rectifier les injustices perçues dans le passé. L’acte de vengeance peut apporter une libération ou une satisfaction temporaire, car il permet aux individus de retrouver un sentiment de pouvoir et de domination sur la personne qu’ils estiment leur avoir fait du tort.

La vengeance peut également servir de mécanisme de défense, permettant aux individus d’extérioriser leurs propres sentiments de douleur, de vulnérabilité ou d’inadéquation envers les autres. En infligeant du mal ou de la souffrance à ceux qu’ils perçoivent comme la source de leur manque affectif, ils peuvent temporairement soulager leurs propres sentiments d’impuissance ou de manque d’estime de soi. Ainsi, le méfait n’est pas un trait distinctif lié à la fonction d’antagoniste.

Une quête de la plénitude

Les récits retracent le mouvement classique du manque à la plénitude. L’intrigue incarne l’état de manque du récit, puisqu’il s’agit d’un manque négatif, émotionnellement aliénant et diminuant. Ainsi d’un personnage dont la mère a été assassiné par un inconnu et qui a façonné sa vie depuis ce moment sur cette recherche de la vérité.
Il ne connaît d’autre émotion que ce manque souffrant d’une espèce d’alexithymie qu’il ne comprend peut-être pas lui-même. Le manque néantise les autres qualités qui font que nous sommes des êtres humains. Car le passé demeure dans les souvenirs et ne devrait pas intervenir dans le présent.

Son arc dramatique, c’est-à-dire les quelques étapes qui décrivent l’évolution psychologique du personnage, consistera alors à reconnaître que le bonheur est ailleurs. La dynamique du personnage est bien celle d’un mouvement du manque vers la plénitude.
C’est ce mouvement qui donne à la fiction son aspect dramatique sinon nous sommes dans un discours et c’est ennuyeux pour le lecteur et la lectrice de ce récit.

La perte d’un être aimé creuse un espace qu’il faut dorénavant comblé. Cet espace constitue trois lignes dramatiques : celle du personnage principal qui cherche à atteindre la plénitude d’abord de la mauvaise manière, celle du personnage qui a le plus d’influence sur le personnage principal et qui lui-même souffre de la perception erronée du personnage principal sur la relation de cause à effet provoquée par le manque et qui a un effet dévastateur sur cet autre et la troisième ligne dramatique décrit l’évolution de la relation entre le personnage principal et cet autre.
Ces trois lignes dramatiques sont éminemment subjectives et elles sont indispensables pour retenir le lecteur/spectateur dans le récit. Le point culminant consiste souvent en la découverte et la reconnaissance d’une romance.

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