SUSPENSE (TENSION DRAMATIQUE)

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Le suspense ou tension dramatique peut sauver une œuvre de la banalité. L’intensité de quelques scènes peut suffire à retenir la lectrice et le lecteur dans l’œuvre car le suspense est une expérience immédiate.
Nous n’offrons aucune résistance à la tension dramatique.

Du suspense

Ce qui persiste de projet de fiction en projet de fiction, c’est bien la tension dramatique. Si le genre est un mode d’expression singulier d’une œuvre de fiction, alors la tension dramatique en est un dénominateur commun.
On peut croire que des personnages et les circonstances dans lesquelles ils sont jetés suffisent à créer des situations intenses. C’est une erreur car la tension dramatique se produit naturellement des situations elles-mêmes. Votre héros est à la recherche de sa petite fille enlevée. Une information le mène jusqu’à une demeure dont il longe silencieusement les limites de nuit. Les conditions de sa venue en ce lieu ne crée pas le suspense : d’où vient l’information & l’enlèvement sont des événements que l’on peut raisonner.

En revanche, tout comme le personnage, nous ignorons ce que nous allons affronter. Nous sommes dans l’incertitude et cela produit une singulière angoisse. Le suspense recouvre la scène sans que l’intention de l’autrice et de l’auteur ne vise à créer du suspense. Ainsi, la pensée de l’autrice et de l’auteur s’estompe pour laisser place non pas à l’imaginaire de la lectrice et du lecteur qui pourrait se lancer dans des spéculations sur des possibles, plutôt c’est malgré eux qu’ils éprouvent un malaise qu’ils ne sauraient définir ou expliquer.

Le manque de suspense dans une œuvre de fiction est souvent un défaut mis en avant. Il n’émane pas de suspense du réalisme et de la métaphore. Représenter le comportement d’un personnage tel qu’il se jouerait dans la vraie vie ou bien user d’une analogie pour traduire dans le concret une idée qu’on n’apercevrait pas autrement ne produisent pas de tension dramatique.
La tension dramatique est inhérente à la situation : dans une scène où deux personnages cherchent à obtenir mutuellement quelque chose de l’autre, nous ne connaissons pas l’issue. Ce que nous éprouvons en tant que lectrice et lecteur est précisément cette ignorance et nous nous surprenons à éprouver & à apprécier cet étrange sentiment.

Il serait vain de déconstruire un personnage ou de tordre une situation parce qu’on veut qu’il y ait du suspense. La tension dramatique est une expérience universelle. Lorsqu’une situation de l’intrigue possède du suspense, ce n’est pas une volonté de l’auteur ou de l’autrice. L’universalité du sentiment fait qu’il n’y a nul besoin de prouver la présence du suspense. Il s’invite de lui-même dans la situation ou dans l’action.

On observe un événement se dérouler. Et même s’il est vrai néanmoins que cette fonction bien humaine qu’est l’imagination nous fait anticiper l’action future, tant que la jeune femme que courtise le meurtrier n’est pas prise dans ses rets, il y a tension dramatique jusqu’au moment où cette jeune femme cède finalement à sa destinée.
Et le suspense s’évanouit. Mais tant que l’on ne sait pas si la jeune femme succombera ou non, notre imagination nous fait craindre pour elle et c’est de cette anticipation qu’émane le suspense que nous subissons (comme n’importe quelle autre émotion).

De l’anticipation

La toute première des anticipations est liée à la question dramatique. L’héroïne ou le héros se sont fixés un objectif et on s’interroge quant à savoir s’ils triompheront ou non de l’adversité à l’intention contraire.
Et cette contrariété ne fait qu’élever les enjeux pour notre protagoniste. Les enjeux sont précisément ce qui fait prendre conscience de l’angoissante situation. Quel que soit ce à quoi on tient, lorsqu’une menace pèse sur ce qui nous est cher, alors nous comprenons ce que cela représente pour celui ou celle qui risque ce qui est important pour elle ou lui.

Et cette importance se situe dans l’objectif. Même si c’est un McGuffin, un prétexte à l’intrigue, le but que l’on s’est fixé nous est vital. Il devient nécessaire tout comme la nourriture que l’on ingère ou l’air qu’on respire. Cependant, cette importance est relative à l’individu. Certes, nous respirons le même air mais ce n’est pas une condition suffisante pour que nous éprouvions une particulière empathie envers cet individu.
Néanmoins, nous l’observons agir et cet effort qui est le sien retient notre attention. A défaut d’empathie, il se produit du suspense à cause de l’importance que l’autrice et l’auteur ont su donner à ce but singulier.

Ce qui paraît insignifiant pour autrui (les autres personnages et le lecteur/spectateur) soulève soudain une interrogation. On se surprend à vouloir qu’il réussisse. Peut-être parce que nous faisons souvent plus d’efforts pour les autres que pour nous-mêmes comme héritage de quelques millénaires.

Le concept de danger

Savoir qu’une menace existe est une chose mais si elle n’est pas immédiate, cette connaissance importe peu. Si une bande rivale veut la peau de votre héros, c’est la proximité de celle-ci qui produit du suspense. Nous sommes en sécurité lorsque la menace est tapie dans le grenier ou enfermée dans les profondeurs d’un manoir. C’est lorsque nous pénétrons en ces lieux, que nous nous exposons nous-mêmes à la menace, que celle-ci devient un péril. De même, alors que nous nous croyons à l’abri sous notre propre toit, lorsque le seuil de ce sanctuaire est franchi par l’inattendu, la présence ennemie n’est plus abstraite.

Elle est physiquement à notre portée. Et ici aussi, tout est relatif. Tout se rapporte à l’individu menacé. Ce qui signifie que le danger ne provoque pas plus d’empathie que l’objectif. Indéniablement, la situation suinte de suspense. L’effraction dans l’intimité du personnage, action exigée par l’intrigue, non par la recherche d’un quelconque effet sur le lecteur/spectateur, nous étonne cependant suffisamment pour que nous nous préoccupions de ce qu’il se passera ensuite.
Le danger est certain. Alors nous commençons à émettre des hypothèses. C’est ainsi que de nouvelles questions dramatiques se soulèvent et que le suspense se crée. Quelle sera l’issue de cette situation ? C’est un syllogisme : la proposition majeure est l’immédiateté de la menace ; la mineure est une espèce d’hésitation et la conclusion est de la responsabilité de l’autrice et de l’auteur.

Mais pourquoi le suspense s’excite t-il ainsi en nous ? Parce que nous sommes tous des agents, nous sommes mus par notre propre subsistance et que nous reconnaissons en celui ou celle dont la subsistance est remise en cause un parallèle avec nos propres expériences de la vie. Il s’ensuit de ce procédé la création d’un suspense.
Lorsque la fiction se fait mimesis, elle l’est davantage sur ce que nous ressentons plutôt que sur des actions singulières que nous n’éprouverons probablement jamais. Car ce sujet que nous observons, que nous voyons évoluer et passer par des épreuves extraordinaires, ce ne sera jamais nous.

Donc la nature du danger importe peu (partant de ce constat, notre créativité s’en trouve étendue) car elle est relative au personnage et ne fait sens qu’en son regard.

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