ACTION & PASSION

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L’intrigue est-elle seulement action ? Agissons-nous seulement parce que nous avons un désir et que nous ne sommes pas disposés à y renoncer et qu’en conséquence, une résistance s’organise pour contrer cette volonté ?

Il faut reconnaître néanmoins que ce désir, aussi futile soit-il, donne une orientation et du sens à un récit. Un récit existe d’abord parce qu’un personnage se fixe un objectif (au moment du passage dans l’acte Deux) et cette quête nous est décrite jusqu’à son issue, au moment du climax, ce moment quand le message de l’autrice et de l’auteur se communique enfin dans son entièreté.

Néanmoins, ce qui nous est véritablement conté, ce sont les répercussions d’une action, les conséquences plus ou moins assumées de l’effet de nos actions sur autrui et sur nous-mêmes. Ce qui rive l’attention du lecteur/spectateur, ce sont les réponses données aux actions. L’action elle-même est secondaire.
L’effort volontairement fourni par une héroïne ou un héros est meut par une force que nous devinons au-delà de l’action. Et bien qu’elle soit invisible car ce qui se manifeste est l’effort seulement, nous sentons bien que ce qu’il se passe dans l’esprit d’un personnage ne nous est pas totalement étranger.

De l’interprétation

Le matériel dramatique que l’autrice et l’auteur mettent en œuvre comme par exemple l’évolution d’une relation amoureuse entre deux personnages dont les personnalités sont à l’opposé l’une de l’autre peut être représentée de différentes manières : soit elle s’estompe après avoir resplendi de tous ses feux, soit elle commence par une rencontre fortuite et les circonstances font que ces deux-là sont forcés de parcourir ensemble une aventure au cours de laquelle le besoin de l’autre se révèle progressivement.

L’autrice et l’auteur croient-ils que l’amour est impossible ? Alors la mort des amants sera l’issue ou bien ils vivront heureux à jamais ce qui revient à dire la même chose.

Quel que soit le message, le lecteur et la lectrice attendent de l’autrice et de l’auteur qu’ils leur montrent par l’action ce que celle-ci ne dit pas : les passions qui s’agitent comme autant de forces cachées qui font que les actions et les réactions des personnages sont imprévisibles. Même lorsqu’un personnage ne fait que réagir parce que, dans ses souvenirs, il croit s’être trouvé dans une situation semblable, sa réaction sera surprenante (et il sera le premier surpris).

Car une situation nouvelle qui présente pourtant de nombreuses similarités avec une situation déjà vécue et celle-ci possède l’autorité de l’expérience, n’est jamais totalement identique. Ce que nous escomptons en nous fondant sur notre expérience passée sera une déception.
Qu’elle soit rancœur, désillusion ou mésaventure, cela donne au récit un nouveau matériau dramatique sur lequel il peut s’appuyer pour nourrir son élan.

Ce qu’il se passe en nous, ce sont des passions : l’amour, l’orgueil, l’humilité, la bassesse et autres sont des idées. Ce qui se montre, c’est le trouble qu’ils occasionnent en telles ou telles circonstances. Lorsque le mouvement de l’esprit d’un personnage aboutit à de la haine, cette passion se traduit dans le corps. C’est un processus efférent, qui conduit une passion à la périphérie en une émotion.

C’est l’émotion qui est alors perçue par le lecteur/spectateur et dans un mouvement inverse, le trouble apparent s’interprète comme une passion plus ou moins ressentie. C’est le principe de l’identification du lecteur ou de la lectrice avec un personnage.

Une réaction émotionnelle

L’action qui accompagne l’objectif ne vaut que par la contre-réaction émotionnelle qu’elle provoque chez le lecteur/spectateur qui passe ainsi de l’observateur presque indifférent à participant aux épreuves que les réflexions incessantes de l’auteur et de l’autrice élaborent pour leurs personnages.

Il existe deux lignes dramatiques d’égale importance : les différentes étapes qui mènent à la réalisation de l’objectif d’une part ; et d’autre part, les quelques moments essentiels au cours desquels le personnage principal se découvre lui-même, se remet en question et fait les choix qui le feront ou non grandir, c’est-à-dire devenir s’il le veut ce qu’il aurait dû être si un événement dans son passé ne l’avait pas rendu étranger à lui-même.

Descendre en soi effraie et c’est normal. Mais il faut cesser de se sentir étranger là où l’on réside. S’explorer soi-même est certes une tâche intimidante mais certainement très profitable.

En tant qu’auteur et autrice, peut-être est-il préférable de commencer par poser l’effet que nous recherchons à la fois sur le personnage mais aussi sur le lecteur/spectateur (afin de limiter les interprétations possibles).

Le processus consiste donc à travailler à rebours en s’interrogeant sur les causes possibles qui répondent à la fois aux exigences du récit et à la vraisemblance. Il y a des émotions comme de la tension qui décrit le rapport entre le personnage et sa situation et qui se transporte jusqu’au lecteur/spectateur ; l’enthousiasme est aussi une émotion qui se communique facilement ainsi que la peur, la joie ou la frustration.
Toutes ces émotions sont parsemées au long du récit. Certes l’action est ce qui retient notre attention ; sans l’émotion qui se voit ou s’entend, le personnage est sans profondeur ; les enjeux ne sont pas compris ; l’empathie ou l’antipathie recherchées par l’autrice et l’auteur envers un personnage ne se rencontrent pas. L’émotion est une forme que revêt une passion et cette passion est précisément ce qui donne de la signification à ce qu’il se passe maintenant dans une scène.

Ce que vit intérieurement un personnage, qu’il grandisse ou régresse, est ce qui nous le rend accessible. Si nous sommes séparés du personnage, nous le serons tout autant du récit. L’arc dramatique se construit en rapport avec l’action ; l’action est structurée : l’incident déclencheur, le passage dans l’acte Deux, le point médian qui crée une intrigue en deux parties ou encore le climax sont des éléments structurels.
Les passions qui accompagnent chacun de ces éléments dramatiques développent parallèlement l’évolution psychologique du personnage.

Pour résumer, faire sentir la présence ferme et rassurante d’un mentor auprès de l’héroïne ou du héros provient par exemple de la relation établie entre eux au fil d’un processus dont les quelques étapes seront introduites progressivement.
L’impression première est souvent confuse pour le lecteur/spectateur. Mûrir ce processus est un a priori nécessaire au récit.

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