Qu’est-ce qu’un arc dramatique ? C’est une transformation. Au début d’un récit, un personnage possède des valeurs qu’il croit immuables. Au cours de son périple et de ses tribulations, ses croyances, ses valeurs sont remises en cause.
La prise de conscience n’est pas immédiate. L’intrigue est définie par la volonté du personnage principal d’obtenir quelque chose. Ce désir est la cause des événements qui s’y produisent. L’ensemble des personnages ou dramatis personæ est impliqué dans cet intrigue, c’est-à-dire dans un jeu de volontés opposées qui crée une tension dramatique rendant incertain le résultat.
Questionner ses croyances
Les volontés se fondent sur un ensemble de croyances qui définissent la représentation du monde telle que le perçoit chaque personnage. On peut expliquer le pourquoi de telles valeurs en explorant la mémoire de chaque personnage et lui inventer un vécu qui éclaire ce qu’il est au début du récit.
Une définition fixe les choses dans un état particulier. En définissant un personnage par son passé, on crée un monde ordinaire qui englobe le personnage principal dans un état psychologique dont il croit se satisfaire.
La vision que l’on tire du monde est très subjective, façonnée par les passions et les expériences d’un personnage, tout comme dans la vie réelle. On subit ses passions et en s’y pliant, on finit par se mentir à soi-même.
Alors qu’il poursuit un objectif extérieur (un personnage avec un fort sens d’équité pourrait vouloir réparer une injustice par exemple), ce qu’il se passe à l’intérieur de lui distille dans sa conscience des morceaux d’une vérité sur ce qu’il est vraiment. Par exemple, un personnage qui croit que le bonheur est de servir d’abord son propre intérêt pourrait progressivement comprendre que cet égoïsme est un mensonge et l’évolution de son arc dramatique consisterait alors à se vouer aux autres.
Le changement est un déplacement émotionnel ou spirituel ou intellectuel. La pensée évolue, les sciences évoluent, les sociétés évoluent..
Un récit est d’abord le récit d’une âme qui s’aperçoit que sa place dans le monde est toute autre que celle qu’elle croyait. Cette réalité intérieure qu’est l’âme s’accorde enfin à la réalité du monde extérieur mais elle ne s’y fond pas ni ne s’y adapte. C’est bien d’une relation qu’il s’agit.
Ce dialogue avec le monde est sincère et les hypocrites seront vaincus. Le récit décrit cette recherche de sens sur soi-même. L’évolution ou arc dramatique du personnage est précisément ce dont parle le récit.
Choix & Conflit
L’intrigue est propulsée vers l’avant par les décisions que prend un personnage. Mais il n’y aurait pas de drame si les choix du personnage n’avaient pas de conséquences. Celles-ci se formulent sous la forme de conflits.
Lors des situations conflictuelles que rencontre un personnage dans sa volonté de réaliser quelque chose, il s’aperçoit que les habitudes qui constituaient son monde ordinaire ne lui apportent aucune satisfaction. Il remet en cause les valeurs qui le définissaient et qui le figeaient dans un état d’esprit qui fragmentait son âme désespérément en quête de son unité.
Cette conception nouvelle du monde est la signification du récit, c’est-à-dire ce pourquoi ce récit existe.
Le besoin qu’éprouve une âme est donc de partir à la découverte d’elle-même. Ce dépassement de soi n’est pas évident. Il faut une forte incitation pour que soit remis en question ses propres croyances. Le besoin ou manque, c’est-à-dire sa propre vérité, se fait jour progressivement. Le personnage doit faire preuve de courage pour finalement s’accepter selon sa propre nature.
Au début du récit, lorsque nous rencontrons le personnage, cette véritable nature est blessée par un événement du passé et cette expérience le hante encore. Il a mis en place un mécanisme de défense comme remède à cette négation de lui-même. Un personnage issu d’une classe sociale défavorisée par exemple considérera que le monde se complaît dans la fange des ténèbres. Sa relation aux autres se construit sur cette vue singulière du monde.
C’est ce que l’autrice et l’auteur nous donnent à voir dans les attitudes & comportements du personnage tout passionnés par le manque dont le personnage n’a peut-être même pas conscience.
Par les épreuves qu’il connaît au cours de l’intrigue, cette révélation s’imposera à lui et c’est par une espèce de parole (que celle-ci soit formulée dans un discours direct avec un autre personnage ou par exemple dans le regard que renvoie un miroir) que le manque sera expulsé des profondeurs et non pas anéanti mais accepté.
Au cœur du récit, une question philosophique
Les situations conflictuelles sont d’abord des conflits de personnalités. Un personnage pourrait avoir une vue très optimiste sur le monde tandis qu’un autre serait très pessimiste à cet égard. Ces divers points de vue sur un même objet se confrontent, chacun avançant ses propres arguments, d’ailleurs tout à fait justifiés de part et d’autre.
La tâche de l’autrice et de l’auteur est de nous exposer ce débat et de nous proposer leur propre réponse. Par exemple, peut-être que le monde est un lieu maudit mais certainement qui mérite qu’on se batte pour lui.
Lire, c’est écrire dans les marges jusqu’à ce qu’on s’enhardit à penser par soi-même. Faites un don. Merci
