LA RECHERCHE DE SOI

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Conter n’est pas donner une information. Plutôt, il s’agit de savoir comment donner cette information. La distribution de l’information tout au long du récit garantit la satisfaction de la lectrice et du lecteur.
De cette distribution, on tire un mouvement. C’est un personnage qui se meut d’un état psychologique à un autre état psychologique. Habituellement, ce mouvement se concrétise par une espèce de mûrissement du personnage qui le rend plus adéquate à sa véritable nature.

La quête du bonheur

Pour qu’il y ait une quête et parce que la résolution de cette quête mène à la satisfaction du lecteur et de la lectrice, il est nécessaire que le personnage en charge de l’avancée de l’intrigue soit au début de son aventure dans un état d’esprit insatisfaisant en proie à des problèmes.
Lorsque Ulysse revient à Ithaque, il est méconnaissable et son royaume est pillé par les prétendants. Cet épisode nous montre effectivement un personnage qui est au début le dernier maillon d’une société dans laquelle la position sociale est une valeur déterminante. La quête d’Ulysse consiste d’abord à se faire reconnaître de ceux qu’il aime (son fils Télémaque, son chien Argos, Eumée le porcher qui lui est resté fidèle malgré les années et la vieille Euryclée qui aperçoit la cicatrice d’Ulysse).

Autrui

La relation aux autres est souvent le problème intime qu’un personnage rencontre au cours de son périple. Il ne nie pas l’existence d’autrui mais il est si retourné sur lui-même qu’il en vient à ignorer ou à s’interroger sur ce que sont vraiment les autres et ne perçoit d’eux que la représentation ou l’image qu’il croit conforme à ce qu’il attend d’eux, méprisant sans le vouloir la dignité de cet autre qui lui fait face.

Cette cécité peut être tragique : pour l’amour de son fils, par exemple, une mère refuse de voir en lui le mal qui le définit. Ou bien, par cette image, elle se concilie avec cette idée du mal en la justifiant, en la minorant, en la bousculant d’un revers de la main.
Accepter l’altérité, reconnaître en l’autre ce qu’il est vraiment, est la révélation douloureuse du mensonge que l’on se fait à soi-même. Maintenant, le héros et l’héroïne sont face à eux-mêmes et ainsi sur la voie de la réalisation de soi.

Mais avant même que l’aventure commence, héros et héroïne ne sont pas prêts à l’accepter. C’est ce que Joseph Campbell dans son monomythe nomme le Refusal of the call. Remettre en cause ses propres jugements n’est point chose facile.
Une femme qui souffre de violences conjugales doit prendre le risque de s’affirmer ; l’adolescent rebelle comprendra l’amour que lui porte sa mère.. ces affirmations de soi participent au processus d’individuation qui rend un être unique & singulier qui accepte que son identité n’est pas totale sans le regard de l’autre.

Soi

Savoir qui on est est une interrogation courageuse qui nous met au défi de prendre nos responsabilités quant à nos relations et à leurs conséquences et de manière générale aux circonstances de notre vie. Peut-être y a t-il un aspect sublime lorsqu’un personnage de fiction fait de même dans son monde. C’est ainsi que le sentiment de fiction s’estompe et que nous suspendons notre jugement le temps d’un récit.
En un sens, les personnages prennent conscience de qui ils sont et de ce qu’ils valent vraiment. La valeur n’est pas attachée au résultat de se découvrir soi-même, elle est plutôt comme un pouvoir qui nous permet non seulement de nous affirmer en tant qu’être mais aussi dans le regard des autres. Connaître le remords pour des actes que nous avons commis peut nous permettre de recevoir la rédemption d’autrui mais ne possède de valeur non pas dans cette connaissance qui consiste à savoir qui l’on est mais dans le remords lui-même qui n’a de valeur que dans le regard d’autrui.

Ainsi, quelle que soit la valeur qu’une autrice ou un auteur décident de mettre en avant, ce qui importe est l’itinéraire qui mène à la réalisation de soi. Les étapes du changement seront bien plus dramatiques si la prise de conscience n’est pas un effort personnel de se tourner vers soi-même comme l’ermite qui s’isole au sommet d’une montagne non pas pour se rapprocher des cieux mais dans la solitude à l’écart du monde.
Le changement est aiguillonné de l’extérieur. Par exemple, le discours d’un prêtre entendu par l’individu qui ne croit en rien peut soudainement agir comme une révélation : le cheminement vers la conscience de soi commence. On réalise qu’il existe quelque chose de profond en nous. Et c’est une lutte impitoyable qui s’ouvre devant nous dans l’affrontement qu’un poète nommerait contre les forces draconiques tapies en nous et qui défendent l’accès à notre véritable nature.

Un combat qu’il faut accepter de livrer avec nous-mêmes.

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