STRUCTURER SON RÉCIT

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Faire un plan de ce que l’on cherche à dire ou à écrire est un processus préalable afin d’organiser ses idées, de dégager une espèce de superstructure sur laquelle s’appuieront les pensées de l’autrice et de l’auteur, sur laquelle se concrétiseront les avancées de pensée.

Le plan (ou outline par ailleurs) est un outil. Il peut prendre la forme qui convient le mieux à telle autrice ou tel auteur : une liste de scènes décrites sur quelques lignes ou quelques paragraphes ou une simple liste numérotée d’en-têtes de scènes résumant chacune d’elles afin de clarifier sa raison d’être.

Quid de la créativité ?

L’embarras éprouvé lorsqu’il s’agit de faire un plan est lié à la crainte que le plan absorbera cette étincelle créatrice qui anime l’autrice et l’auteur lorsque l’inspiration les saisit. Structurer serait perdre en créativité.
Seulement le plan appartient aussi au moment de la création. Les questions demeurent : comment structurer telle scène pour lui donner la signification qui l’explique ? Comment développer l’arc dramatique de tel ou tel personnage ? Ces questions et d’autres relevant du processus créatif ne seront pas néantisées par l’écriture préalable d’un plan qui ne fait qu’ordonner des idées.

Les relations si importantes dans la transmission de l’émotion entre l’écriture et le lecteur/spectateur de cette écriture prendront vie sur les pages et non dans le plan qui ne fait qu’articuler les grands moments de telle ou telle relation. Conter une relation entre le moment de la rencontre et ce qu’il advient d’elle ouvre des possibilités que le plan ne fait qu’effleurer.
Le plan est alors la fondation sur laquelle s’appuie la créativité. Par surcroît, plus on pratique le plan, mieux on comprend comment fonctionne un scénario.

La construction de l’intrigue et du développement des personnages est ici, en filigrane, dans le plan. Le passé, le présent et l’anticipation des événements sont déjà inscrits dans le plan. L’autrice et l’auteur ne sont pas les démiurges de leur propre univers. Ils ont simplement quelque chose à dire et comme tout argument, celui-ci doit être compréhensible afin de tenter de convaincre.

Le plan est dédié aux idées. Nous sommes dans l’abstrait. C’est à ce niveau que la structure opère. Ce qui est abstrait est bien plus facile à modeler que ce qui a déjà pris forme. Donner à une forme un autre contour, c’est détruire la figure antérieure.
Supposons une idée de scène : Le capitaine harangue ses hommes. Vous avez eu l’intuition ou l’inspiration que cette action devait avoir lieu. La forme qu’elle prendra et le moment où elle interviendra apparaîtront non dans le plan mais dans la concrétisation de la scène qui s’immiscera alors dans une séquence que le récit organise à sa manière (puisqu’une séquence possède une durée et que celle-ci peut se distribuer par petites touches tout au long de l’histoire).

Le plan : un ensemble de concepts

Le plan consiste en un brainstorming. A un ou plusieurs, cette méthode de création d’idées évite le monoïdéisme, destructeur de possibilités. Toutes ces idées qui surgissent ont besoin de s’organiser logiquement, c’est-à-dire mise de façon à faire sens d’une manière ou d’une autre.
Ainsi, de nombreux auteurs et autrices empruntent par ailleurs des structures narratives qui servent alors de support pour illustrer, mettre en scène sur le papier ce qu’ils ont à dire, afin d’être intelligible.

Il est utile d’analyser comment d’autres sont parvenus à dire leurs préoccupations : à quel moment l’incident déclencheur s’est-il produit ? À quel moment le passage dans l’acte Deux a eu lieu ? Car ces deux moments possèdent une relation singulière dans la structure.
Le point médian du récit qui concerne essentiellement l’état d’esprit du personnage principal, comment fonctionne t-il et pourquoi fonctionne t-il ainsi ? Tous ces moments sont des articulations majeures du récit qui lui permettent d’être contés. Établir un plan, ne serait-ce qu’une liste de scènes indiquées seulement par leur en-tête, par exemple une rupture entre le personnage principal et son love interest ou une amitié entre deux personnages qui vacille.., c’est-à-dire la description de moments qui sont des actions (il se passe quelque chose), facilite ensuite la tâche de l’autrice et de l’auteur dans le processus d’écriture qui illustrera ces actions.

Ces actions permettent de tisser l’intrigue, c’est-à-dire de définir un mouvement le long d’un fil de trame tandis qu’intervient par nécessité un fil de chaîne (donc vertical) qui arrête le mouvement (et le changement que celui-ci occasionne) afin de donner les explications qu’exige non tant le récit mais plutôt le lecteur/spectateur.
On peut objecter, bien sûr, mais l’intérêt de ce plan se situe dans les conditions qui ont permis à une action de se produire. Cette amitié que l’on nous a montré et prouvé dès les premières pages, voici qu’elle se désagrège dans l’acte Deux. Comment cette relation a t-elle pu en arriver à un tel point ? La réponse crée de nouvelles actions a priori qui constitue l’histoire de cette relation.

Qui est son personnage principal ?

La réponse peut intervenir après plusieurs page d’écriture. On se persuade que tel personnage est notre héroïne ou notre héros pour s’apercevoir parfois très tard dans le processus d’écriture et souvent à la suite d’un effort douloureux que l’on est dans l’erreur.
Lorsqu’il y a un mystère à élucider par exemple, on se concentre souvent sur l’enquêteur car c’est lui qui fait avancer les choses. Pourtant, il est possible que le personnage principal soit la victime ou l’assassin. Celui ou celle qui font avancer les choses sont le protagoniste, celui ou celle qui nous conte le récit par leur regard singulier sont le personnage principal. Et comme il s’agit d’un regard (forcément subjectif), le lecteur/spectateur possède dès lors une voie d’accès à ce qu’il se passe non dans l’action mais dans l’intimité du personnage.

Considérez des personnages qui vous ont fasciné par ailleurs chez d’autres auteurs ou d’autres autrices ou bien encore des personnes historiques dont la vie (qui ressemble souvent à une fiction lorsque les historiens nous la décrivent) vous a marqué ou encore des personnes contemporaines auprès desquelles vous pourriez vous inspirer de leur parcours, ne serait-ce qu’une rencontre fortuite avec une parfaite inconnue assise seule à une table totalement ignorante du brouhaha ambiant du café.
Votre imagination s’emparera de ce seul fait et élaborera l’histoire.

Et cela fonctionne aussi avec le genre. On a tous un genre de prédilection lorsqu’on se décide pour tel film plutôt que tel autre.
Surtout, ce qu’il faut prendre conscience, ce sont les thèmes qui nous préoccupe. Ils sont comme un cercle et on y revient toujours. On argumente sur ces thèmes mais cette argumentation ne fait pas récit. D’où la nécessité de mettre en intrigue, de donner un aspect narratif à ces thèmes afin de les communiquer, de les faire passer de soi en tant qu’autrice et auteur vers un lecteur/spectateur.

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