ARCHITECTURE & LITTÉRATURE GOTHIQUES

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Le romantisme et en particulier son rejeton gothique doivent beaucoup à l’architecture du moyen-âge. Les églises gothiques (seconde partie du Moyen Âge) et les vieux châteaux n’ont pas manqué d’exercer sur l’imagination des auteurs et autrices gothiques une influence considérable.

Le mystère et le fantastique viennent plus des constructions gothiques que du cycle arthurien. Il n’est donc pas étonnant que des personnes très cultivées s’amusent à reconstruire pierre après pierre la romance gothique.

Otrante

Horace Walpole était déjà un collectionneur de cet antique Moyen Âge. Les collections qu’il réunit à Strawberry Hill en témoignent bien avant que ne soit publié son Château d’Otrante.

Certes, comme l’écrit John Ruskin en 1851 dans Les Pierres de Venise, les arcs brisés ne constituent aucunement le gothique, ni les voûtes, ni les contreforts et arcs-boutants, ni les sculptures grotesques ; mais tout ou partie de ces choses, lorsque les auteurs les réunissent, prennent vie. Cette architecture est typique de l’esprit gothique en se manifestant sous une forme ou une autre justifiant alors le genre gothique.

gothiqueLe caractère brutal et cruel du gothique hérite de la pensée et de la rudesse des Royaumes Goths. Ces peuples ont impressionné sur nous l’image d’une race comparable à une meute de loups et d’une imagination aussi sauvage et rebelle que les mers du Nord. L’atmosphère sombre qui se dégage de ces bâtisses, les contreforts et les murs raboteux taillés dans des rochers sur des landes sauvages, parlent de la brutalité de leur architecture lourde, grossière, raide, sombre et vraiment déprimante.

La littérature gothique ne s’est pas contentée d’interagir en douceur avec cet art Goths. A Contrario. L’attitude gothique du romantisme a joué des ténèbres, des paysages sublimes (la nature dans son expression la plus terrible) et de peurs.

L’architecture gothique, ses pinacles et ses surfaces frettées, la complexité de ses ombres brisées, ont séduit les esprits rebelles du milieu du dix-huitième siècle, qui ont vu dans l’art gothique la grandeur de la nature sauvage et cette nouveauté de l’extravagance (en regard du classicisme) qui étaient à l’origine l’inspiration des artistes gothiques.

La littérature gothique est né du dix-huitième siècle. Elle appartient en propre à cette période. Il s’agissait alors d’établir une nouvelle conception de l’humanité, un nouvel idéal. Le gothique stimulait l’imagination du pieux en de nouveaux temples.

Les ruines, les silhouettes dressées, les lignes fluides et désordonnées des maçonneries de pierre ou les rochers conquis par les plantes grimpantes sont devenus, en termes d’émotion, de sensibilité, un élégant déséquilibre de l’esprit, reconnaît l’auteur Michael Sadleir (1888-1957).

La relation entre l’architecture gothique et la romance gothique

Le monde extérieur avait fait pression sur l’homme primitif (archaïque selon Mircea Eliade) avec d’obscures souffles de mystère, son atmosphère même s’était teintée d’une appréhension de l’inconnu. De cet univers incertain et phénoménal, il a été poussé à rechercher l’assurance spirituelle qui réside dans les valeurs absolues. Il sentait qu’un pouvoir terrible contrôlait sûrement toutes choses imprévisibles pour lui, et dans son anxiété métaphysique, il adopta une approche maladroite de la religion, qui était pour lui une propitiation pour sa propre sécurité.

L’homme classique se sentit davantage en sécurité dans une vie belle et joyeuse, mais dépourvue de l’énergie de la peur. Une vie bien conçue, mais peu profonde, sans splendeur ni profondeur de mystère. Le monde n’était plus quelque chose d’étrange, d’inaccessible et d’une grandeur mystique mais un accomplissement vivant de son propre ego.

Une œuvre d’art classique ou de la Renaissance suscite souvent un sentiment de beauté élevée, et une notion exaltée de l’être humain ; mais l’architecture gothique rend le spectateur admiratif, fasciné. En nous faisant prendre conscience de notre nullité, elle nous exalte en suggérant que la vie conserve ainsi sa grandeur.

Coleridge dit qu’en entrant dans une cathédrale, il est rempli de dévotion et d’admiration ; il est perdu aux réalités qui l’entourent, et tout son être s’étend à l’infini ; la terre et l’air, la nature et l’art, tous se hissent dans l’éternité. Une cathédrale gothique semble remplie de l’immanence dévorante d’un grand pouvoir spirituel.

Dans une extase de communion, l’esprit gothique manifeste une humble obéissance devant le grand Inconnu : la peur devient acceptation, et l’existence insensée est chargée d’un but sombre, insondable et sacré.

L’attitude gothique met l’individu en relation avec l’univers infini, comme le font les grandes religions et la philosophie mystique. Un tel esprit saisit l’infini et le fini, l’abstrait et le concret, le tout et le néant dans un unique élan : et de la tension entre l’humain et le divin s’allume la lueur votive que ne cesse de contempler le monde du mystère gothique.

Peintres, sculpteurs et architectes de ces cathédrales massives et compliquées expriment les subtiles relations entre architecture et littérature gothiques. L’attitude gothique se situe entre le temporel et l’intemporel et lorsque l’auteur gothique tente de s’en approcher, il se souvient de ces cathédrales et il mélange dans son roman les mêmes ingrédients volatiles de peur et de douleur, d’émerveillement et de joie, le néant et l’infinitude de l’homme.

Le lecteur est frappé de terreur et perdu ; emporté et racheté ; le roman gothique est une conception aussi vaste et complexe qu’une cathédrale gothique donnant au lecteur un sentiment de totalité. On retrouve en eux les mêmes nuances sinistres et la même grandeur solennelle.

De plus, l’architecture gothique combine en elle-même la plus grande variété d’attraits : elle possède une grandeur lugubre, une atmosphère et une couleur qui évoquent la terreur, le suspense et la mélancolie. La morosité gothique est l’une des expressions descriptives classiques pour caractériser ses effets sur l’esprit. La pénombre touche l’imagination avec force et solennité ; elle évoque des sensations de crainte et de fascination et joue sur l’élément primitif de la peur naturelle et superstitieuse.
La peur ne s’insinue que comme un sous-produit de l’union du gothique et de la mélancolie, donnant à la terreur une association étroite avec l’architecture gothique, qui à son tour est devenue l’atmosphère caractéristique du roman gothique qui contient des éléments directement associés à l’architecture gothique : châteaux, couvents, voûtes souterraines, donjons en ruine. Inspiré par le monde de l’art gothique, le roman gothique a trouvé des propriétés sinistres dans le monde naturel.

Un héritage gothique

Plus tard, la machinerie gothique se développa logiquement en intensifiant ces éléments inauguraux. Car tout l’attirail d’un roman d’horreur est conçu pour stimuler continuellement l’imagination avec des appréhensions bizarres. Bientôt le château et le couvent sont rejoints par la caverne ; le tyran gothique par des bandits ; les voûtes et les galeries par de sombres forêts parcourues de nuit ; et la scène des amours langoureuses du romantisme devient la hantise de spectres hurlants.

Les méchants gothiques poursuivent les héroïnes hors des murs du château dans la forêt environnante, dont la morosité est aggravée par les ombres de la nuit, et où se cachent les bandits. Le tonnerre et la foudre ont jeté leurs terreurs sur l’âme de l’héroïne affligée. Les bandits fréquentent des cavernes lugubres aux murs humides, aux entrées et sorties secrètes.
À tout cela se sont ajoutés des démons et de la magie noire, des moines maléfiques, le tribunal de l’Inquisition, des sociétés secrètes, des baguettes enchantées, des miroirs magiques et des lueurs phosphorescentes.

L’imagination inspire l’esprit gothique à se transporter dans le passé et à observer l’effet artistique du véritable mystère. Les cathédrales ou les châteaux ressemblent à des spectres des temps anciens et permettent de se livrer à une nostalgie mélancolique. De plus, un édifice antique satisfait l’envie de quelque chose d’étrange, d’émotionnel et de mystérieux.
L’Antiquité nous inspire la vénération, presque la crainte des religions, et l’esprit gothique aime à ruminer la gloire sacrée du passé.

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