DE LA BONNE INTRODUCTION DE VOS PERSONNAGES

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A quel moment peut-on dire d’un script qu’il n’est pas bon ? et que même des améliorations seraient illusoires ? Une réponse tout à fait plausible serait dès l’introduction de vos personnages.
Si ceux-ci ne sont pas correctement exposés, il est à peu près certain que le reste de votre scénario sera irrécupérable (car le lecteur ne dépassera pas la page 6 de votre script).

The visitor sits beside the bed and Ripley finally notices him. He is thirtyish and handsome, in a suit that looks executive or legal, the tie loosened with studied casualness. A smile referred to as ‘winning.’
MAN
Nice room. I’m Burke. Carter Burke. I work for the company, but other than that I’m an okay guy. Glad to see you’re feeling better.
Le visiteur s’assoit à côté du lit et finalement Ripley l’aperçoit. il a la trentaine  et présente bien dans un costume de cadre d’une entreprise ou de l’administration, la cravate nouée avec une désinvolture étudiée. Un sourire de ‘vainqueur’.
L’HOMME

Belle chambre. Je m’appelle Burke. Carter Burke. Je travaille pour la compagnie mais à part çà, je suis un mec sympa. Heureux de voir que vous allez mieux.
Aliens Le Retour (1986) Script : James Cameron.

Avant même que Burke n’ouvre la bouche, notez comment James Cameron dépeint le personnage :
– son âge trahit par son apparence,
– qu’il présente plutôt bien,
– il porte un costume mais tente de faire passer comme s’il n’en portait pas (la cravate nouée avec une désinvolture étudiée),
– il semble amical mais il y a quelque chose qui peut sonner faux.

La ligne suivante du dialogue de Burke renforce notre première impression :
Yes, I work for the company, but I want you to think I’m on your side.
Oui je travaille pour la compagnie mais je veux que vous sachiez que je suis de votre côté.

L'art de dépeindre un personnage par James Cameron
L’art de dépeindre un personnage par James Cameron

 

Lance, late-20s, is a young man with a wild and woolly appearance that goes hand-in-hand with his wild and woolly personality. Lance has been selling drugs his entire adult life. He’s never had a day job, never filed a tax return and has never been arrested. He wears a red flannel shirt over a “Speed Racer” tee-shirt.
Lance, la vingtaine bien tassée, a une apparence sauvage et confuse qui s’accorde parfaitement avec sa personnalité sauvage et confuse. Depuis qu’il est adulte, Lance a toujours vendu de la drogue. Il n’a jamais eu de travail régulier, n’a jamais payé d’impôt et n’a jamais été arrêté. Il porte une chemise de flanelle rouge sur un tee-shirt « Speed Racer ».
Pulp Fiction (1994) Script de Quentin Tarantino et Roger Avary

Ce n’est pas usuel chez Tarantino d’introduire ses personnages aussi longuement, il ne donne généralement que le nom. Mais comme la scène qui suit cette introduction révèle peu sur le personnage, il est probable que Quentin Tarantino a donné ces détails pour compenser ce manque d’information.
Voici donc ce que nous apprend la peinture de Lance par Tarantino :
– son âge
– il est débraillé avec peut-être un sens ironique de la pop-culture
– C’est un dealer de drogue par profession mais sans ambition et sans véritable intention criminelle.

La description que Tarantino fait de Lance laisse une grande part au travail de l'acteur.
La description que donne Tarantino de Lance laisse une grande part au travail de l’acteur.

Il y a dans l’introduction que Tarantino fait de Lance des détails qui sidèrent. En effet, un scénariste n’est pas sensé donner des détails sur un personnage qui ne peuvent ni être vu, ni être entendu. Comment faire parvenir ces informations au public ?
En fait, comme de nombreux et bons! scénaristes, Quentin Tarantino triche un peu. En effet, le public voit un acteur interprétant un rôle et cet acteur apporte toutes les informations relatives à son personnage. Un scénariste n’ a que de simples mots pour exprimer sa pensée et lorsque des moments importants du scénario doivent être écrits, il est généralement admis de préciser une ou deux phrases qui ne seront pas destinées à être filmées. L’introduction d’un personnage fait partie de ces moments importants.

MONTRER

La meilleure introduction pour un personnage tend à décrire ce qui est vu (l’apparence physique du personnage) ainsi qu’une information quelque peu intrigante concernant leur personnalité ou leur situation.

Bien sûr, vous n’êtes pas obligé de donner l’âge de votre protagoniste mais c’est généralement admis. Vous n’êtes pas obligé de préciser qu’il présente bien, mais si c’est votre héros, ce n’est peut-être pas une mauvaise idée.
Beaucoup d’acteurs aiment jouer des gens ordinaires mais plus que tout, des gens ordinaires apparemment plutôt décalés.

Dans d’autres cas, l’apparence de personnages secondaires n’est pas utile à préciser. Si vous devez décrire les parents d’un adolescent, ils doivent être suffisamment âgés pour avoir un enfant de l’âge d’un ado. Inutile de l’indiquer dans le script.

FAITES LE CHOIX DE LA BONNE SCÈNE

Pour les personnages majeurs de votre récit, vous devrez structurer une scène afin qu’elle mette en évidence l’introduction de ces personnages.
Prenons l’exemple ci-après. Nous entendons parler de Todd avant même que nous le rencontrions :

GO (1999) de Doug Liman (Script de John August)
RONNA
I don’t need Simon. I’m going to Todd.
MANNIE
Todd GAINES?
CLAIRE
Who’s Todd Gaines?
MANNIE
Simon’s dealer.
Claire sits forward in the seat, suddenly worried.
CLAIRE
You can’t do that, can you? I mean, go around Simon.
She looks at Mannie. He shrugs, unsure.

RONNA
Je n’ai pas besoin de Simon. Je vais voir Todd.
MANNIE

Todd GAINES ?
CLAIRE

Qui est Todd Gaines ?
MANNIE

Le dealer de Simon.
Claire s’assoit sur le bord du siège, soudainement contrariée.

CLAIRE
Tu ne vas pas faire çà, non ? Fais un saut chez Simon.
Elle regarde Mannie. Il hausse les épaules, incertain.

De l’extrait précédent, on peut avoir quelques raisons de s’inquiéter. L’appartement de Todd nous en dit un peu plus sur le bonhomme :

Shades drawn, the room is completely insulated from reality. The light bulbs have been markered over, casting eerie pools of red and green light. Broken CDs dangle off a tiny Christmas tree by the stereo. Slacker seasonalism.
GAINES (O.S.)
Don’t let the cat out.
Ronna closes the door behind her.
TODD GAINES emerges from the darkened bedroom, tying the string on a pair of sweat pants. That’s all he’s wearing.
RONNA
I didn’t wake you up, did I?
GAINES
Nah.
He settles into an overstuffed couch and lights a Marlboro. Adjusts himself in the crotch. Motions for her to take a chair. She’s more nervous than she wants to let on.

Volets fermés, la pièce est complètement isolée de la réalité. Les ampoules ont été couvertes de feutre, projetant d’étranges flaques lumineuses de rouge et de vert. Des CD cassés pendent d’un minuscule arbre de noël. Décor négligé de saison.

GAINES (hors champ)
Ne laisse pas le chat sortir.

Ronna ferme la porte derrière elle.
TODD GAINES émerge de la chambre plongée dans le noir serrant la ficelle de son jogging. C’est tout ce qu’il porte.

RONNA
Je ne t’ai pas réveillé au moins ?

GAINES
Non

Il s’installe dans un canapé rembourré et allume une Marlboro.
Se positionne confortablement dans le creux. Lui fait signe de prendre une chaise.
Elle est plus nerveuse que ce qu’elle veut laisser paraître.

Todd dans sa tanière et tout est dit sur le personnage.
Todd dans sa tanière et tout est dit sur le personnage.

Grâce à la mise en scène, il est inutile de dire que Todd est maigre ou menaçant, par exemple. En effet, en nous l’exposant dans sa tanière, tout est dit. Le même message aurait été impossible à faire passer ailleurs que dans cet appartement spécifique à l’image de Todd.

Gardez à l’esprit cependant que d’écrire une scène seulement pour présenter un personnage est généralement une très mauvaise idée. A moins que cette scène ait une importance au niveau de l’intrigue, n’écrivez rien pour le plaisir seulement d’introduire un acteur. L’introduction de vos personnages doit s’intégrer dans l’arc dramatique de l’intrigue (A Story)  ou d’une intrigue secondaire (B Story).

Ecrire une ou deux lignes supplémentaires et non vouées à être filmées est un signal pour le lecteur le prévenant d’accorder une attention particulière à ce personnage. Dans un scénario, il y a entre 5 et 10 personnages qui mérite qu’on donne au lecteur quelques informations supplémentaires sur leur personnalité, par exemple. Un rôle interprété par un figurant n’a pas besoin de détails superflus.

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