Le contexte renvoie les émotions des personnages quelle que soit l’époque qu’il décrit. Ce qui est intérieur est opaque ; alors comme s’il se projetait sur des miroirs, l’état affectif se comprend de l’environnement. Donc projection et inconscient collectif car le lieu ou le contexte dans lequel un personnage évolue essaie de nous communiquer ce qu’il ne peut percevoir lui-même, c’est-à-dire son inconscient.
Lorsque l’autrice et l’auteur souhaitent nous instruire sur une émotion, ils utilisent l’esthétique d’un lieu comme langage. Si nécessaire, ce n’est néanmoins pas suffisant car la source de l’émotion ou comprendre pourquoi un personnage réagit sous le coup de telle ou telle émotion comme on dit, se terre dans les profondeurs.
L’intention de l’environnement est comme un symptôme qui manifeste la nature du problème auquel les personnages se confrontent. Par exemple, dans American Beauty (1999) de Sam Mendes, la demeure des Burnham semble traduire le rêve américain mais elle est en fait le creuset de tensions, de non-dits et de frustrations. La façade est alors le symptôme apparent d’une réalité bien plus sinistre. Dans Jerry Maguire (1996) de Cameron Crowe, lorsque nous faisons connaissance avec Jerry, le lieu de son activité professionnelle est le symbole de son emprisonnement dans un système qui étouffe la quête d’authenticité dont Jerry a besoin. La demeure de Jerry si spacieuse est en fait la représentation du vide qu’il ressent en lui. Il n’y a aucune chaleur humaine qu’on trouve habituellement dans cet espace de vie. L’argument de ce récit nous est donné par contraste avec le salon de Dorothée, modeste mais tout empli de la vie familiale que Jerry recherche sans même le savoir.
Alors, pensons l’espace extérieur comme le chaos psychique du personnage. Même s’il ne se le formule pas clairement, le lecteur/spectateur le percevra aussi.
La fonction archétypale
En évoquant une émotion universelle, le lieu de l’action devient archétype. Une sombre forêt porte en elle l’angoisse de l’inconnu, par exemple. Ce qui est abstrait devient concret en images. Une construction oppositive aide aussi à traduire une émotion. Un paysage calme renforce l’agitation intérieure. Sonny dans Le Prédicateur (1997) de Robert Duvall cherche à reconstruire sa foi. Cette église qu’il bâtit de ses propres mains et demande aux habitants de l’aider (car l’église est un lieu de rassemblement) est un symbole de sa volonté de se réconcilier avec Dieu. Alors que son rapport avec les hommes s’est avéré néfaste, il y a quelque chose de nécessairement positif dans la construction de cette église.
L’environnement rural emprunté par Robert Duvall est en contraste avec ce qu’a connu Sonny dans le passé. C’est l’aspect spirituel de la quête de rédemption de Sonny : les champs, les chemins de terre, les modestes maisons nous montrent le besoin de dépouillement et d’authenticité qu’il recherche. Le lieu de l’église lui-même nous révèle la progression de l’arc dramatique du personnage : d’abord vide et impersonnelle, l’église gagne en fidèles et en vie.
Ainsi, l’environnement donne de la texture aux idées.
Très intéressantes observations sur le rôle essentiel de l’arène, cher Williams, comme d’habitude. Cet article faisant d’ailleurs écho à certains de vos articles antérieurs (je m’en aperçois avec le recul car j’ai archivé et classé l’essentiel de vos articles pour les étudier, et j’ai vu que vous aviez déjà abordé ces aspects de manière incidente).
A ce sujet, je vous signale un ouvrage assez peu connu : je me le suis procuré récemment pour compléter la petite encyclopédie que j’ai constituée avec vos articles, et qui à mon avis surclasse largement ceux de Lavandier : Le livre du scénario, de Bernard Trémège.
https://lelivreduscenario.com/
Il m’a coûté 10 euros en version numérique pour plus de 700 pages et je ne regrette pas mon achat, c’est un véritable « must », je vous le recommande si vous ne l’avez pas déjà dans vos sources. Il s’agit d’un cours très complet, précis et agrémenté de nombreux exemples vidéo intégrés (le Pdf énorme « pèse » plus de 3 G0). Attention cependant : Ce n’est pas le genre d’ouvrage qu’on parcourt en 2 mn en diagonale, c’est plutôt un cours à destination d’étudiants en cinéma et il est moins « grand public » que les ouvrages de Lavandier mais aussi beaucoup plus précis et technique. Il faut le lire lentement et à tête reposée et se faire des petites fiches (comme en TD de fac) pour bien apprécier et retenir car c’est très riche et détaillé, mais on n’a rien sans un peu de travail : voilà un outil de formation vraiment exceptionnel qui complète vos articles et qui, entre parenthèses, en souligne la qualité car j’y ai retrouvé confirmation de nombreux concepts que vous nous exposez.
Merci.