AVANT LE TRAITEMENT, LA PRÉMISSE

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Savoir où l’on va avant de se lancer dans un processus d’écriture d’un scénario consiste d’abord à poser sur une page (une limite arbitraire pour s’imposer une rigueur) une espèce de condensé de sa vision, de ses personnages, de la manière dont on s’apprête à raconter (qu’on dénomme aussi le ton). Qu’on l’appelle synopsis ou traitement, ce document d’une page raconte néanmoins une histoire. Et qu’est-ce qu’une histoire ? C’est le récit de ce qu’il arrive à des personnages. Les personnages sont le moyen d’accès à la pensée de l’autrice et de l’auteur d’un récit.
Mais avant le traitement, il y a la prémisse.

D’abord, une prémisse

La prémisse, c’est l’argument d’un récit en devenir. Elle s’écrit en une ou deux phrases. La prémisse est la promesse que vous faîtes à une lectrice et à un lecteur. Elle explique en quelques mots ce que sera votre projet.

La prémisse s’écrit à la troisième personne et au présent :

  • Le patriarche vieillissant d’une dynastie du crime organisé transfère le contrôle de son empire clandestin à son fils réticent.
  • Après qu’un simple vol de bijoux ait terriblement mal tourné, les criminels survivants commencent à soupçonner l’un d’entre eux d’être un informateur de la police.

L’intention de la prémisse consiste à capter l’attention de la lectrice et du lecteur. Si la prémisse échoue, aucune chance ne sera donné au synopsis. Parce qu’on ne consacre pas de temps à ce qui ne nous intéresse pas.

De la prémisse, on tire des personnages, on perçoit une matière dramatique (essentiellement il se dessine une situation conflictuelle dans la prémisse), on ressent déjà une espèce de tension dramatique : Plusieurs événements historiques du 20e siècle se déroulent du point de vue d’un homme de l’Alabama au QI de 75, dont le seul véritable désir est de retrouver son amour de jeunesse.

Une caractéristique importante de la prémisse est qu’elle crée dans l’esprit de la lectrice et du lecteur une image. Cet objet qu’est la prémisse agit sur l’esprit de son interlocuteur improvisé et celui-ci réagit en retour en projetant comme en réaction une image qui n’est point celle de l’objet réel mais une image infléchit par les souvenirs, la mémoire, les expériences, le vécu.
Il y a bien un agir & un réagir, un voir & un reconnaître qui opère à la lecture d’une prémisse. Du succès de cette opération dépend ensuite la décision de la lectrice et du lecteur à vouloir en lire un développement, c’est-à-dire un synopsis (on dit aussi traitement).

Au cœur de la prémisse, il y a un personnage

Dans la Pologne occupée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, Oskar Schindler se préoccupe peu à peu du sort de ses employés juifs après avoir été témoin de leur persécution par les allemands nazis.
L’image se concentre sur Schindler. La lectrice et le lecteur s’investissent déjà sur cette image.

  • Meredith Grey, aspirante chirurgienne dans un hôpital de Seattle, découvre que ni la médecine ni les relations ne peuvent être définies en noir et blanc, mais seulement en nuances de gris.
  • Les demi-frères Nathan et Lucas tentent de faire face à la vie et de se retrouver autour de leur amour pour le basket-ball dans la petite ville de Tree Hill, en Caroline du Nord.
Le personnage & le contexte

Les circonstances dans lesquelles le personnage est jeté par l’autrice et l’auteur constituent le deuxième argument de la prémisse.
Un jeune homme au charme dangereux prend des mesures extrêmes et violentes pour s’immiscer dans la vie des personnes qui l’obsèdent.

Le contexte crée une résonance. Le contexte ébranle souvenirs & mémoire et excite la curiosité.
Un jeune homme est transporté dans le passé, où il doit retrouver ses parents avant que lui-même et son avenir ne cessent d’exister.

Le contexte est par définition psychologique. Un personnage est jeté dans un monde nouveau et nous ressentons par sympathie & empathie le trouble qu’il connaît. C’est cet investissement inattendu qui donne au lecteur et à la lectrice le désir ou le besoin d’en savoir plus.

La prémisse revendique une expérience passionnelle. Nous n’avons vécu ni nous ne vivrons probablement jamais ce que s’apprêtent à vivre héros & héroïne mais le tourment moral que laisse entendre la prémisse est certainement quelque chose que nous reconnaissons.

Le personnage & le contexte sont le point de départ.
La force nécessaire au mouvement pour permettre à l’intrigue de se dérouler se cache dans le verbe qui participe à la description du contexte. S’immiscer, Retrouver désignent un objectif.

Un jeune homme, qui représente le réalisateur Federico Fellini, envisage de manière romantique la vie dans le village italien des années 1930 où le réalisateur a passé sa jeunesse.
Passer sa jeunesse 
: lorsque le verbe ne traduit pas une action, c’est une expression qui s’en charge. Il y a dans ce verbe ou cette expression un objectif & une motivation. Et tout comme dans la vie réelle, porter une motivation, c’est aller à l’encontre de l’intérêt d’autrui qui s’y oppose. La situation conflictuelle qui en découle pressent le drame et partant, le récit de ce drame.

Nous avons tous des désirs et nous savons comme ils peuvent être contrariés. Alors qu’est-ce que peut nous apporter la lecture d’un récit ? Le défi singulier d’un personnage qui se doit à lui-même de surmonter des obstacles, voilà ce qui nous intéresse. Ce n’est pas un problème de moral, on ne nous dit pas ce qui est bien ou ce qui est mal (la dualité est mauvaise conseillère), on nous propose un personnage qui lutte pour s’accomplir.
Et bien que sa situation soit inattendue, car c’est quelque chose qui nous serait totalement passé inaperçu si on ne nous l’avait raconté, elle excite en nous un étonnement.

La prémisse n’est pas le dénouement

La prémisse donne beaucoup d’informations parce qu’il faut qu’elle intéresse. Cependant, elle ne nous donne pas la solution du problème qu’elle soulève. La prémisse cache un mystère.

Lester Burnham, un père de famille de banlieue dépressif en pleine crise de la quarantaine, décide de changer de vie après s’être entiché de la séduisante amie de sa fille.

La prémisse est comme si vous aviez deux personnages dont l’un fait montre d’une fébrilité inhabituelle. L’autre ne perçoit que l’état dans lequel se manifeste le personnage fébrile, c’est-à-dire son attitude et ses paroles.
L’autre cependant ne connaît pas la raison de cette fébrilité. Il ignore ce qu’il se déroule sur l’autre face, intérieure, du phénomène auquel il participe. Et la prémisse nous invite à explorer cette face de l’autre côté du phénomène mais qui, au niveau de la prémisse, demeure un mystère.

Donc, la prémisse ne doit surtout pas dire le dénouement.

Maintenant, il faut comprendre que la prémisse ne consiste pas en les premiers mots de votre projet. Le personnage qui figure dans la prémisse, qu’il soit nommé ou non, est un être que vous fréquentez depuis un moment.

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