UN MÉCHANT ANTIPATHIQUE MAIS SINCÈRE

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Un récit, ce sont des forces qui s’opposent, qui se soutiennent, qui se justifient les unes par rapport aux autres. On explique le mal en le comparant au bien par exemple. On recourt souvent à la comparaison pour s’expliquer le monde.

Un méchant de l’histoire sera ainsi vraiment antipathique. On peut comprendre ce qui le pousse à agir en cherchant dans son enfance (ce sont les premières réponses à trouver lors de l’élaboration d’un personnage).
Ou bien savoir quelles sont ses visées et le pourquoi fait-il cela devient clair par quelques scènes adéquates, néanmoins, il sera plus à sa place dans le monde de l’histoire s’il est perçu comme antipathique. Puisque nous les percevons comme des êtres qui n’inspirent pas la sympathie (bien qu’ils puissent soulever notre empathie), le personnage antagoniste (qui est une fonction du récit) ne se considère pas comme antipathique ou du moins, il croit être sympathique.

Comme tout être humain (c’est-à-dire comme tout sujet pensant), il est pétri de croyances. Notre vécu constitue notre histoire personnelle. D’après l’antagoniste, son point de vue est justifié. Alors l’autrice et l’auteur d’un tel personnage démontrent cette justification.
Le récit d’une fiction est d’abord des arguments qui s’opposent.

Forcer le trait

Lorsqu’on décrit un personnage, on ne peut se contenter de la demi-mesure. Les pensées et les sentiments seront exacerbés. Une séquence autour de la table familiale sera ennuyeuse s’il ressort de cette séquence un sentiment de tranquillité. Le lecteur/spectateur ne se plonge pas dans un récit pour y trouver une espèce de paix ou de sérénité qui peut lui faire défaut dans sa propre vie mais pour se divertir de la banalité de son quotidien.
En revanche, il faut matérialiser en quelques scènes le quotidien (bien que banal) des personnages afin de rendre leur existence et le caractère qui les distingue plus concret, plus sensible.

L’idée que le monde n’est pas un lieu tranquille est sans cesse rappelée en fiction. Les contes, légendes et mythes n’ont eu de cesse de faire naître en nous cette prise de conscience. Les expériences que vit un personnage de fiction nous enveloppe d’une aura singulière et par personnage interposé (car à l’abri des conséquences), nous comprenons ce qu’il ressent ; nous faisons l’expérience d’un ressenti que nous n’avons peut-être jamais éprouvé dans la vraie vie ; néanmoins, nous subissons les émotions et les passions de cet étranger que nous apprenons à connaître.

On peut écrire des métaphores et des paraboles, ce qui ressort d’un récit, ce n’est pas tant la raison que les passions qu’il nous fait subir. Aristote disait que la catharsis nous purgeait de nos passions, que les sentiments obscurs du lecteur/spectateur prennent forme devant la tragédie que subit un héros et ce faisant, nous libère des passions.
Il semblerait plus vrai que l’anagnorisis, c’est-à-dire la prise de conscience par le héros ou l’héroïne eux-mêmes de leur propre situation, soit cette espèce d’illumination apte à faire de l’être humain un être meilleur comprenant mieux les défis que lui impose la vraie vie. C’est peut-être cela la finalité d’un récit, c’est-à-dire pourquoi un récit existe en premier lieu.

Dans un récit néanmoins, il y a un personnage qui porte le masque du méchant. Et alors que la plupart des récits nous conte l’histoire d’un être qui change pour le meilleur (ce peut être aussi une tragédie lorsque le héros ou l’héroïne échouent à la fois à compléter leur objectif (c’est-à-dire un désir) et sur le plan personnel quand ils ne parviennent pas à combler le besoin, le manque qui les caractérise), le masque du méchant est immuable.
C’est dans la nature de la force antagoniste d’être une énergie stable : le récit ne cherche pas la rédemption de l’antagonisme (d’ailleurs pensez seulement au thème de la survie : pouvons-nous vraiment espérer que la nature ne soit plus aussi cruelle ? ).

La volonté du lecteur/spectateur

Pourquoi ne pouvons-nous pas accepter l’absolution des fautes (selon le point de vue éthique des autres personnages ainsi que celui du lecteur et de la lectrice) de l’antagoniste ?

Parce que nous voulons qu’il soit puni. En tant qu’être humain, nous aspirons à un besoin de justice et même si cela paraît paradoxal de vouloir la perte d’un autre être humain, l’humanité a conscience (ou inconsciemment peut-être) qu’elle doit éradiquer le mal qu’elle nourrit elle-même en son sein.

L’antagonisme est une fonction du récit. Celle-ci représente un personnage qui possède une explication pour être ce qu’il est. Son point de vue est un argument contraire à celui du personnage principal et le récit se doit d’être impartial à son sujet.
Le récit expose les deux arguments contraires successivement car ce n’est pas un débat au cours duquel un interlocuteur cherche à convaincre l’autre. Le protagoniste et l’antagoniste agissent séparément, de manière autonome. C’est au lecteur/spectateur de comparer les deux arguments et d’en tirer un jugement de valeur.

Ainsi, la force antagoniste est totalement engagée vers son propre objectif et c’est ce qui la rend admirable. Lorsque nous l’observons, nous jugeons que les actes de l’antagoniste sont mauvais. Pourtant, de son point de vue, ils sont tout à fait justifiés.
Et il a de bonnes raisons de le croire. Un dictateur de fiction, par exemple, n’est pas l’incarnation du mal : son désir est d’apporter de l’ordre dans un monde qu’il juge chaotique car l’humanité telle qu’il la perçoit ne peut survivre dans le chaos.

Un antagoniste pourrait être un être brisé qui veut que cesse sa souffrance. Et il agit en conséquence même si ses actes blessent autrui. Il n’a pas la volonté de faire le mal mais c’est le seul remède qu’il ait trouvé comme soulagement. Que lui importe d’être incompris puisque sa quête est celle de tout être humain.

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