IL ÉTAIT UNE FOIS.. UN RÉCIT

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Il était une fois.. N’est-ce pas là l’essence même, la nature d’un récit ? Nous allons découvrir un lieu (et même certainement plusieurs lieux), élément indispensable dans lequel prend place une série d’événements et, nous en sommes sûrs, nous allons à la rencontre d’au moins un personnage.

C’est une prémisse universelle, donc un archétype. Que propose cet archétype ? Il vous introduit auprès d’un protagoniste (en quelque sorte celui ou celle par qui le scandale arrive) et il vous invite à vous identifier à lui. Du temps d’Aristote, cela consistait à éprouver de la pitié envers ce héros accompagnée de terreur, lorsque, par quelque lien magique entre le lecteur/spectateur et le récit, nous ressentions nous-mêmes, par personnage interposé, cette implication émotionnelle.

Ainsi, le protagoniste devient l’avatar du lecteur/spectateur dans le drame (de drama qui signifie action). En tant que lecteur/spectateur, on est invité à participer à l’action émotionnellement. Lorsque le personnage est en péril, nous nous sentons de même dans la situation et lorsqu’il est aux anges, nous vivons le même bonheur.
C’est probablement magique que d’observer le processus par lequel nos sentiments sont sublimés et qu’en tant que lectrices et lecteurs, nous devenons inextricablement liés au destin de nos homologues fictifs.

Le commencement

Il y a un personnage que nous trouvons à notre portée par une curieuse sympathie (qui n’est pas encore de l’empathie) et le récit débute. Plus tard dans ce récit, nous apprendrons certainement ce qu’il s’est passé pour ce personnage avant le début du récit, c’est-à-dire dans l’histoire (les événements qui ont eu lieu avant le début du récit qui nous est effectivement raconté) et ces informations nous aideront à créer cette empathie dont nous avons besoin pour notre personnage principal.

Il arrive quelque chose à ce personnage et ce quelque chose est très souvent un problème. Plus subtil encore, ce quelque chose peut se présenter comme une opportunité que le personnage ne peut pas ne pas saisir (Jack s’est emparé du haricot magique comme une opportunité de sortir de sa misère).
Le problème se déguise souvent sous des apparences trompeuses et le héros ou l’héroïne devront apprendre à soulever le voile de cette illusion.

Cet incident est dénommé déclencheur parce qu’il chamboule littéralement la vie ordinaire du personnage principal. Le protagoniste a maintenant un problème qu’il doit résoudre s’il veut retrouver cet équilibre perdu : Alice doit retourner dans son monde, dans sa propre réalité ; parfois un compte-à-rebours se greffe sur l’objectif : une bombe doit être désamorcée avant qu’elle n’explose.

Après quelques hésitations, le personnage principal décide de prendre en charge son problème et de tenter de le résoudre. C’est son objectif au vu et su de tout le monde : les autres personnages mais aussi le lecteur/spectateur.
Mais cet objectif serait bien ennuyeux s’il n’y avait quelque chose de plus passionnant à observer : le personnage principal (parfois cela arrive dans le même coup à d’autres) est appelé à changer car au cours de son périple, il est bien rare qu’il ne découvre sur lui-même des vérités cachées, qu’il voulait inconsciemment cachées.

On parle beaucoup de mimésis, c’est-à-dire que la fiction serait en fait une imitation de la vie. Vraisemblance est aussi utilisée. Quoi qu’il en soit, comme dans la vie réelle, le chemin parcouru est parsemé d’obstacles, d’une série de difficultés. Notez le terme série, il ne s’agit pas d’une répétition mais d’une succession de faits souvent liés logiquement. La vie réelle semble vouloir se répéter, comme si parfois nous étions pris dans un cycle, condamné à sembler revivre le même événement ; cependant, deux faits ne peuvent jamais vraiment être identique.

Le héros ou l’héroïne connaîtront un vrai moment de désespoir. Et cela sera presque certainement suivi d’une résurrection de dernière minute, d’une bataille finale contre l’adversité, et la victoire arrachée des mâchoires de la défaite.
Maintenant, vous pouvez suivre ce schéma ouvertement ou plus subtilement comme dans Des gens comme les autres ou réagir contre ce modèle comme dans Weekend de Jean-Luc Godard.

Un protagoniste

Il est l’individu au cœur du récit. Parfois, il faut une attention un peu plus soutenue pour l’identifier mais certainement, le protagoniste est le personnage que le lecteur/spectateur suivra passionnément, c’est-à-dire bien plus que d’observer des actions.

Cela ne signifie pas que la lectrice et le lecteur doivent nécessairement apprécier ce qu’il fait. Les raisons sont diverses pour justifier un acte mauvais et être le héros ou l’héroïne d’un récit ne fait pas d’un personnage un être nécessairement bon. S’il n’y a rien de mal en eux, rien pour nous offenser, alors il n’y a presque certainement rien pour attirer notre attention non plus.

Beaucoup plus intéressantes sont l’imperfection, les ténèbres, et nous aimons ces choses parce que même si nous ne voulons pas l’admettre consciemment, elles touchent quelque chose de profond en nous. La clé de l’empathie ne réside donc pas dans le bon comportement. Elle ne réside pas non plus dans la compréhension des motifs. Il est possible que si nous savons pourquoi les personnages font ce qu’ils font, nous les comprendrons davantage et partant, éprouveront envers eux une certaine affection. Toutefois, il s’agit là d’un symptôme de l’empathie, et non de sa cause première.
L’empathie réside dans la capacité du personnage à accéder à notre inconscient et à s’y lier.

Pourquoi apprécions-nous davantage un personnage plutôt qu’un autre ? Parce que, sans que nous ayons à le juger, nous apprécions qu’il brise les règles, qu’il refuse d’être normé. Nous aimerions tellement pouvoir en faire autant.
Ainsi, autrices et auteurs peuvent nous obliger malgré nous à nous connecter à tous types de personnages sans que nous ayons à les juger. Un protagoniste peut être mauvais si le récit l’exige.

Mais pourquoi le nomme t-on protagoniste, d’après sa fonction dans le récit ? Parce qu’essentiellement, il a quelque chose à accomplir. Le protagoniste s’arc-boute sur un objectif. Il a peut-être tort ou raison de poursuivre cet objectif mais cet objectif, ce désir, doit être présent.

C’est par son désir que nous nous accrocherons au personnage. Nous apprendrons progressivement à le découvrir mais s’il n’y a pas cette volonté qu’est la sienne de vouloir quelque chose, quel intérêt aurions-nous à nous laisser entraîner par lui ? La volonté est une force irrésistible aussi bien chez autrui qu’en nous-mêmes.
La volonté du protagoniste est le point d’entrée du lecteur/spectateur dans le récit. Il est important que l’objectif soit déterminé au cours du premier acte pour que nous donnions du sens, en tant que lecteur/spectateur, à ce qu’il fait.

L’analepse est souvent utilisée pour expliquer ce qu’il s’est passé avant le début du récit, dans l’histoire personnelle du personnage, afin que nous comprenions mieux ce qui l’anime maintenant. La raison en est non pas tant d’éclaircir une quelconque situation mais pour créer une proximité nouvelle avec le personnage et en quelque sorte de se fondre en lui par la reconnaissance : le personnage a perdu l’être qu’il aimait profondément ; nous avons apprécié l’évolution de leur relation et nous ferons bien plus que de constater la souffrance du personnage. Nous l’éprouverons aussi parce que nous y aurons été préparés.

Un antagonisme

Joseph Campbell l’a démontré : le personnage principal franchira le seuil qui le sépare de son monde ordinaire vers un monde inconnu de lui. Mais on ne quitte pas ses habitudes sur un coup de tête. Quelque chose d’extérieur à nous nous oblige à entrer dans ce nouveau monde : et ce peut être un haricot géant ou une simple lettre.

Seulement toutes les actions ont des conséquences et celles-ci provoquent des obstacles à notre volonté. Ces conséquences et les obstacles concomitants seront des forces antagonistes. Ce n’est pas un obstacle singulier qui importe mais l’accumulation de ceux-ci à partir de ce moment initial, au fur et à mesure que l’on se dirige vers l’apogée du récit.

L’antagoniste est la chose ou l’individu que le protagoniste doit vaincre pour réaliser son objectif. Est-ce la pauvreté qui empêcherait un individu de donner à sa vie du sens ou ne serait-ce pas plutôt sa tendance à accepter une situation dont il craint de sortir ? L’individu serait alors son propre antagoniste.

Une force antagoniste ne peut être posée là parce qu’il faut qu’elle le soit. Il faut justifier sa présence et plus l’auteur et l’autrice travaillent leur méchant de l’histoire et plus le récit prendra de profondeur psychologique. Parce que la force antagoniste incarne ce qui manque chez le personnage principal. Les désirs qui les anime tous deux peuvent être fort différents ou tendre vers un même but : qu’importe l’opposition qui caractérise leur relation si tous deux possèdent en eux ce qui manque chez l’autre.

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