ÉCRIRE L’HORREUR : OSEZ L’INCONNU

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Écrire l’horreur, c’est faire face à nos idées de l’inconnu qui se manifeste paradoxalement dans les ténèbres. En effet, comment affronter ce qui est en nous et que nous projetons vers l’extérieur et qui se réfléchit contre l’obscurité pour frapper en retour nos sens ?

Écrire n’est peut-être pas la catharsis souhaitée mais reconnaître ce qui nous terrifie précisément parce que cela est informe, c’est vouloir donner une forme à ce qui est insaisissable. Ces représentations peuvent être terrifiantes, et elles le sont certainement ; elles ont le mérite, cependant, à défaut de pouvoir les nommer, de nous donner les moyens de les vaincre.

Ce qui est étonnant avec les représentations de l’horreur est que l’artiste, l’artisan de son œuvre, dépeint, et dans notre cas raconte, des gens ordinaires aux prises avec l’extraordinaire et le surnaturel.

Parce que ce ne sont pas les monstres (terme générique pour nommer l’ineffable) qui nous attire en tant que lectrices et lecteurs de l’horreur, ce sont les personnages et leurs luttes intérieures et extérieurs qu’ils doivent mener pour vaincre leurs propres peurs.
Et nous nous identifions à eux parce que pouvoir nommer ou concrétiser nos propres angoisses procure un certain soulagement.

Écrire l’horreur

Ce ne sont pas les événements que l’on raconte qui compte mais les personnages qui les vivent. L’horreur se fonde d’abord sur les personnages.
Travaillez vos personnages, écrivez-leur une courte biographie. Vous pourrez ainsi mieux expliquer l’isolement dans lequel vous les placez. En effet, la clef est que votre personnage soit coupé du monde d’une façon ou d’une autre.

Ce peut être un lieu physique : louer une maison à l’écart du village par exemple parce que cela crée une rupture avec la communauté de l’endroit en question ou bien être pris au piège dans un lieu qui semble animé d’une intention certaine à vous retenir prisonnier ou encore cet isolement peut être simplement le fait que le personnage ne peut plus communiquer avec l’extérieur.

Perdre le sens de la réalité, se laisser submerger par ses propres faiblesses ou manques, en un mot se couper des autres peut aussi isoler mentalement ou spirituellement un personnage.

L’horreur apparaît parce que rien ni personne ne peut donner une explication à ce qu’il se passe. Ainsi, il y a un retour sur soi ; c’est en nous que nous cherchons les raisons des événements surnaturels. C’est la proximité avec notre propre réalité qui est horrifique : l’horreur est à notre portée.
Et en tant qu’autrice et auteur, on s’interroge d’abord sur soi-même.

Ensuite, on s’interroge sur les autres. Quelles sont leurs phobies, par exemple ? Elles peuvent être rationnelles comme être effrayé par les hauteurs (un gratte-ciel peut provoquer un malaise lorsque le regard n’en finit plus de s’élever) ou irrationnelles comme la peur des araignées.
Une répulsion est un moyen de défense contre ce qui nous effraie. On évite de confronter ce qui nous répugne parce qu’on le craint. En outre, un grand nombre de nos émotions négatives, telles que la colère ou la haine, proviennent de ce concept initial de la peur, jusqu’au dégoût.

Les personnes qui vous entourent vous donneront des idées auxquelles vous n’auriez peut-être pas pensé, à la fois dans ce qu’elles font et ce qu’elles disent, et surtout dans ce qui leur fait peur et la façon dont elles gèrent cette peur.

Ce qu’il se passe dans le monde

Le monde nous offre incessamment des images et des histoires effrayantes. Celles-ci peuvent être une source d’inspiration. La moindre transgression recontextualisée pour servir votre monde fictif deviendra l’atome narratif duquel irradiera les actions de vos personnages.

Il sera difficile néanmoins de préserver l’intérêt du lecteur/spectateur si vous êtes dans la répétition. Une agression sexuelle est un fait terrible, impardonnable et qui doit être puni. Mais retranscrire cette malheureuse actualité telle quelle dessert la fiction.
Au contraire, montrez que l’agresseur est une entité maléfique, décrivez la suspicion qui entoure la victime incapable de désigner qui l’a torturée.. On la soupçonne, on l’innocente, on la soupçonne de nouveau, on l’innocente encore : la confusion créée renforce la question dramatique concernant la vérité. Votre approche narrative en sera plus passionnante. Vous contez une histoire horrifique alors en exagérant les conditions, vous accrochez mieux votre interlocuteur car s’il entend ce qu’il sait déjà, quel intérêt peut-il avoir à vous entendre ?

Un thème important dans l’horreur est celui de la famille, plus précisément le lien affectif. Plus ce lien est puissant et plus la menace sera efficace. On craint souvent plus pour ceux que l’on aime ou que l’on apprécie que pour soi ou pour un étranger.

C’est par le sentiment et l’action qu’il implique que l’on démontre que l’être aimé est en danger. Par exemple, lorsque la menace s’approche de l’être aimé, le héros peut rester pétrifié saisi par la prise de conscience soudaine qu’il n’est pas de force égale contre le danger présent. Ou alors lorsqu’un être cher montre les signes d’une possession maléfique, le personnage principal peut demeurer incrédule, parce qu’il ne peut accepter que cet être aimé ait succombé.

Le lien affectif peut se construire progressivement au cours du récit ou être déjà actuel lorsque le récit commence mais cependant, il est nécessaire parce que l’étranger est soumis à l’indifférence. Un personnage peut réagir au-delà de ce qu’il se croyait être capable pour défendre un être proche, rarement pour un inconnu.

À quel moment la peur céderait-elle la place à la colère ou aux instincts protecteurs ? La peur se communique mieux lorsque les personnages affrontent le danger qui menace leur monde.

La peur décide des choix

La peur guide beaucoup de nos choix dans la vraie vie. Et même si la fiction n’est pas une imitation parfaite de la réalité car elle est toute en exagération, elle amplifie l’effroi qu’il soit d’un sentiment de perte, ou celui de la culpabilité ressentie autant de céder à un prêt pour se sortir d’une situation difficile que de porter le fardeau de la mort d’un proche ; la peur de ne pas se sentir à la hauteur, de n’être pas à sa place dans la société fait parfois prendre des décisions contraires à nos intérêts et le sentiment d’insécurité peut nous mener aussi à des actes injustifiés (la passion, belle parfois, est un aiguillon bien plus pénétrant que la raison).

Quelle que soit l’étape de la vie à laquelle vous vous trouvez, il y a toujours quelque chose à craindre, et les choix que nous faisons quotidiennement reflètent la façon dont nous gérons ce sentiment. Je l’avoue, certains s’en sortent mieux que d’autres.
Bien que cela puisse être une réalité difficile à admettre, nous pouvons utiliser nos peurs dans notre écriture pour à la fois motiver et inhiber nos personnages, comme quelque chose auquel ils céderont ou qu’ils parviendront à surmonter ; il peut y avoir des degrés dans la tentation tout comme on ne sort jamais indemne d’une épreuve dominée.

La condition du choix est l’immédiateté de la menace. Ainsi est légitime la peur irrationnelle qui s’empare aussi bien de nos personnages que de nous-mêmes. La passion triomphe de la raison lorsque la proximité du danger nous empêche de raisonner.
Une façon d’utiliser cela dans vos histoires d’horreur est de préfigurer ce qui pourrait arriver. Cette anticipation fonctionne assez bien par les dialogues. Faites exprimer par vos personnages les pires spéculations en tant que motivations de leurs actions et progression de l’histoire. Comme l’avait remarqué Alfred Hitchcock, il n’y a pas de terreur dans le bruit, seulement dans l’anticipation de celui-ci.

Tout comme le thème de la famille, un des éléments de l’horreur est l’idée de ténèbres. En effet, autrices et auteurs de l’horreur utilisent cette sensation primale qu’est la peur du noir. Celle-ci est plus ou moins intense suivant les individus mais elle existe réellement comme part de notre conscience collective.

Ce n’est pas l’obscurité en elle-même qui est effrayante. Ce sont plutôt les représentations que l’on s’en fait. C’est étrange comme cette opacité reflète autant d’images, de pensées et même de souvenirs..

Exploitez cette peur primitive de l’homme des cavernes face à l’inconnu qui nous a été transmise sur le plan génétique depuis que nous nous sommes blottis dans nos grottes pour la première fois de peur d’être dévorés et utilisez-la à votre meilleur avantage dans vos histoires d’horreur.

Hors contrôle

L’isolement nous sépare de la communauté. En soi, c’est déjà un problème. Mais il y a plus : nous dépendions de la communauté pour notre survie.

Dans l’isolement, nous sommes confrontés à nous-mêmes. Explorez cette idée avec vos personnages. Qu’ils soient coupés du monde et doivent faire face à l’inconnu sans aide ni technologie ni même un ensemble de compétences décent. L’antagonisme quel qu’il soit se présente toujours d’une force supérieure à celle de l’héroïne et du héros qui devront trouver en eux leurs propres moyens de défense.

Il y a une sorte de thème universel en jeu ici, avec lequel la plupart d’entre nous peuvent s’identifier, car bien que nous ne soyons pas confrontés à des monstres ou à des extraterrestres dans la vie réelle, tous les défis quotidiens que nous traversons se résument à nos propres capacités et à notre propre volonté de les affronter.

L’horreur n’est pas seulement une démonstration de gore. Un exorcisme peut être visuellement très éprouvant. Cependant, ce sont les vicissitudes du prêtre qui ajouteront de la profondeur au récit. Choquer son lecteur/spectateur est un ingrédient du récit horrifique mais afin de le maintenir dans l’histoire, une certaine profondeur psychologique est nécessaire.
Plongez vraiment dans la complexité des émotions que vos personnages ressentent au cours de l’intrigue. L’horreur est l’occasion de faire réfléchir votre lecteur/spectateur sur les questions sociales et sociétales, ainsi que sur la nature humaine et d’autres facettes de notre monde, alors ne vous retenez pas !

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