EMPATHIE, VOUS AVEZ DIT EMPATHIE ? – 3

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L’empathie ne recouvre pas seulement des sentiments et des passions fondées sur la souffrance d’autrui. Lorsque le personnage est dans une certaine situation, nous nous surprenons à l’inciter à réagir d’une certaine façon, à l’encourager dans une certaine action.
Car cette situation dans laquelle il est jeté (ou bien à cause de ses actes et choix antérieurs) est une situation dans laquelle nous nous imaginons facilement. Et cette prise de conscience provoque de l’empathie. C’est admettre qu’au fond, nous ne sommes pas si différents du personnage dont nous lisons ou voyons les aventures.

Certes, pour que cette forme d’empathie fonctionne, la lectrice et le lecteur doivent être en mesure de reconnaître, de comprendre et de s’identifier à l’ensemble des circonstances qui ont conduit un personnage à ce qu’il est et à l’endroit où il se trouve à un moment donné.
S’ils ne comprennent pas comment un ensemble de circonstances similaires aurait pu les amener à agir de la même manière, ils ne se reconnaissent pas dans les réactions du personnage et n’éprouvent donc aucune empathie pour lui. Pour que ce type d’empathie fonctionne, nous devons au moins comprendre implicitement comment les choses en sont arrivées là.

La ressemblance

Nous pourrions même soumettre le personnage à une grave critique si nous reconnaissons qu’il la mérite. Pour pouvoir provoquer de l’empathie envers ce personnage, une technique consiste à faire en sorte que les personnages qui l’entourent soient encore pires que lui. De cette façon, chacun méritera les mauvais traitements que le personnage principal lui inflige, même s’ils sont méprisables.

Comme les actions sont relatives, votre personnage aura l’air d’un ange par rapport à ceux qui l’entourent. Nous nous identifierons à sa situation (être entouré d’imbéciles ou de salauds) et, par conséquent, nous aurons de l’empathie pour ses actions.
Faire preuve d’empathie à l’égard d’une situation ou d’une circonstance ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse d’une circonstance provoquée par des difficultés. Nous éprouvons de l’empathie pour les petites situations insignifiantes dans lesquelles la majorité d’entre nous se retrouve. Nous avons également de l’empathie pour les actions que nous faisons en privé mais que nous gardons souvent cachées en public. Par exemple, dans Le Monde de Nemo, le dentiste parle aux poissons dans son cabinet. Il nous arrive presque tous de parler à nos animaux de compagnie, parfois juste comme une excuse pour ne pas avoir l’impression de se parler à soi-même. Ces petits moments nous sont liés et créent de l’empathie.

Parfois, nous aimons tout simplement quelqu’un pour sa bonne âme. Nous ressentons une harmonie. Un personnage peut être un travailleur acharné. Nous aimons cela. Il peut être poli, bien élevé et attentionné. Il peut faire des efforts pour aider les autres et chercher à servir sa communauté. Toutes ces actions nous amènent à avoir de l’empathie pour le personnage et à l’admirer.
Il ne faut pas créer un personnage parfait. Personne n’aime la perfection, car ce n’est pas la vérité. Ce n’est pas la réalité. Personne n’est parfait et être parfait, c’est ne pas être humain. Laissez donc votre personnage faire de bonnes actions et gagner un peu de sympathie, mais n’oubliez pas qu’il doit aussi avoir une faiblesse fondamentale. Les êtres humains sont souvent paradoxaux.

Karl Iglesias a dénombré quelques traits de personnalité ou de faits qui permettent la sympathie et crée ainsi l’antichambre pour l’empathie :

  • Aider les autres, en particulier les moins fortunés
  • Être aimé des enfants
  • Aimer les animaux ou être aimé des animaux
  • Se repentir ou pardonner
  • Risquer sa vie ou mourir pour le bien des autres (c’est-à-dire se sacrifier ou être prêt à se sacrifier)
  • Se battre ou mourir pour une cause juste
  • Être éthique, moral, digne de confiance, loyal et responsable
  • Prendre soin d’autrui
  • Être nécessaire pour les autres
  • Faire preuve d’humanité dans les moments privés
Comprendre l’autre

L’empathie ne consiste pas seulement à s’identifier à un personnage, mais aussi à le comprendre. Il ne suffit pas qu’un personnage soit fascinant et qu’on projette nos fantasmes à travers lui, il faut aussi comprendre pourquoi il fait ce qu’il fait. Nous devons comprendre la cause des actes du personnage. C’est une chose simple et ce n’est pas la cause de l’empathie elle-même, mais c’est un élément crucial pour créer et maintenir un lien avec un personnage avatar, c’est-à-dire dans lequel nous nous reconnaissons.

Les croyances, les valeurs, les peurs et les désirs des personnages sont les véritables motivations de l’action. Comprendre les croyances et les peurs d’un personnage est un pas vers la compréhension de ses motivations. Et ce n’est que par une révélation de soi qu’un personnage change ses croyances, ce qui entraîne un changement de comportement. Le protagoniste doit être psychologiquement capable de faire ces révélations. Ainsi, les convictions d’un personnage se forgent et s’affirment au cœur d’une crise.
Et en effet, la crise est une étape structurelle importante du récit car, souvent, l’héroïne ou le héros ne connaissent pas encore les véritables motivations qui les font agir. Ce ne sera qu’après les tribulations de l’acte Deux (l’espace de l’intrigue et des épreuves) et une descente aux Enfers qu’ils découvriront par eux-mêmes ce qui les motive vraiment, ce dont ils ont vraiment besoin.

Dans la plupart des cas, les motivations qu’elles soient justes ou erronées doivent être établies assez tôt dans l’histoire. Si nous restons trop longtemps perplexes sur les motivations d’un personnage, nous courons le risque de perdre notre lien empathique avec lui. Nous perdons la capacité de pouvoir nous insérer psychologiquement avec son esprit. Notez que la motivation n’a pas besoin d’être explicitement expliquée. Elle peut être implicitement suggérée ou démontrée par des comportements et des actions.

Si, à un moment donné, les actions de notre avatar s’éloignent trop de ce que nous ferions dans un tel moment, le lien entre nous et lui (c’est-à-dire notre capacité à rester psychologiquement immergés dans l’histoire) se délite et peut même être rompu. Nous avons donc tendance à perdre la capacité de nous identifier à un personnage lorsque celui-ci fait des choses qui n’ont pas contextuellement de sens (soit parce que nous ne comprenons pas la motivation derrière l’action, soit parce que l’auteur ou l’autrice n’ont pas réussi à créer une action contextuellement crédible compte tenu de ce que nous savons).

Nous pouvons nous imaginer faire des choses assez terribles, à condition qu’elles soient justifiées (c’est-à-dire qu’avec un cas particulier, des informations et des motivations, nous pouvons nous voir faire la même chose, que ce soit par désir ou par nécessité justifiée). Connaître les motivations d’un personnage est donc un symptôme de l’empathie, et non la cause de celle-ci.

En général, nous devons comprendre la motivation et le contexte lorsque notre substitut émotionnel effectue une action immorale afin de maintenir le lien, mais nous n’avons généralement pas besoin d’informations sur sa motivation et le contexte lorsque ce substitut effectue une action morale.
La compréhension d’un personnage n’est rendue possible que par notre empathie (par notre capacité à nous mettre dans la peau du personnage), bien que cette compréhension ne soit pas la cause de notre empathie. La cause de l’empathie est la reconnaissance d’une partie de ce que nous sommes ou de ce que nous aimerions être, ou la reconnaissance et la capacité de s’identifier à une situation ou à un combat auquel un personnage est confronté.

La clé de l’empathie

La clé de l’empathie, constate John Yorke, ne réside donc pas dans les bonnes manières ou le bon comportement. Elle ne réside pas non plus, comme on le prétend souvent, dans la compréhension des motivations. Il est certainement vrai que si nous savons pourquoi les personnages font ce qu’ils font, nous les aimerons davantage. Toutefois, il s’agit là d’un symptôme de l’empathie, et non de sa cause première. L’empathie réside dans sa capacité à accéder et à se lier à notre inconscient.
On peut donc ne pas être d’accord avec les actions que nous voyons ou que nous lisons bien que nous les comprenions. John Truby complète cette analyse en expliquant que pour maintenir l’intérêt du lecteur/spectateur pour un personnage, même s’il n’est pas sympathique ou s’il commet des actes immoraux, il suffit de lui montrer les motivations du héros ou de l’héroïne.

Montrez pourquoi votre personnage agit comme il le fait. Si vous montrez à la lectrice et au lecteur pourquoi le personnage choisit de faire ce qu’il fait, il comprend la cause de l’action, ce qui engendre l’empathie, sans nécessairement approuver l’action elle-même, ce qui susciterai alors de la sympathie.

Une fois créé, le lien empathique, qui garantit l’immersion dans le récit, a tendance à s’estomper. L’empathie n’est pas une proposition unique. Il est faux de croire qu’une fois posée dès le premier acte, l’empathie envers le personnage principal durera. L’empathie, comme tant d’autres choses, doit être constamment renforcée ou elle sera perdue. La loi de l’entropie qui fait que tout s’use s’applique et le lien s’estompe avec le temps. C’est particulièrement vrai après qu’un personnage a commis trop d’actions immorales (notamment juste avant le point culminant du récit).

Certes, une fois lancée, l’empathie courre sur son erre, mais nous aurons besoin d’une raison pour éprouver à nouveau de l’empathie pour le personnage.

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