CAMPBELL : ESSAI D’EXEGESE – PART 4

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Paragraphe tiré de The Hero with a thousand faces (Part 1 The Adventure of the Hero – Chapter 1 Departure – 1. The Call To Adventure) de Joseph Campbell.

The disgusting and rejected frog or dragon of the fairy tale brings up the sun ball in its mouth; for the frog, the serpent, the rejected one, is the representative of that unconscious deep (“so deep that the bottom cannot be seen”) wherein are hoarded all of the rejected, unadmitted, unrecognized, unknown, or undeveloped factors, laws, and elements of existence. Those are the pearls of the fabled submarine palaces of the nixies, tritons, and water guardians; the jewels that give light to the demon cities of the underworld; the fire seeds in the ocean of immortality which supports the earth and surrounds it like a snake; the stars in the bosom of immortal night. Those are the nuggets in the gold hoard of the dragon; the guarded apples of the Hesperides; the filaments of the Golden Fleece. The herald or announcer of the adventure, therefore, is often dark, loathly, or terrifying, judged evil by the world; yet if one could follow, the way would be opened through the walls of day into the dark where the jewels glow. Or the herald is a beast (as in the fairy tale), representative of the repressed instinctual fecundity within ourselves, or again a veiled mysterious figure—the unknown.

La crapaud ou le dragon répugnant et rejeté du conte de fées rapporte la balle d’or de la princesse en la tenant dans sa gueule ; car le crapaud, le serpent, le rejeté, est le représentant de cette profondeur inconsciente (si profonde que l’on ne peut en voir le fond) où sont amassés tous les éléments, causes, principes et lois de l’existence mais rejetés, non admis, non reconnus, inconnus ou non développés. Ce sont les merveilles des légendaires palais sous-marins des nixes, des tritons et des gardiens des eaux ; les joyaux qui éclairent les cités démoniaques des enfers ; les graines de feu de l’océan d’immortalité qui soutient la terre et l’entoure comme un serpent ; les étoiles comme suspendues dans la nuit éternelle.
Ce sont les pépites d’or du trésor du dragon, les pommes d’or protégées par les Hespérides, les filaments de la Toison d’or. Le héraut ou l’annonciateur de l’aventure est donc souvent sombre, répugnant ou terrifiant, jugé mauvais par le monde ; pourtant, si l’on pouvait le suivre, un chemin s’ouvrirait dans le mur du jour qui nous sépare de l’obscurité où brillent les joyaux. Ou bien le héraut est une bête (comme dans les contes de fées), représentant l’instinctive animalité réprimée en nous-mêmes, ou encore une figure mystérieuse voilée – l’inconnu.

Pour Joseph Campbell, une autorité en matière de mythologie et un jungien, la crapaud du conte féerique symbolise l’inconscient, qui paraît effrayant mais qui, lorsqu’il est assimilé par l’ego conscient, se révèle pour ce qu’il est – la psyché totale, belle et vraie.

Par rejected, Campbell entend le refus de la vie.

La crapaud et le serpent représentent notre inconscient qui se manifeste à mesure que nous mûrissons. Ce sont nos éléments profonds, inexplorés, non admis, non reconnus, sous-développés de l’existence. Nos désirs et nos curiosités qui nous font commencer à remarquer des choses.

Dans son magnum opus, The Hero with a thousand faces, Joseph Campbell appelle cela l’appel à l’aventure (Call to Adventure).
Celui qui lance cet appel à l’aventure est la vilaine grenouille, le méchant serpent qui bouleverse le statu quo. C’est cette partie animale de l’homme, notre animalité, notre nature animale (mais non notre condition humaine) assoiffée de liberté et de créativité sans cesse renouvelée.

Une sorte d’esprit des ténèbres qui peut nous amener à voir des choses que nous ne pouvons pas ne pas voir ; à réaliser que nous sommes nus ; à enlever l’innocence de la belle princesse.

Un instinct réprimé

L’appel a lieu lorsque par quelque hasard nous sommes un peu distraits dans nos affaires habituelles. Lorsque nous nous éloignons un peu des barrières si protectrices et si illusoires qui nous enserrent. Comme ces pêcheurs épuisés qui ont reçu l’appel très vivifiant de devenir des pêcheurs d’hommes.

Nous sommes tous appelés à l’aventure. L’appel à aller au-delà de la norme, au-delà des attentes de la société et des palissades qui nous entourent. Le destin nous appelle. Chaque fois que nous entendons cet appel, nous avons toujours un choix à faire. Soit de tenir compte de cette exhortation, soit de la nier.

Accepter le Call to Adventure ne signifie pas que nous connaîtrons la félicité comme la petite princesse. Nous pourrions aussi connaître la détresse comme Eve et Adam. Mais Refuser cet appel signifie que nous ne le saurons jamais.

Notez dans la construction du paragraphe comme Joseph Campbell crée une antithèse entre la lumière (merveilles, joyaux, graines de feu, étoiles puis l’or, trois fois répétées) et l’apparence du héraut qui enjoint enfin à atteindre la lumière.
Car la toute première réaction qu’il suscite en nous est la répugnance.

Le héraut, cet archétype

Les archétypes sont transmissibles à travers le temps et les cultures. Cela est dû à l’inconscient collectif ou à une partie de l’inconscient incorporant des modèles de souvenirs, d’instincts et d’expériences communs à toute l’humanité, comme l’a prédit le psychologue suisse Carl Gustav Jung.

L’archétype du héraut invite le personnage principal à répondre au Call to Adventure. En fait, il l’incite à agir. Mais le personnage principal s’y refuse car cette répugnance est précisément ce qu’il craint de lui-même.

Le héraut n’est pas un mentor car ce dernier est incarné alors que le héraut bien qu’il puisse être lui-même revêtu de chair comme le crapaud du conte, il peut être un objet façonné du monde (comme pourrait l’être un anneau) ou bien encore une circonstance indépendante de la volonté humaine tel un fléau naturel interprété comme une volonté autre, une sorte de révélation.

Lorsque le héraut est bon, il encourage le héros ou l’héroïne à entreprendre un voyage important au cours duquel ils chercheront à obtenir justice ou à sauver le monde.
Cependant, le héraut peut aussi avoir des intentions malveillantes et être déterminé à induire le protagoniste en erreur et à le mettre sur une fausse piste. Il s’agit d’une caractéristique particulièrement courante dans les romans policiers, où une victime apparente d’un crime induit délibérément en erreur un enquêteur et le met sur une fausse piste afin de dissimuler son propre crime.

Un héraut peut cependant être neutre vis-à-vis du récit et ne concerner que l’exposition du personnage principal. Le héraut est en fait le signal qui déclenche la prise de conscience intérieure qu’un changement est nécessaire, que les choses ne peuvent pas continuer comme elles l’ont fait jusqu’à présent et qu’il faut agir.

Il signale aux personnes concernées que leur monde est déséquilibré, qu’il est incomplet. Ce sont ces walls of day, ce mur du jour qui projette son ombre portée par la conscience et jette l’obscurité sur toute une partie de nous-mêmes que nous rejetons.

hérautConcrètement, un exemple de héraut serait Effie Trinket des Hunger Games : en effet, Trinket tire au sort Primrose, la sœur de Katniss forçant ainsi cette dernière à prendre sa place car Primrose n’aurait pas survécu aux jeux. Campbell le précise : le héraut est un annonciateur de l’aventure.

une figure mystérieuse voilée – l’inconnu.

Il est possible d’expliquer figure par effigie, c’est-à-dire une représentation partielle, parfois idéale manquant du sérieux qu’apporte le réalisme. Le mot figure est lié aux arts plastiques, aux formes et aux créatures et objets. Figure et forme furent alors confondues bien que la figure soit comme un moule creux dont on tirait des formes pleines.
La figure est-elle une abstraction ? Platon et Aristote en parlait comme eidos, que l’on peut comprendre comme essence. C’est-à-dire que la figure serait cette forme comme modèle, archétype et en conséquence universelle. La figure est différente de ce que nous percevons par nos sens. Nos sens nous renvoient la matière dont la figure se remplit mais la figure est inaccessible, seule la matière est perçue.

Si l’on compare la figure à un moule, la matière ne se donne pas de manière chaotique, la forme est ainsi informée par la figure. Elle est la structure qui soutient la forme ; sans la figure, la forme s’effondre.

Comme il n’y a pas lieu d’opposer figure et forme, la figure est devenue la forme extérieure et perceptible. Néanmoins, cette figure demeure universelle, renvoie à des lois et des modèles partagés par le plus grand nombre. Ainsi, le sens de figure empiète sur d’autres significations : la statuaire, l’imago au sens où la psychanalyse le comprend, l’effigie bien sûr et aussi species dans son sens latin : apparence, forme, représentation, portrait, image et aussi simulacre, faux-semblant.

hérautLa portée sémantique du vocable figure est donc assez large et rayonne dans des domaines variés. Bien que l’on mentionne la figure lorsqu’on aborde la statuaire ou le portrait, la figure n’est pas immuable. Elle est un instant parmi d’autre ce qui lui confère un dynamisme. Considérons par exemple ce bronze de Zeus ou de Poséidon : ce mouvement qui le caractérise est un instant que l’art du sculpteur a défini comme idéal parmi tous les instants qui l’ont précédé et tous les instants qui le suivront.
Indépendamment du sujet qu’elle représente, la figure est le modèle absolu (sans comparaison) mais demeure un instant parmi une infinité d’instants.

Modèle et copie

Avec le concept de modèle vient celui de l’imitation. Ce n’est pas une imitation du réel. C’est une figure fantomatique, inconnue et mystérieuse précise Joseph Campbell.

Sur l’inconnu, la question est de savoir quand connaissons-nous ce que nous connaissons ? Les réponses données furent très souvent peut-être trop souvent épistémologiques. Lumières et ténèbres sont métaphoriquement employées pour désigner ce qui est connu de ce qui est inconnu. Pour Campbell, il existe un inconnu relatif. Cet inconnu particulier est représenté, psychologiquement, par le contenu de l’inconscient ; sociologiquement, par la dynamique de l’Histoire ; et au niveau cosmologique, par les forces de l’univers.

Il poursuit en associant ce type d’inconnu au terme sanskrit parokṣa, qui se traduit par au-delà ou plus haut que la portée de l’œil, non immédiatement perceptible par la conscience éveillée, mais parfois perçu par les saints et les sages en vision.

Il existerait aussi un inconnu absolu. Cet absolu est décrit dans le Tao (le principe qui engendre tout ce qui existe, la force fondamentale qui coule en toutes choses de l’univers) comme ce qui est nommé ne peut être le vrai Tao. Saint Thomas d’Aquin précise car c’est alors seulement que nous connaissons vraiment Dieu, lorsque nous croyons qu’il est bien au-dessus de tout ce que l’homme peut penser de Dieu.

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