L’ÉCRITURE S’APPREND

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L’apprentissage de l’écriture de scénarios tire grand avantage de la lecture des scénarios d’autrui. Il y a les grands classiques qui sont indispensables mais les scénarios récents sont aussi révélateurs des tendances actuelles.

L’importance de comprendre l’écriture d’auteurs et d’autrices reconnus, c’est comme de savoir poser des notes et des accords sur une partition musicale. Vous ne pouvez pas tendre votre mélodie à un musicien et espérer qu’il la joue si vous n’avez pas respecté quelques règles dans son écriture.

Cependant, la lecture de scénarios, ne serait-ce que dans le genre qui vous passionne le plus, est non seulement agréable mais aussi très instructif sur la façon dont d’autres travaillent leurs descriptions par exemple et de comparer et de trouver votre voix.

Trouver le meilleur chez les autres

Inspirez-vous d’autrices et d’auteurs qui vous parlent le plus. Reproduisez leurs pratiques dans l’élaboration des personnages, comprenez comment ils écrivent les dialogues, comment ils amènent aux lecteurs/spectateurs les désirs et les besoins des personnages car un scénario ne se lit pas de l’intérieur des êtres de fiction mais sur ce qu’ils semblent être et nous donnent à voir d’eux-mêmes.

On entend constamment parler de conflits et d’enjeux mais rien ne vaut de les voir en pratique. En somme, lire et écrire est la voie royale pour apprendre l’art du scénario parce que vous êtes dans une incessante approche de comparaison. Vous pouvez comparer les différents auteurs entre eux, vous pouvez comparer votre écriture avec leur écriture dans un incessant mouvement de découvertes.

Voir est une chose mais si vous vous contentez de voir, vous ne progresserez pas dans votre art. Voir le pilote d’une série par exemple et se limiter à cela peut être utile mais moins que si vous vous procurez le scénario et que vous le lisiez. Mieux, si disponible, le scénario qui n’a pas servi à la production pour y déceler les changements possibles entre l’écriture et les images (car une fois que le scénario est lâché dans la nature, il échappe totalement au contrôle de son auteur ou de son autrice).

Comprenez bien que l’apprentissage de la lecture passe par la lecture. Vous pouvez vous pencher sur Casablanca ou Chinatown, mais lisez aussi les titres les plus récents car en vous imprégnant des voix des autres, vous découvrirez progressivement votre propre voix (et la voie à suivre).

Il ne s’agit pas d’imiter ce que font les autres mais de comprendre comment ils le font. L’émulation n’est pas rentable. Elle ne vous permettra pas de tirer le meilleur parti de vous-mêmes. Il ne s’agit pas de rivaliser avec d’autres auteurs mais de se saisir d’une façon de faire.

Mais alors à quoi peuvent bien servir tous ces ouvrages sur la théorie du scénario ? Certains pensent qu’ils sont utiles pour déterminer ce qui doit être évité lorsqu’on se lance dans l’écriture d’un scénario plutôt que de suivre à la lettre les recommandations. Vous remarquerez d’ailleurs que nombre de ces recommandations se recoupent ou bien qu’il s’agit de la même chose mais énoncée différemment.
En comparant les scénarios que vous appréciez (ne vous forcez pas à lire Conjuring : Les Dossiers Warren si vous n’appréciez pas l’horreur) et les différentes théories scénaristiques, vous apprendrez bien davantage qu’en suivant une structure, par exemple, qui ne vous convient pas.

Structure

Structurer votre scénario le rend nécessairement plus intelligible. Partez à la découverte des différentes structures pour formuler votre discours. Apprenez les rudiments. Vous découvrirez alors que rien n’est figé. Du point de vue de son histoire, un scénario n’a cessé d’évoluer. Comment le présenter (un scénario possède une esthétique particulière), les différents actes et leurs fonctions respectives dans l’histoire, tout ce qui fait qu’un scénario évolue et continuera d’évoluer.

Vous n’êtes nullement prisonnier d’une structure. Ce qu’il vous faut, c’est un moyen de vous exprimer, de dire ce que vous avez à dire. Même si l’on ne vous comprend pas, vous aurez le sentiment de vous être accompli dans votre récit.

Surtout n’employez pas le jargon du cinéma dans votre écriture. Ce n’est pas au scénariste de dire à un metteur en scène comment il doit filmer. Si vous utilisez un tel jargon dès vos premières pages, la lecture de votre scénario s’arrêtera avant les dix pages. Respectez aussi le format habituel de l’écriture de scénario car il a été conçu pour faciliter la lecture.
Par exemple, essayez d’écrire vos didascalies en cinq ou six lignes. Ne vous lancez pas dans des descriptions de quinze ou vingt lignes car vous ennuierez rapidement vos lecteurs et lectrices en compliquant inutilement leur lecture. En outre, en vous forçant à être succinct, vous indiquez indirectement un point de vue dont le metteur en scène peut ou non tenir compte.

Écrire, c’est se libérer

Mieux même. Votre parole avec vous-mêmes aura un impact sur autrui. La manière dont vous organisez votre discours sur le papier, c’est une expérience que vous partagez. Prêtez une attention particulière à vos cinq ou vos dix premières pages car ce sont ces pages précisément qui décideront du devenir de votre scénario.

Tout doit participer à intéresser le lecteur y compris la grammaire et l’orthographe. Dès ces cinq premières pages, vous devez donner à votre lecteur et à votre lectrice l’envie de connaître ce qu’il se passera ensuite. Ne digressez pas de votre prémisse sinon vous perdrez votre lecteur.

Sachez ce que vous cherchez à communiquer. Écrire, c’est-à-dire vous lancer dans l’écriture sans un plan précis en tête, vous laissant guider par votre seule inspiration, peut vous aider à définir ce qui vous donne envie d’écrire maintenant et de le dire ou le crier à la face du monde.
L’écriture est une forme de méditation par laquelle vous mettez au jour les différentes natures de conflits qui vous intéressent, les types de personnages à propos desquels vous avez envie d’écrire. Le projet devient alors une exploration. Cependant, c’est un scénario. Donc, vous ne pouvez pas pénétrer à l’intérieur de vos personnages et décrire leurs sentiments, leurs pensées comme dans un roman.

Dans un scénario, tout est forcément extérieur. Mais tout a une signification. Allez chercher cette signification au fond de vous-mêmes et posez sur le papier ce morceau de vie d’une manière amusante ou succincte sans vous soucier de respecter ou non les règles.

Ensuite, évidemment, cette vérité pure qui ne dépend d’aucune loi, d’aucune norme, il vous faudra la mettre en forme pour la rendre intelligible selon le moyen d’expression retenu (un scénario, par exemple). Vous aurez déterré de vos profondeurs une matière brute que vous façonnerez alors comme l’artisan potier le fait de l’argile.

Tout comme cet artisan, il existe déjà un lien émotionnel avec cette matière brute. Si le processus d’écriture vous effraie, faites un plan des différents moments du récit sans vous préoccuper de structure, de causalité, de buts. Contentez-vous de faire une succession d’événements tels qu’ils vous viennent à l’imagination, tels qu’ils vous apparaissent. Écrivez votre réaction, ce que vous faites, ce que vous dites tel l’enfant qui ne pose aucun filtre et qui va même jusqu’à mimer sa réaction pour décrire ce qu’il s’est passé dans sa journée.

Ce qu’il est important de ne pas brider, c’est votre engagement émotionnel dans votre écriture.
Ensuite, en structurant par exemple, vous vous demanderez comment vous pourriez mieux dire ce que vous voulez dire.

Lire, Écrire et Voir

Il est plus pratique de voir des films plutôt que de lire des scénarios dont on ne connaît pas la langue. Si vous vous débrouillez en langue anglaise, lisez des scénarios cependant. Si vous manquez de temps, orientez-vous vers les pilotes des séries ou recherchez des scènes qui vous ont fascinées à l’écran et lisez ces mêmes scènes telles qu’elles ont été écrites.

Écrire une fiction, c’est se connecter aux autres. C’est un phénomène social en somme. Vous dites une histoire en mots ou en mots d’abord et en images ensuite (même si le scénariste n’est plus responsable des images qui appartiennent à un autre métier que le sien, il ou elle sont ceux qui ont engendrées ces images futures déjà contenues dans les mots), vous dites une histoire, donc, et vous créez un lien avec autrui.

Prenez exemple de ce que vous aimez voir. Si vous aimez les sitcom, appréciez comment les auteurs introduisent les personnages et comment ils les différencient.
Puis, lorsque vous aurez fini le premier jet de votre récit, soumettez-le à des lecteurs critiques qui vous forceront à réfléchir de nouveau à ce que vous avez écrit. Vous tiendrez compte ou non des avis qui vous seront donnés. Ce qui compte est que les avis même les plus blessants vous permettront de prendre un peu de distance envers votre écriture.

Vous êtes émotionnellement impliqué dans vos mots et cela peut obscurcir les problèmes. Un lecteur ou une lectrice qui cherche à ressentir l’émotion décrite mais qui n’y parvient pas, vous incitera probablement à réécrire encore et encore cette scène ou à distribuer autrement les informations qui amèneront cette émotion à la surface.

Vous n’êtes nullement obligé de suivre à la lettre les retours que l’on vous fait honnêtement sur votre écriture. Mais vous devez tenir compte des réactions pour décider de conserver ou non une scène ou un moment de votre récit. Une tendance naturelle de ces bêta lecteurs sera malgré eux de vous dire que vous devriez écrire cette scène d’une autre façon. Ne vous précipitez pas dans une réécriture. Plutôt, interrogez-vous sur le pourquoi de cette demande.

Certains d’entre eux essaieront de vous donner des explications sur les raisons de leur demande, d’autres ne sauront pas les articuler. Essayez néanmoins de comprendre les difficultés qu’ils ressentent à vous lire. En effet, vous passez d’un dialogue silencieux avec vous-mêmes à une confrontation avec autrui. Ce sont maintenant deux paroles qui aboutiront sur des actes concrets dans votre écriture.
Mais prenez le temps avant de soumettre votre projet à une lecture critique de désarrimer le lien très fort que vous avez encore avec votre projet. Pendant des semaines et des mois, vous vous êtes tellement impliqués dans votre projet qu’il est devenu votre seule réalité. Si vous le jetez immédiatement dans le monde, les retours risquent d’être trop douloureux pour que vous en preniez la juste mesure. Il pourrait être profitable de travailler sur un autre projet afin de laisser s’écouler la prise que le précédent a sur vous car les retours faits trop tôt pourraient vous dévaster.

Une lecture progressive

N’accablez pas vos lecteurs critiques en exigeant d’eux un retour global sur votre projet. Au contraire, discutez autour des notes qu’ils prennent au fur et à mesure de leur lecture. N’hésitez pas à convoquer deux ou plusieurs de ces lecteurs et lectrices critiques et comparez leurs notes.

Ne vous considérez pas comme un amateur. Connaissez le genre dans lequel s’inscrit votre récit afin de lui donner un ton. La tonalité est cette nuance qui existe entre les genres et les sous-genres, entre comédie romantique ou drame familial, par exemple. Comprenez comment vos personnages interagissent entre eux et avec le monde dans lequel ils vivent.

Être professionnel, c’est acquérir des savoir-faire, posséder une aptitude à écrire obtenue par l’apprentissage (accessible à tous ceux qui veulent faire l’effort). Pour se faciliter la tâche, de nombreux professionnels de l’écriture commencent par poser la succession des événements dans un ordre chronologique. Puis, ils réarrangent les événements afin de leur donner une logique concrète. Qu’une conséquence soit exposée d’abord tant que la cause est donnée plus tard respecte cette logique et peut donner encore plus de puissance aux événements.

L’interrogation la plus importante que doit incessamment se poser les auteurs et les autrices est : Comment ?

Que se passe t-il ? ou que s’est-il passé ? sont évidemment des considérations importantes mais insuffisantes. Pourquoi cela s’est-il passé ? Et surtout Comment cela a t-il pu être possible ? vous donneront la matière dramatique de votre œuvre en devenir.

Vous obtiendrez ainsi les réponses que vous cherchiez concernant vos personnages. Vous saurez quelles directions que doit prendre votre histoire. Le processus d’écriture proprement dit en sera facilité. Mais ne vous illusionnez pas : écrire un plan est difficile. Néanmoins, vous pouvez en changer en cours d’écriture. Rien n’est figé.

Il vous suffit de trouver ce qui fonctionne pour vous parce que cela rendra votre écriture authentique. Surtout, soyez persuadé que ce que vous écrivez vaut vraiment la peine d’y avoir consacré du temps. Ne regrettez rien.

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