PERSONNAGE : MARSELLUS WALLACE (PULP FICTION)

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André Bazin écrivit dans les années 1950 que le cinéma avait à sa disposition tout un arsenal de moyens avec lesquels il pouvait imposer sa propre interprétation d’un événement sur le spectateur. Ensuite, Truffaut, Godard, les Cahiers du cinéma développèrent davantage l’idée du cinéaste comme romancier.

Tout comme le romantisme se créa à la fin du dix-huitième siècle en réaction contre le réalisme, La Nouvelle Vague dans les années 1960 et 1970 vint subvertir les valeurs traditionnelles du cinéma et inventa un tout nouveau langage du cinéma.

Dans cet article, je vais me pencher sur un personnage de Pulp Fiction : Marcellus Wallace pour tenter de démontrer comment les conventions préexistantes à sa création et la théorie peuvent en expliquer le développement.

Pour ce faire, nous analyserons la scène de l’introduction de Marcellus :

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C’est aussi dans la même scène que nous ferons la connaissance du personnage principal de l’intrigue fondée autour de Butch, boxeur de son état, auquel Marsellus demande de se coucher lors de son prochain combat.

Cette séquence de l’ouverture spécifique à la ligne dramatique concernant Butch contient aussi une information vitale pour la compréhension de la suite et ce sera la rencontre entre Butch et Vincent.

Vincent Vega & Marsellus Wallace’s Wife

La séquence d’ouverture est construite autour de deux moments majeurs : la proposition de Marsellus à Butch et la rencontre de Butch et Vincent qui établit clairement la relation antagoniste de ces deux personnages.

Quentin Tarantino admet ouvertement qu’il a été influencé par des cinéastes comme Godard, Howard Hawks ainsi que par les films d’action hongkongais. Il réfute la causalité (un événement en entraîne un autre qui crée lui-même un nouvel événement) comme moyen d’assurer la continuité pour établir une structure narrative facilement accessible pour le lecteur.

Il reprend à son compte la célèbre assertion de Jean-luc Godard qu’un film doit avoir un début, un milieu et une fin (reprenant lui-même à son compte ce qu’avait déjà établi Aristote) mais que ces trois concepts n’avaient pas être nécessairement dans cet ordre chronologique.

Ce ne sera pas le scénario qui sera capable de concrétiser un tel aveu mais le montage qui permet d’assembler des scènes de lieu, de temps et d’action narrative distincts.

Tarantino utilise donc le flashback et le flashforward à la manière de la technique surréaliste du collage pour expliquer le développement de ses personnages. La séquence d’ouverture de l’intrigue concernant Butch débute sans que nous ayons beaucoup d’informations sur Marsellus.

C’est encore un personnage mystérieux dont nous savons seulement qu’il est noir et chauve (description donnée par le voyou précédemment alors qu’il était complètement terrorisé par Jules et Vincent pour avoir trahi Marsellus).

Jules et Vincent, les exécuteurs de Marsellus, eux-mêmes nous ont fait savoir que Marsellus est un ponte du crime capable d’une justice violente envers ceux qui l’offensent comme ce Tony Rocky Horror que nous ne rencontrerons jamais mais dont le nom revient assez souvent comme victime de la colère de Marsellus (c’est en fait un McGuffin, un prétexte pour justifier une intrigue, lui donner en quelque sorte une motivation sans que celle-ci soit d’une importance vitale à l’existence de l’intrigue).

Tarantino (dont la passion pour le scénario et les dialogues peut être encore plus puissante que son amour du cinéma et de l’image) évite la structure narrative conventionnelle de l’ouverture, de l’exposition et du dénouement mais le développement de ses personnages reste linéaire.
Et on le comprend bien dans le personnage de Marsellus Wallace.

Marsellus Wallace

La toute première fois que nous découvrons Marsellus, c’est par sa voix avec un Butch attentif. Il semble manifeste que Tarantino cherche à garder le mystère sur ce personnage le plus longtemps possible tout en nous fascinant.
Il y a toujours cette connivence entre le texte (dialogues et action) et le lecteur/spectateur chez Quentin Tarantino. C’est d’ailleurs le propre du surréalisme que d’impliquer au-delà du raisonnable l’imaginaire du lecteur.

Lorsque Butch accepte de se laisser soudoyer par Marsellus et avant la rencontre entre Butch et Vincent, le scénario nous rappelle le rendez-vous de Vincent et Mia, la femme de Marsellus.
Ce n’est pas un rendez-vous amoureux. C’est une demande particulière de Marsellus pendant qu’il sera en voyage. Vincent doit tenir compagnie à sa femme.

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La question des dialogues chez Quentin Tarantino est maîtrisée jusqu’à le ton qu’il considère comme porteur de sens. Ainsi, bien que la conversation entre les trois hommes semblent assez conviviale, le ton dont use Paul et Vincent au sujet de Mia et de Marsellus marque le respect ce qui consolide la position de pouvoir de Marsellus.

D’ailleurs, tout au long de cette séquence d’ouverture de l’intrigue de Butch, Marsellus reste dans une sorte de hors champ (son image en fait est présente mais jamais nettement) ce qui lui confère une aura en majesté afin de démontrer sa grandeur et peut-être même d’inciter à sa vénération.

Dans Pulp Fiction, aucun des personnages n’est héros ou méchant de l’histoire. Marsellus avec son statut de gangster aurait pu être considéré comme l’antagoniste mais la morale que véhicule le scénario dans son ensemble parvient à rendre acceptable ses actions.
Sa parole délivre une sagesse étonnante, c’est un être généreux et d’un autre côté, Marsellus est capable de rendre une justice expéditive envers ceux qui l’offensent.

Une première impression du personnage

L’aura mystérieuse qui entoure Marsellus est maintenue jusqu’à ce que Butch le trahisse, vole l’argent et tue Vincent. À partir de ce moment du scénario, le pouvoir entre les personnages est redistribué en faveur de Butch.

Et pourtant, le développement de Marsellus est présenté de manière linéaire dans une œuvre qui est tout sauf linéaire. Son évolution de figure mythologique à victime puis de nouveau comme roi cette fois est marqué par une chronologie à laquelle personne, ni êtres humains, ni êtres fictifs, ne peut échapper.

La première impression que nous avons de Marsellus est un être équilibré dont l’équilibre est maintenu par un certain sens du mystère et il émane de sa personnalité une puissance, une autorité qui impose le respect et la crainte.

Cette toute première impression est voulue par Quentin Tarantino jusqu’à ce que Butch vienne la perturber. Maintenant, Marsellus est blessé dans son amour-propre par cette nouvelle confiance en lui-même qui inonde Butch et qui s’autorise des choses qu’il n’aurait jamais osé contemplées auparavant.

Pour retrouver sa puissance et cet équilibre du personnage voulu par Tarantino, Marsellus se met en chasse de Butch. Mauvaise décision qui mène Marsellus à être la victime de fantasmes dépravés. Sa descente personnelle aux enfers est encore accentuée.

Cela permet néanmoins à Butch d’accomplir son propre acte de rédemption lorsqu’il sauve Marsellus d’une situation qui aurait pu devenir irréversible et aurait définitivement consumée le personnage.
Mais l’annihilation de celui-ci n’est pas prévue au programme puisque dans la logique de ce monde, il n’y a pas plus de méchants que de gentils personnages.

Grâce à Butch, l’équilibre de Marsellus est restauré. Son autorité peut s’afficher de nouveau lorsqu’il promet que ses tourmenteurs seront châtiés.
Mais son statut mythique est sérieusement écorné (pour nous, du moins, lecteur/spectateur).

Cependant, le narrateur (Quentin Tarantino) nous renvoie chronologiquement avant les événements de l’enlèvement de Marsellus nous montrant un Marsellus dispensant sa sagesse et son aide à ses sujets.

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