LE PERSONNAGE : CŒUR DE L’HISTOIRE

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Nous avons vu dans l’article précédent qu’une situation pouvait être à l’origine d’une histoire. L’inspiration peut néanmoins mettre au jour un personnage qui portera déjà en lui les germes d’une histoire.
Il sera alors le personnage principal, le protagoniste ou bien un héros (un hybride des deux précédents).

Ce qui le caractérise en tant que personnage principal, protagoniste ou héros est la condition que son invention implique un objectif. Vous avez en tête par exemple une jeune femme qui n’hésite pas à sortir les poings pour obtenir ce qu’elle veut et on peut en déduire de nombreux objectifs possibles. Un maître d’hôtel qui n’a pas d’autres ambitions dans la vie que de finir sa carrière dans cet hôtel où il a passé les vingt dernières années de sa vie offre en comparaison moins de possibilités narratives.

Un héros est normalement un personnage doué d’un esprit critique qui va exiger que les choses d’un monde sclérosé changent.
Parmi les critères d’un objectif qui tienne la route, il y a sa spécificité. Lorsque la muse se manifeste, un objectif trop générique pourrait venir à l’esprit. Par exemple, prenons le cas d’un policier qui sera le protagoniste. Un détenu parvient à s’évader et notre héros se mettra à sa poursuite.
Nul doute que de réussir à mettre la main sur le fugitif reste quelque chose de très générique, de très banal. Quel que soit ce fugitif (car il pourrait être tout aussi bien innocent et s’être évadé pour prouver son innocence devant une justice trop aveugle pour l’entendre), la poursuite est certes un motif d’intrigue mais elle est trop banal pour ajouter à la spécificité de l’objectif du héros.

Un critère distinctif

En quelque sorte, il faut nommer cet objectif. En le nommant, nous pouvons le distinguer et le rendre unique à notre personnage principal.
Pourquoi notre policier poursuit-il l’évadé ?
Nous ne pouvons pas répondre parce qu’il est payé pour car, dramatiquement, cela n’a aucune valeur.

On peut ainsi se livrer à un brainstorming qui pourrait faire ressortir une question de morale, par exemple. Dans le passé de notre policier, il a fait condamner un innocent dont la procès a été révisé et l’innocence prouvée après 10 années d’enfermement. Notre héros est affublé depuis cet événement d’un sentiment de culpabilité qui l’étouffe depuis toutes ces années.
Et ce qu’il voit en mettant la main sur le fugitif, c’est qu’il pourra avec lui tenter de l’innocenter afin d’éprouver enfin cette catharsis dont il a tant besoin pour se remettre sur les bonnes rails de sa vie.

Ainsi, après avoir rendu clairement et distinctement les raisons de cette poursuite acharnée, l’objectif devient mesurable pour le lecteur : ou il réussira sa rédemption ou il échouera.
De plus, en motivant de cette manière l’objectif du héros, vous impliquez un certain nombre d’actions telles qu’interroger le cercle d’amis et la famille du fugitif ce qui peut emmener l’enquêteur sur des pistes que l’auteur peut explorer thématiquement par exemple.

La motivation, clef de l’objectif

Motiver la démarche du protagoniste, c’est donner un élan à l’intrigue. Personnage principal et intrigue sont deux expressions qui visent à la même chose. Le personnage principal est l’intrigue et réciproquement.

Le moyen dramatique est sensiblement le même dans les histoires. Nous avons un personnage principal qui est hanté par un événement de son passé (par exemple son frère s’est noyé et le héros s’accuse de cette tragédie) ou bien il y a quelque chose de profondément enfoui en lui et qui constitue pour cet être sa plus grande peur, sa plus grande faiblesse.
Dans un cas comme dans l’autre, le personnage principal devra surmonter cette faille dans sa personnalité.

Néanmoins, devenir un être meilleur est un objectif tout à fait valide et qui peut être au cœur de l’histoire, mais c’est encore trop vague pour créer toute l’infrastructure de l’histoire. Ce qui se passe à l’intérieur de l’histoire ne peut se contenter de montrer le cheminement d’un protagoniste qui essaie de se débarrasser de ses fantômes.

C’est pour cette raison qu’il faut aller au-delà du superficiel, au-delà des apparences, et trouver comment un objectif peut amener le personnage principal à changer. Dans notre exemple de la poursuite, le lecteur n’y trouvera aucun intérêt, s’il n’y a pas sous l’objectif quelque chose d’intime, de subjectif, un véritable but qui est autre de celui de la mission du héros dans l’histoire.
Dites-vous que la réalité des choses est floutée par les apparences.

Cohérence de l’objectif

En définissant l’objectif du héros en deux composantes : un aspect générique comme si nous l’observions et un aspect plus intime qui permet une reconnaissance par le lecteur du ressenti du personnage principal, vous donnez de la cohésion à cet objectif que s’est fixé le protagoniste.

Ce policier qui poursuit un fugitif accusé à tort est à la recherche de sa propre rédemption. Et ce rachat (comme celui du genre humain) est une volonté qui peut s’appliquer à tous types de personnages. C’est à la fois spécifique parce que cela donne un sens aux actions du personnage et on peut juger si les actions sont bonnes ou si les conséquences de ces actions sont bonnes.
Et suffisamment universel pour parler au plus grand nombre (et quel que soit le personnage qui incarnera ce besoin de changement).

Cependant, pour être utile à l’histoire (c’est-à-dire maintenir l’intérêt du lecteur), dans notre exemple, c’est la poursuite de l’objectif (c’est-à-dire le superficiel) qui doit être mis en avant. L’arc dramatique (passer de la culpabilité à la rédemption) est à considérer comme un effet collatéral de l’objectif.

Le lecteur se fascinera de voir le héros changer pour devenir (dans la plupart des cas) meilleur. Mais cette analyse psychologique du personnage est somme toute assez ennuyeuse. Le personnage principal a besoin de fantômes, de failles ou d’une bizarrerie quelconque qu’il devra gérer en interne, mais c’est encore l’objectif qui retiendra l’attention du lecteur, l’incitera à tourner les pages.

Dans Pour le pire et pour le meilleur de Mark Andrus, assister aux bizarreries comportementales de Melvin est certes intéressant mais insuffisant pour maintenir notre attention si nous n’avions pas cet objectif de cette relation romantique entre lui et Carol (la seule personne qui semble comprendre sans le ménager cet être asocial).

De plus, l’objectif implique la question dramatique centrale de l’histoire : le héros réussira-t’il ou non. Et ce qui le taraude de l’intérieur provoquera chez le lecteur un investissement émotionnel en ce personnage (empathie ou compassion).


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