INTRIGUE : LA POURSUITE

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Avec la poursuite, nous nous identifions à ceux qui chassent ou à ceux qui sont chassés car c’est bien de cela dont il s’agit lorsqu’on choisit pour intrigue la poursuite, c’est avant tout une chasse.
Et c’est une simple formule pourtant efficace. Il y a naturellement  du conflit , il y a du mouvement et une poursuite, c’est une histoire à elle toute seule avec un début, un milieu et une fin.
Et ce milieu spécifique à la poursuite est une intrigue en soi.

Une poursuite n’est pas seulement une chasse à l’homme.

Dès qu’il y a compétition pour remporter un prix, pour désigner un vainqueur, il y a une course avec un temps limité (un compte à rebours) et cette course est une poursuite dans laquelle seront tissés de l’amour, de l’aventure.
Tout un ensemble d’éléments dramatiques qui combinés feront l’histoire. On distingue spécialement la forme d’une poursuite parce qu’elle dessine l’intrigue.

La poursuite fonctionne assez bien lorsque l’histoire se prête à l’aventure, au mystère, au suspense. Elle possède déjà les ingrédients de l’action dramatique qui sied bien à la tension, au conflit.

La poursuite (quelle que soit la forme qu’elle prenne, souvenez-vous que ce n’est pas seulement une course-poursuite entre deux voitures…) est très flexible : elle s’accélère, se ralentit, connaît des moments de désespoir et même parfois se bloque lorsqu’un personnage se retrouve enfermé, par exemple, ou dans l’impossibilité de se déplacer.

Le personnage et l’action sont liés.

Progressivement, la poursuite devient de plus en plus personnelle jusqu’à n’être plus qu’une confrontation face à face. Au début, le lecteur est dans une position d’observation mais l’action se resserre sur le plan humain.
Il est donné au lecteur la possibilité de découvrir les personnages et de trouver en eux des points d’accroche ce qui permet l’identification, la compassion.

Une poursuite n’est pas une chasse au trésor.

Celle-ci s’apparente à une quête. L’objet de la quête est déjà là à attendre qu’on le ramasse. Le Graal est supposé exister.
La poursuite implique que quelqu’un ou quelque chose tente de se dérober. La chose ou la personne est consciente qu’elle est pourchassée, ce qui implique que quelque chose ou quelqu’un est après quelque chose ou quelqu’un d’autre qui se sait recherché.

Cette conscience d’être une proie crée la tension, ajoute au suspense et définit la question dramatique : le personnage sera t-il rattrapé ? ou réussira t-il à s’échapper ?

Les Misérables de Victor Hugo est une très bonne source d’inspiration. Hugo s’est probablement inspiré de la vie de Jésus Christ pour dépeindre Jean Valjean.
Valjean n’est pas une figure religieuse, mais sa détresse, les trahisons qui ont bafoué son innocence, son obsession à faire le bien même envers Javert démontre le conflit classique de l’homme bon pourchassé par une autorité pharisaïque (Victor Hugo en fin de compte questionne des préceptes moraux qui mènent à l’aveuglement).

Il y a des différences cependant avec le Christ : Jésus était fragile, Valjean apparaît plutôt corpulent et doué d’une force peu commune (dont Hugo se sert pour permettre à Javert d’être convaincu qu’il a trouvé son homme) ; Valjean est un solitaire engagé dans un combat solitaire alors que le Christ avait ses disciples.
Les autorités pourchassent le Christ comme elles pourchassent Jean Valjean et en fin de compte, l’insignifiance des accusations portées à leur encontre sont transcendées par l’impact universel de la présence de ces hommes remarquables parmi nous.

La poursuite dans Les Misérables (qui est une chasse à l’homme) nourrie une intrigue fondée sur les épreuves terribles d’un homme bon face à l’injustice, au mensonge, à la trahison et à l’obsession d’une autorité certes légitime, garante d’un ordre mais qui voit en cet homme sa propre faillite, son propre désaveu, sa propre destruction.
Sans cette poursuite, nous n’aurions eu qu’une peinture de la pauvreté à Paris au début du dix-neuvième siècle. Ce qui est essentiellement une critique sociale devient une histoire passionnante, vibrante par la forme que lui donne la poursuite.

Ce qui est intéressant est que les deux points de vue (celui de Valjean et celui de Javert) sont traités avec une égale attention. Nous apprenons à connaître Javert aussi bien que Valjean. Nous comprenons les motivations de Javert à voir Valjean derrière les barreaux. Nous comprenons ses raisons comme nous comprenons celles de Valjean, sa détermination à éviter la prison.
On peut ainsi s’identifier soit à l’un soit à l’autre et le conflit fondamental à la base de la dynamique de leur relation est maintenu d’un bout à l’autre de l’histoire.

Rien n’est ni tout blanc, ni tout noir.

Les personnages ne sont ni bons, ni méchants et chacun possède en lui les moyens de sa rédemption. Dans Les Misérables, c’est ce que cette poursuite démontre.

Dans une poursuite, il existe les notions de recherche et aussi de sauvetage. Mais ces notions ne peuvent être que des adjuvants lorsque la poursuite est ce qui anime l’intrigue.

L’une des exigences de la poursuite est qu’il y a une chose ou un personnage qui a fait quelque chose de mal (ou considéré comme tel) qui est l’objet de la poursuite.
Dans une recherche, l’objet de la quête peut vouloir ou ne pas vouloir être trouvé. Il ne cherche nullement à se dérober à ses poursuivants. Dans une poursuite comme nous l’envisageons dans cet article, la proie essaie d’échapper à ce qui la poursuit.

Si le thème était le sauvetage (ce qui implique une mission de secours préalable), quelque chose ou quelqu’un est perdu ou abandonné et doit être sauvé ou retrouvé. Ce n’est pas du tout la même intention avec une poursuite.

Considérez Moby Dick de Herman Melville. Cette histoire a été la source d’inspiration de nombreuses autres histoires décrivant une soif de vengeance avec un niveau d’acuité rarement atteint.

Le conflit est entre l’homme et l’animal, entre le bien et le mal. Les personnages ont une dimension légendaire si ce n’est mythique. Cette obsession est un exemple de littérature dont il faut s’inspirer pour écrire de nouvelles histoires comme ce Track of the cat (1954), un western écrit par A.I. Bezzerides d’après le roman de Walter Clark.

Comprenez bien que ces sources d’inspiration n’ont rien à voir avec le plagiat. Le principe consiste à se demander…
Et si… ?
à partir des éléments dramatiques qui vous sont donnés, déjà là, à votre disposition, et de construire d’autres possibilités. Et si les choses s’étaient passées autrement ? par exemple. C’est comme si vous aviez des atomes et que vous les assembliez en différentes molécules.

Par ailleurs l’objet de la poursuite ne pourrait être qu’un McGuffin, un artifice pour justifier la chasse car ce qui importe est que la poursuite fasse avancer l’intrigue, génère de l’action.

La capture de la proie est laissée au choix de l’auteur. C’est la poursuite elle-même qui anime l’intrigue avec son lot de significations, pas l’objet qu’elle chasse.

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