LA RÉPONSE ÉMOTIONNELLE

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Répondre émotionnellement à un personnage, c’est s’identifier à lui, c’est-à-dire trouver en lui quelques points de ressemblance. Il y a aussi ce mot empathie qui consiste à se mettre dans un état d’esprit déterminé par la situation d’un autre.

Murray Smith

émotionMurray Smith a introduit l’expression de modèle populaire afin de faire référence aux manières informelles, c’est-à-dire quotidiennes (un ami vous recommande un livre, par exemple), intuitives, c’est-à-dire sans qu’on y ait donné quelques réflexions pour aboutir à une telle conclusion et influencées par la culture ; un modèle populaire par lequel on comprend et interprète les films. En d’autres termes, il s’agit de la façon dont un lecteur/spectateur comprend le fonctionnement et la signification des films.

Le concept de modèle populaire de Smith s’oppose aux modèles plus formels ou académiques d’analyse et d’interprétation des films. Il soutient que dans notre expérience quotidienne de la compréhension des films, nous développons nos propres cadres mentaux et heuristiques (liés à la connaissance, c’est-à-dire pour le dire rapidement comment nous prenons conscience du film en tant que lecteur/spectateur) pour comprendre les conventions, les techniques et les significations du cinéma.
Ces modèles populaires sont souvent façonnés par des facteurs culturels, sociaux et personnels et ne correspondent pas toujours aux théories et méthodologies des spécialistes et des critiques de cinéma. Ce modèle populaire est un moyen que nous utilisons tous les jours pour donner un sens à notre propre comportement et à celui des autres.

Une autre façon traditionnelle d’analyser les personnages consiste à utiliser la distinction établie par E. M. Forster entre les personnages bidimensionnels et immuables et des personnages plus complexes et dynamiques, auxquels le lecteur/spectateur est naturellement plus enclin à répondre sur le plan émotionnel.
émotionMais lorsque nous approchons un méchant tel Patrick Bateman de American Psycho ou Walter White de Breaking Bad qui mettent au défi notre jugement du bien et du mal, comment pouvons-nous apprécier des personnages que nous devrions réprouver ?

Selon la théorie cognitive du cinéma (c’est-à-dire comment nous percevons ce qui est devant nous et ici ce qu’il se passe sur un écran), le lecteur/spectateur (lecteur ou lectrice du scénario) perçoit et donne un sens à un film et à son récit de la même manière qu’il le ferait dans la vie réelle. Les personnages sont censés avoir des sentiments et une personnalité, tout comme les personnes réelles, et le monde fictif fonctionne comme le monde réel. Toutefois, il ne faut pas confondre ce principe avec une illusion de réalité, où le lecteur/spectateur en tant que tel est censé faire l’expérience du monde fictif comme s’il était réel.

Ce lecteur/spectateur est parfaitement conscient que le récit est une fiction et que le monde fictif est séparé de la réalité. Nous disons souvent que les situations improbables n’arrivent que dans les films, mais cette conscience ne nous empêche pas de réagir de manière émotionnelle.

Un engagement

Selon Murray Smith, le lecteur/spectateur éprouve des sentiments d’engagement et pas nécessairement d’identification à l’égard des personnages. Le plus souvent, il sera difficile de ressentir la même chose que les personnages fictifs, mais il est beaucoup plus facile de ressentir avec eux.

L’engagement est encouragé lorsqu’un personnage répond aux attentes du lecteur/spectateur qui voit dans le personnage une personne réaliste avec des traits humains, ce qui dépend fortement de la narration. Cela va au-delà de cette définition. En effet, l’imagination entre dans le processus : le lecteur/spectateur se construit mentalement une représentation subjective et émotionnellement engageante de la narration.
L’imagination permet une forme d’engagement subjectif dans la narration. Cela va au-delà de la simple observation des événements à l’écran ; cela implique que le lecteur/spectateur se lie émotionnellement aux personnages et au récit ; ce sera par l’imagination que cette singulière relation, tout à fait personnelle, se fera. Nous nous construisons une représentation détaillée et immersive du récit. Il s’agit non seulement de comprendre l’intrigue, mais aussi de la vivre à un niveau personnel et émotionnel.

L’empathie se réfère à des situations où le lecteur/spectateur fait l’expérience d’une réponse directe et inconditionnelle aux sentiments du personnage, sans nécessairement partager les valeurs, les croyances ou les objectifs de celui-ci. Dit autrement, on comprend pourquoi un méchant agit comme il le fait. On comprend lorsqu’on se projette soi-même dans la situation du personnage et on fait sienne les passions, émotions et pensées du personnage dans cette situation. Par exemple, lorsque Walter de Breaking Bad est diagnostiqué d’un cancer, on imagine les sentiments et émotions par lesquelles il passe : par l’imagination, on se met à sa place.

C’est une simulation qui nous aide à faire sens du comportement d’un personnage lorsqu’une explication nous est donnée et celle-ci peut venir bien après que nous ayons vu agir le personnage sans pour autant comprendre exactement le pourquoi ni le comment. Dans les séries télévisées, on se voit souvent rappeler les sentiments d’empathie que nous avons précédemment éprouvés en commençant les nouveaux épisodes par des récapitulatifs. Toutefois, le récit peut aussi dissimuler des souvenirs que nous n’avons pas encore à connaître et donc manipuler le lecteur/spectateur pour l’amener à adopter une certaine approche à l’égard des personnages. C’est un privilège de la série télévisée de distribuer les informations comme on constitue un puzzle.

Le mimétisme affectif consiste à construire ou à simuler involontairement l’émotion d’une autre personne à l’aide d’indices faciaux et corporels, ce qui signifie que le lecteur/spectateur, lorsqu’il est confronté à un personnage manifestant des émotions fortes, comme des pleurs ou des cris de douleur, éprouve une réaction réflexe de son corps comme des larmes embuant les yeux ou bien nos muscles qui se contractent devant la scène. C’est une réaction involontaire et autonome par exemple en étant surpris par une explosion, ce qui entraîne une émotion identique à celle du personnage, sans que le sentiment ne provienne de la sympathie.

La sympathie

L’autrice et l’auteur peuvent provoquer la sympathie envers un personnage à travers la découverte du personnage : plus nous comprenons le personnage, ses motivations, ses opinions et ses concepts moraux, plus nous nous intéressons à lui.

L’engagement envers les personnages est crucial pour les séries télévisées, car la durée de la narration est beaucoup plus longue que pour les films, et il faut donc des personnages suffisamment convaincants pour que le lecteur/spectateur reviennent chaque semaine. En outre, la narration joue un rôle essentiel en guidant la réponse souhaitée par l’autrice et l’auteur car c’est elle qui a le dernier mot, qui peut à la fois empêcher le lecteur/spectateur de s’intéresser à un personnage en retenant des informations à son sujet ou à l’inverse, faciliter la sympathie en mettant l’accent sur certains aspects d’un personnage pour le distinguer. Le harcèlement subi par un enfant par exemple a précisément cette intention : émouvoir sur le plan affectif afin de mieux dénoncer la situation.

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