LE BESOIN DE RÉSOLUTION

5
(1)

Le suspense est bien plus qu’un simple frisson passager. Il fait appel à un besoin très singulier : celui de la résolution. Le besoin de résolution peut être considéré comme un aspect fondamental de la psychologie et de la cognition humaines, mais il n’est pas nécessairement considéré comme un instinct primaire au même titre que la survie, la nutrition ou la reproduction. Il est plutôt ancré dans nos processus cognitifs et dans la façon dont notre cerveau est câblé.
L’être humain a un penchant naturel d’éliminer l’ambiguïté et d’arriver à des conclusions définitives (parfois de manière irrationnelle), c’est-à-dire que ce peut être un désir de certitude (un désir qui fait dire à certains que certaines réponses ne nous seront jamais accessibles) et le besoin de donner un sens au monde qui nous entoure.

Ce désir de résolution contribue en effet à réduire l’incertitude et l’ambiguïté, ce qui nous permet de prendre des décisions, de planifier l’avenir et de nous orienter efficacement dans notre environnement.

La rétention d’informations

Parfois, le fait de révéler une information majeure peut créer plus de tension dans l’esprit du lecteur/spectateur que si l’on s’en abstenait. Alfred Hitchcock (le maître du suspense) a dit un jour qu’il y avait une claire différence entre le suspense et la surprise, et pourtant de nombreux récits confondent souvent les deux.

Deux personnages sont assis à une table et discutent quand soudain, une bombe explose. C’est une surprise, a déclaré Hitchcock. Imaginez maintenant la même scène, mais cette fois-ci, le lecteur/spectateur est informé qu’un homme place la bombe sous la table avant que la conversation ne commence. Dans ces conditions, nous rappelle Hitchcock, la même conversation anodine devient fascinante, parce que le lecteur/spectateur participe à la scène. Il a cette étrange envie d’avertir les personnages à l’écran.

Le suspense est donc la durée de la menace avant que celle-ci éclate, qu’elle s’exprime dans le monde dissipant ainsi l’anxiété que nous aurions pu éprouver dans l’attente ou plutôt la quête d’une quelconque résolution.
C’est ainsi que Hitchcock distingue la surprise du suspense. La surprise est immédiate.

Le rythme de l’action est un autre moyen de créer de la tension dramatique. En tant qu’êtres humains, nous cherchons à trouver des réponses à toutes les questions qui nous sont posées. La recherche d’une solution est étroitement liée à notre capacité à identifier et à interpréter des modèles dans les questions qui se posent à nous.
Lorsque nous rencontrons quelque chose qui ne correspond pas à nos cadres mentaux existants ou crée une dissonance cognitive (lorsque nous sommes confrontés à nos propres contradictions, par exemple), nous sommes motivés pour résoudre cette différence qui devient un obstacle.

L’un des meilleurs moyens dont dispose l’autrice et l’auteur est de poser une question sans réponse au moment où il la pose à un endroit stratégique de son récit. Par exemple, imaginons que le récit s’ouvre sur un homme qui met son appartement en ruine. Il cherche manifestement quelque chose, mais quoi ? Qui a pris l’objet et pourquoi avait-il de la valeur ? L’astuce consiste à ne pas trop en dire trop tôt.

Le personnage

En plus de donner au lecteur/spectateur un personnage à soutenir, les personnages complexes et intéressants lui donnent une raison de s’inquiéter, surtout s’ils sont reconnaissables par certains aspects avec le propre vécu du lecteur/spectateur.

Nous devrions pouvoir nous identifier à un personnage afin de rester avec lui sur le long terme. Donner un défaut à votre personnage l’humanise, et lier cette imperfection au conflit central de l’histoire relève de la tâche de l’autrice et de l’auteur. Dit autrement, plus nous nous identifions à un personnage, plus nous sommes susceptibles de sympathiser avec lui lorsque les choses tournent mal. Dans Les Dents de la mer, le shérif Brody a une peur panique de l’eau, ce qui rend la menace d’un requin mangeur d’hommes d’autant plus menaçante.
Dans ce cas, la complexité sert de vecteur de sympathie, ce qui favorise l’investissement émotionnel du lecteur/spectateur. Nous voulons que Brody surmonte sa peur pour sauver la ville.

Une fois que vous avez établi un lien solide entre un personnage et la lectrice et le lecteur, vous pouvez jouer avec le point de vue pour accroître le suspense d’une scène déjà intense. Par exemple, une scène de torture. Plutôt que de détailler la violence, cette scène peut être construite autour du regard d’un personnage qui assiste à cette violence faite à un être qu’il aime.
L’horreur d’une situation est souvent plus puissante lorsqu’elle est suggérée par quelques moyens. Il en est de même pour le méchant de l’histoire, qui doit pouvoir être raconté non pas selon l’irrespect dont il fait montre en regard de l’ordre des choses, ou bien selon la manière dont il se comporte, en fonction de ses propres intérêts mais parce qu’on voit en lui un reflet de soi-même par certains côtés de cette personnalité.

Une pression extérieure

La pression extérieure peut prendre de nombreuses formes. Elle est l’idée d’une bombe à retardement. Dans certains cas, il s’agit d’augmenter le prix à payer du succès ; dans d’autres, le prix à payer de l’échec.

Parfois, elle consiste à proposer des choix au personnage principal, et parfois ces choix sont tout aussi terribles les uns que les autres. Faut-il sauver le monde ou sa famille ? Et bien sûr, une vraie bombe est toujours un moyen efficace de créer un sentiment d’urgence.
Dans un film comme Insidious, où le père et la mère apprennent qu’ils doivent ramener Dalton, leur fils, dans son corps avant que tous les autres éléments négatifs ne convergent vers lui, ce type de contrainte temporelle crée un sentiment d’immédiateté (c’est-à-dire qu’il faut agir vite, temporiser devient létal), ce qui est essentiel au suspense.

Merci de nous aider à financer Scenar Mag par vos dons. Plus que jamais, ils nous sont nécessaires pour que nous restions à vos côtés.

Comment avez-vous trouvé cet article ?

Cliquez sur une étoile

Average rating 5 / 5. Vote count: 1

No votes so far! Be the first to rate this post.

Cet article vous a déplu ?

Dites-nous pourquoi ou partagez votre point de vue sur le forum. Merci

Le forum vous est ouvert pour toutes discussions à propos de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.