Faille, faiblesse, défaut, lacune, en un mot une imperfection (probablement issue de notre héritage judéo-chrétien), elle est un élément dramatique fascinant qui nous retient dans le récit. Elle est une étendue nécessaire d’un personnage et participe à sa crédibilité, à sa vraisemblance.
Cette imperfection est souvent liée au personnage principal. Elle donnera sa forme au récit. La blessure renvoie au passé, l’imperfection se concentre sur le présent. Alors que le plus grand défi que devra affronter le personnage est de surmonter cette blessure du passé, l’imperfection le retient dans ce passé.
Elle est partie intégrante de la ligne dramatique du personnage principal et s’il ne parvient ni à réaliser son objectif, ni à vaincre sa faiblesse, le récit sera alors tragique et par là même une représentation bien plus sincère de la vraie vie.
Ils nous fascinent
Les héros & héroïnes convaincants ont souvent des défauts majeurs qui les rendent réalistes et leur permettent de grandir et de se transformer tout au long du récit. Voici quelques définitions de cette imperfection :
- La peur de l’échec
Un héros ou une héroïne paralysés par la peur de l’échec ajoute de la profondeur à leur personnage. Le fait qu’ils doutent constamment d’eux-mêmes et qu’ils hésitent à prendre des risques crée des conflits internes qu’ils doivent surmonter pour atteindre leurs objectifs. - L’arrogance, l’orgueil, hubris
Un personnage trop sûr de lui ou arrogant peut être convaincant parce que son défaut entraîne sa chute ou constitue un obstacle à sa réussite. Cela lui permet de faire preuve d’humilité et lui donne l’occasion d’apprendre cette humilité et de grandir en tant que personne. - Le manque de contrôle de soi
Un héros ou une héroïne qui agissent sans réfléchir ou qui manquent de maîtrise de soi créent des tensions et des situations imprévisibles. Leur nature impulsive peut avoir des conséquences inattendues et offrir des possibilités d’évolution lorsqu’ils apprennent à réfléchir aux conséquences de leurs actes, ou dit autrement lorsqu’ils privilégient la raison sur la passion. - Un manque de confiance en soi
Un personnage qui souffre d’une méfiance envers lui-même a souvent du mal à nouer des liens ou des alliances significatifs. Sa difficulté à compter sur les autres l’oblige à se confronter à ses propres insécurités et à apprendre la valeur de la confiance et de la coopération. - Une ambiguïté morale
Un personnage moralement ambigu présente un caractère complexe et conflictuel. Il peut avoir une éthique douteuse ou avoir du mal à prendre des décisions difficiles. Ses conflits internes et ses dilemmes moraux créent des opportunités d’exploration du bien et du mal et de développement personnel. - Une vulnérabilité émotionnelle
Un héros ou une héroïne qui sont émotionnellement vulnérables et facilement affectés par leurs émotions peuvent constituer un personnage convaincant. Leur vulnérabilité les expose aux luttes personnelles et ajoute de la profondeur à leur parcours, alors qu’il ou elle apprend à maîtriser ses émotions et à trouver une force intérieure.
Ce qu’il importe est de décider non pas tant comment cette faiblesse de caractère fut-elle seulement possible mais quand la révéler à la lectrice et au lecteur. Classiquement, c’est lors de l’acte Un, celui de l’exposition précisément, que cette faiblesse apparaît.
Certes, c’est un effort supplémentaire demandé à l’autrice et à l’auteur ; il sera important néanmoins de distinguer l’imperfection de la blessure, c’est-à-dire à faire deux éléments dramatiques distincts car de leur réunion, vous dessinez l’arc dramatique que suivra votre personnage.
Le problème du choix de l’imperfection
La révélation de la faiblesse du personnage est probablement un moment difficile pour l’autrice et l’auteur. Il ne faut pas chercher à ce qu’on éprouve en tant que lectrice et lecteur une espèce de pitié pour le personnage. Au contraire, cela nous hérisse contre lui car l’auteur ou l’autrice dans ce cas cherche à forcer une opinion sur la lectrice et le lecteur qui préfèrent de loin conserver leur liberté et se forger leur propre opinion (qui dépend d’ailleurs beaucoup de leurs propres expériences au cours de leurs vies).
Ne négligeons donc pas la faculté d’apprécier, de mesurer, d’équilibrer en comparant les contraires, d’harmoniser ce qu’il voit & entend avec une interprétation toute personnelle, du lecteur/spectateur. En un mot, ne jouons pas mais espérons la faculté de jugement du lecteur/spectateur.
Aussi, le personnage n’a pas conscience ou se refuse à reconnaître cette imperfection en lui. Car s’il le fait, alors son parcours vers la maturité n’est plus vraiment digne de notre attention. La résistance au changement, c’est-à-dire dans le cas d’un personnage qui doit devenir meilleur (s’il y parvient), est un ressort dramatique puissant qui nourrit un conflit et ainsi participe de plein droit à l’intrigue.
Maintenant, lorsqu’ils évoquent les défauts d’un personnage, il est important que les auteurs et autrices restent objectifs et évitent d’imposer un jugement personnel. Au lieu de qualifier le défaut d’un personnage comme mal, décrivez-le de manière neutre et objective.
Tenez-vous-en aux comportements ou aux traits observables, c’est-à-dire aux faits, sans y attacher de jugement de valeur. Si vous affirmez, par exemple, que la paresse de votre personnage est certainement ce qui l’empêche de s’accomplir dans sa vie, vous portez un jugement sur votre personnage que vous communiquez à votre lectrice et à votre lecteur. Vous les forcez dans cette opinion. Une description neutre du personnage, c’est-à-dire montrer la tendance de votre personnage à procrastiner et à éprouver des difficultés à compléter une quelconque tâche, laisse le lecteur/spectateur se forger son propre jugement et vous le rendez ainsi admiratif de la lutte de ce personnage qui prend progressivement conscience de cette faille dans sa personnalité.
Ce sont les conséquences des actions qui impactent la vie du personnage ou ses relations (celles-ci sont plus passionnantes à décrire) qui démontreront la nocivité d’un comportement. L’arrogance par exemple peut se conjuguer avec l’isolement.
En aidant le lecteur/spectateur à comparer le mauvais côté d’un personnage avec les forces et les qualités positives de celui-ci, vous donnez une complexité au personnage sur laquelle le lecteur/spectateur se focalisera.
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