Comment développer un récit à partir d’une prémisse, c’est-à-dire une idée. Posons celle-ci : Un homme rêve qu’il commet un meurtre et commence à se demander si ce n’est vraiment qu’un rêve.
Le temps
La toute première chose qui vient à l’esprit est la question du temps. Quand situer son récit ? En déterminant le présent du récit, vous impliquez un passé pour les personnages. Le présent signifie aussi pour l’intrigue de nouvelles difficultés : le mot meurtre dans la prémisse nous renvoie au thriller presque naturellement (quoique ce genre ne soit nullement obligé) ce qui pose la question par exemple des moyens de communication dont nous disposons.
Ainsi une intrigue contemporaine introduit des téléphones portables, l’internet. La victime qui pourrait être le personnage principal a davantage de possibilités d’échapper à un destin funeste. Alors quelles seraient les conditions qui causeraient qu’elle ne peut communiquer ?
Nous pouvons aussi remettre en question ce que la prémisse nous impose : Un homme.. Ce pourrait être tout autant une femme. D’ailleurs, il est toujours intéressant de s’emparer de l’esprit d’un personnage qui ne soit pas du même sexe que l’auteur ou l’autrice.
Considérons donc une femme.
Restant dans la question du temps, j’ai mentionné plus haut qu’un personnage possède forcément un passé. En marquant déjà quelques événements majeurs de ce passé, nous pouvons expliquer son comportement actuel, définir par exemple la faille dans sa personnalité, cette rupture dans ce qu’aurait dû être une vie si elle n’avait pas été perturbée par quelque chose.
Posons que cette femme soit dans sa quarantaine ce qui nous ouvre quelques horizons à explorer quant à son vécu. Le rapport qui existe entre autrefois & maintenant est une exploration non seulement intéressante (car elle incite à des recherches toujours éclairantes) et comme indispensable car l’aspect passionnel d’un être (y compris de fiction) est ce qui fascine chez cet autre.
La causalité
Le mot rêve revient deux fois dans la prémisse. Une fiction n’est pas une conférence, son but est de divertir. Se demander pourquoi cet individu rêve ; quelles sont les causes qui ont abouti à cet état d’esprit (car c’est ce que semble dire la prémisse : si le personnage rêve, c’est qu’il est préoccupé par un manque, peut-être) ?
Le rêve vise un besoin, non un désir. Le besoin est intime, le désir est extérieur. Notre personnage n’est pas un tueur en série. Peut-être qu’un être aimé de lui a été tué et le rêve exprime alors la terrible absence.
La question de la causalité consiste à se demander comment les choses ont été possibles. La causalité met en œuvre un mouvement : celui de l’arc dramatique du personnage, c’est-à-dire son évolution dans le cours du récit.
Il est peut-être imprudent de vouloir échapper à la linéarité dans un récit : une action a un but, une visée particulière (une finalité diront quelques uns). Une action a aussi des conséquences.
Le lieu
Il intervient plusieurs facteurs dans le contexte d’un personnage. On peut s’exercer à quelques comparaisons : par exemple, est-ce que l’intrigue ou les thèmes convoqués seraient plus ou moins évidents dans un milieu rural plutôt qu’urbain ?
Localement, est-ce que les conséquences de l’action du personnage provoquent plus ou moins d’oppositions ? Est-ce que l’intention du personnage serait plus ou moins contrariée selon le lieu où elle se déploie (ou tente de s’étendre) ?
L’autrice et l’auteur sont sans cesse confrontés à des choix. Situer l’action de son intrigue dans la ruralité alors que l’on ne connaît que la ville peut relever d’un défi, d’un risque à prendre et qui peut se révéler gratifiant. Sinon, une grande cité offre des opportunités différentes de la campagne. Pourtant, il serait faux de croire que la vie dans les campagnes est moins stressante que dans les grandes cités.
Ce que les lieux impliquent néanmoins, c’est la définition d’activités. Si l’héroïne est un vétérinaire par exemple, selon qu’elle exerce à la campagne ou à la ville, son activité créera des occasions tout à fait différentes capables d’orienter l’intrigue dans telle ou telle direction.
Ce qu’il faut considérer aussi lorsque le personnage principal est une femme est de ne pas la confiner dans des préjugés liés à son sexe ou alors montrer sa lutte contre ces idées préconçues (même si ce combat n’est pas l’intrigue mais un aspect de la personnalité de l’héroïne).
Un motif
La prémisse précise deux termes : meurtre et rêve. Si l’on pose comme principe que le rêve est un assemblage d’événements vécus que l’inconscient combine pendant le sommeil, on peut s’interroger sur ce que pourrait être le but d’un meurtre.
La prémisse contient des verbes d’action : rêver, commettre, se questionner. Une action possède une visée particulière : on agit dans un but. Quelles seraient les circonstances qui permettraient de commettre un meurtre ? Pourquoi le personnage rêve t-il ? Est-ce que la culpabilité cache l’acte meurtrier ? Est-ce cette même culpabilité qui fige l’attention du personnage sur un sentiment qu’il ne comprend pas ?
Avec le motif vient la question de l’enjeu. Qu’est-ce qui serait si important pour le personnage principal qu’elle ne pourrait faire autrement que de commettre un meurtre ? Pour emporter l’adhésion d’une lectrice et d’un lecteur, il est important de leur donner des explications claires. L’enjeu fournit le mobile : on agit certes dans un but mais les raisons de cet agir sont dans le détail de l’enjeu qui l’a engendré.
Que veut notre héroïne & qui est-elle ?
Pour comprendre notre personnage, tentons de lui donner une activité qui nourrit en elle des rêves. Après tout, il me semble plus crédible que les prémonitions aient lieu pendant l’état de veille comme autant de visions qui ouvrent des perspectives que pendant le sommeil.
J’en reste là pour le moment afin de mûrir mes ruminations. Je vous revoie dans le prochain article.
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