CAMPBELL : ESSAI D’EXEGESE – 11

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PART 1 : THE ADVENTURE OF THE HERO

CHAPTER 1 : DEPARTURE
2. Refusal of the call

The literature of psychoanalysis abounds in examples of such desperate fixations. What they represent is an impotence to put off the infantile ego, with its sphere of emotional relationships and ideals. One is bound in by the walls of childhood; the father and mother stand as threshold guardians, and the timorous soul, fearful of some punishment, fails to make the passage through the door and come to birth in the world without.

La littérature psychanalytique abonde d’exemples de telles fixations. Ce que représente cette littérature est l’impuissance à se débarrasser de l’ego infantile et de sa sphère de relations affectives et d’idéaux. On est enfermé dans les murs de l’enfance ; le père et la mère sont les gardiens du seuil, et l’âme craintive, par peur d’un châtiment, ne parvient pas à franchir la porte et à naître dans le monde extérieur.

Les contes et les mythes s’offrent à une interprétation psychologique. Jung pose la métaphore d’un inconscient collectif qui est un ancestral patrimoine des possibilités de représentation de l’esprit humain et qui, contrairement au modèle de Freud, n’est pas individuel mais commun à tous les hommes.

Les mythes décrivent des situations chargées d’affect comme celle d’Apollon tombé fou amoureux de la nymphe Daphné et qui ne le lui rend pas. Ce motif mythique dépeint un fantasme ou fixation. La mythologie peut être considérée comme une sorte de projection de l’inconscient collectif. L’inconscient collectif selon Jung semble être constitué de motifs mythologiques ou d’images primordiales que les mythes de toutes cultures et de toutes époques représentent.

Des images des temps anciens

L’image est dite primordiale lorsqu’elle possède un personnage archaïque. Jung parle de son caractère archaïque lorsque l’image est en accord étroit avec des motifs mythologiques familiers. Elle exprime alors un matériel littéraire provenant essentiellement de l’inconscient collectif et indique en même temps que les facteurs influençant la situation consciente du moment sont collectifs et non personnels.

L’image primordiale, que Jung nomme archétype, est toujours collective, c’est-à-dire qu’elle est au moins commune à des peuples ou des époques entières. Selon toute probabilité, les motifs mythologiques les plus importants sont communs à toutes les époques et à toutes les races.

L’image primordiale est liée tout autant à certains processus naturels tangibles, qui se perpétuent et opèrent continuellement, qu’à certains déterminants intérieurs de la vie psychique et de la vie en général. L’image primordiale exprime le pouvoir créateur unique et inconditionnel de la psyché. Elle est donc une condensation du processus de la vie. Elle donne un sens coordonné et cohérent aux perceptions sensorielles et intérieures, qui apparaissent d’abord sans ordre ni lien.

Les fondements des théories de Jung sur les archétypes et l’inconscient collectif ainsi que sa méthode d’interprétation (appelée amplification), dérivent des observations de Jung selon lesquelles ces images primordiales réapparaissaient spontanément dans les fantasmes, les rêves et l’art, ainsi que dans ses propres rêves, ses visions et ses expériences de vie transformatrices.

Le monoïdéisme d’Apollon pour Daphné est une telle image primordiale et partant, un archétype du Refusal of the call. Le terme archétype se réfère à la large récurrence de ces images sans les limites du temps ou de l’espace (a contrario de l’historiographie qui situe l’événement en un lieu et un temps donné). De manière significative, une telle définition de l’archétype suggère une relation totale entre la psyché subjective de l’individu et les contenus psychiques ou les images exprimées dans les formes objectives de l’art (extérieures lorsque l’artiste a projeté son œuvre dans le monde), y compris les récits mythiques et les contes de fées.

Jung illustre ainsi cette théorie par cette vision primitive et poétique de la nature : chaque matin, un héros divin naît de la mer et monte sur le char du soleil. A l’Ouest, une Grande Mère l’attend, et il est dévoré par elle lorsque la nuit tombe. Dans le ventre d’un dragon, il traverse les profondeurs de mers obscures et après un combat effroyable avec le serpent de la nuit, il renaît au matin.
L’interprétation de Jung de ce périple du héros solaire en tant que reflet de processus psychologiques inconscients est le sujet principal des symboles de la transformation. Jung interprète ce héros archétypal comme une image symbolique de la libido (ou force vitale), personnifiée comme un individu plus qu’humain qui descend dans les profondeurs de l’inconscient, un processus expérimental analogue à la descente cyclique du soleil à la tombée de la nuit. Ainsi, la nature prend forme humaine.

L’essence héroïque

L’essence du héros est celle d’un personnage qui passe de la joie à la tristesse, de la tristesse à la joie, et qui, comme le soleil, se dresse maintenant au zénith et est maintenant plongé dans la nuit la plus sombre, pour se relever dans une nouvelle splendeur.

Jung utilise indifféremment les termes nekuia (un rituel pour interpeller les morts sans descendre aux Enfers) et catabase (qui consiste à se rendre à la rencontre des défunts dans les Enfers) pour désigner ce périple dans les profondeurs de l’inconscient. Jung interprète ce voyage archétypal de descente comme un retour symbolique dans le ventre de la mère pour y trouver la force vitale qui renouvelle le héros et le ramène à la vie, renaissant.

Jung développe ses théories sur le symbolisme de l’image de la renaissance suggérant que le motif structurel de la mort et de la renaissance est le plus important archétype de la transformation. Jung assimile la renaissance (ou renovatio comme rénovation) à une transformation psychique qu’il caractérise comme un processus d’individuation, son modèle de développement humain.

Jung compare ce processus de transformation aux rites d’initiation primitifs, soulignant que l’individuation est accomplie par un processus ressemblant aux épreuves initiatiques. Selon Jung, l’individuation, c’est-à-dire le fait de devenir qui nous sommes vraiment et unique, est le but ultime de la vie humaine. Sans cette finalité, le monde n’aurait pas de sens ou serait absurde.

Joseph Campbell s’empara des théories de Jung pour développer la quête héroïque telle qu’il la percevait à travers les mythes. Tout comme la philosophie analytique, Campbell interprète le langage des mythes comme une grammaire ou un jeu de symboles et y voit un moyen de comprendre le monde.
D’où l’intérêt de Campbell pour la psychanalyse. Dans cette interprétation influente, Campbell identifie, décrit et interprète de manière créative les formes symboliques récurrentes, les figures, les événements, les situations et les thèmes typiques des mythes de la quête du héros dans le monde entier. Les archétypes sont alors partie prenante des cultures, du fondement des rituels, de la mythologie et des visions sur le monde.

Et cela inclut aussi les images archétypales trouvées dans les contes et les mythes comme autant de descriptions symboliques de l’aventure de se découvrir soi-même comme une projection du monde mythique que nous portons en nous. Campbel réaffirme l’analogie de Jung entre les cycles descendants du soleil et la vie humaine, en affirmant que, pour avancer, la sphère brillante doit se soumettre à la chute et disparaître, enfin, dans le ventre nocturne de la tombe.

Comme Jung, Campbell reconnaît une relation totale et cyclique entre les opposés de la naissance et de la mort, exprimée symboliquement dans le miroir de la nature. Ce que Campbell nomme ventre est ainsi pour lui le moyen d’unir en un même thème la mort & la vie : c’est un même concept. Campbell propose une métaphore puissante de l’imagerie cyclique de la naissance, de la mort et de la renaissance associée aux dieux et aux héros mythiques.

Ce que Campbell nous explique est que parfois le héros (ou l’héroïne) ne répondent pas à l’appel de l’aventure qui s’ouvre devant eux. Ils ne veulent pas assumer la tâche qui leur est proposée. Mais le récit dans lequel s’inscrivent ce héros et cette héroïne est très clair à ce sujet : c’est décidément une mauvaise idée de refuser cet appel car cela signifie la stagnation par la négation ou le rejet de la nécessité de progresser dans sa vie.

Ce que nous démontre le mythe est que l’être divin lié au héros ou à l’héroïne les harcèle sans cesse, les enfermant dans un labyrinthe symbolique. Campbell note que Carl Gustav Jung est persuadé que la psychanalyse trouve des modèles et des fixations très semblables au récit de la nymphe Daphné qui fuit les bras aimants du dieu Apollon.

What they represent is an impotence to put off the infantile ego, with its sphere of emotional relationships and ideals.

Ce que représente cette littérature est l’impuissance à se débarrasser de l’ego infantile et de sa sphère de relations affectives et d’idéaux.

Joseph Campbell reprend l’idée d’individuation de Jung en l’interprétant comme le moi (ou ego) devenant entier (ou un) par la synthèse de ses aspects conscients et inconscients, actifs et passifs. Il s’agit donc d’un idéal qui consiste à être un individu unique dans sa globalité : cela signifie qu’il faut comprendre que les rôles que nous avons appris et définis socialement ne sont qu’une partie de ce que nous sommes et qu’une partie de notre potentiel.

Campbell oppose cela à la perspective et à l’éthique de l’hindouisme, qu’il comprend comme une identification totale à nos rôles sociaux, mais qui, n’étant pas satisfaisante, nous incite à nous débarrasser de l’ego pour tomber comme des gouttes de pluie dans la mer de l’être – un état d’unité.

Campbell propose une autre façon d’échapper à l’image de soi et au rôle social, à savoir la maturation de l’ego. Comme le décrit Jung, dans la première partie de la vie, nous développons toutes ces compétences sociales et professionnelles qui constituent cet aspect de notre identité, mais nous pouvons en venir à ressentir qu’il s’agit plutôt d’un enfermement parce que nous nous sommes trop identifiés à une seule partie de notre psyché.

Cela nous conduit à nous sentir appauvris. Dans la seconde moitié de la vie, le processus d’individuation amène l’ego à établir une sorte de relation dynamique avec l’inconscient. Ainsi, nous amenons à la conscience des parties de nous-mêmes précédemment cachées ou niées.
Il s’agit d’un processus de croissance au cours duquel nous reconnaissons des expériences plus vastes et plus profondes (une ouverture sur qui nous sommes vraiment en quelque sorte). Ainsi, le sentiment de contrainte de l’image de nous-mêmes que nous avons conçue est dépassé et, conformément aux étapes de la vie selon l’hindouisme, nous entrons dans la forêt comme lieu de création et de procréation (de vie donc ne serait-ce que par la biodiversité qui s’en nourrit et s’y développe). En d’autres termes, le but n’est pas de mettre de côté l’ego ou d’échapper à la partie concrète du soi, mais plutôt de le réaliser pleinement en intégrant autant que possible les aspects de l’inconscient.

Il existe également une façon de comprendre l’usage différent du terme ego d’un point de vue freudien, selon laquelle le moi que nous cherchons à abandonner est le moi infantile (infantile ego). Joseph Campbell voit en termes freudiens l’utilisation du terme ego infantile comme correspondant à peu près au Ça (inconnu et inconscient) qui ne vit qu’au niveau du Je veux – l’accent est ainsi mis sur la satisfaction biologique.

Campbell pense que cela ressemble aux deux premiers objectifs traditionnels de la vie hindoue : kama (le plaisir) et artha (les choses), où kama est la jouissance et le plaisir sensuel (apprécié des épicuriens mais difficilement acceptable du point de vue moral [il est toujours bon de posséder un point de vue, quel qu’il soit], et artha signifie en sanskrit richesse ou propriété et la poursuite de la richesse ou des avantages matériels.

Le troisième objectif (ou plutôt le premier de ces désirs de l’âme) est le dharma qui, selon Campbell, correspond à peu près au surmoi de Freud en tant que conscience liée aux valeurs apprises et aux inhibitions qui contrôlent les pulsions biologiques.
Hérité de l’autorité parentale, le Tu devras du surmoi contrecarre le Je veux inconscient du çà. L’ultime désir de l’âme est Moksha (la liberté) que Campbell interprète comme une abolition, un anéantissement. Ici, les besoins initiaux du vouloir et de l’avoir sont frustrés et inhibés et, à cause de ce conflit provoqué par les règles sociales, l’ego ne cherche qu’à s’éteindre ; dans ce contexte, cela signifie la liberté et la libération d’une volonté et d’un désir de vivre et de réussir.

Ainsi, dans ce cadre de référence de la pratique hindouiste, l’abolition est celle de l’ego infantile qui contraste avec la possibilité d’établir un ego mature.

Aham

Aham est un terme sanskrit qui signifie soi ou je. Ainsi, dans les pratiques spirituelles orientales, le Je (en sanskrit aham) suggère de souhaiter, de vouloir, de désirer, de craindre et ainsi de suite – toutes les impulsions décrites par Freud (qui correspond dans l’hindouisme à un faux ego, c’est-à-dire à une conscience de soi comme corps matériel et non être spirituel).

L’ego, tel que défini par Freud, est une faculté psychologique qui nous relie objectivement à la réalité extérieure. Il s’agit donc de cet ici et maintenant et du monde tel qu’il est objectivement observé, reconnu, jugé, connu et de nous en lui.

Cette objectivité (qui est une problématique en soi) est un acte réfléchi initié par un ego conscient et responsable. Il est donc très différent de l’action d’un Je désireux et indompté ; différent aussi de la conduite gouvernée par l’obéissance inconditionnelle à un code hérité depuis longtemps.

L’ego mature nous permet de continuer à fonctionner dans le monde et à établir des relations avec autrui et avec notre environnement sans devenir psychotique. Ceux d’entre nous qui, en Occident, entendent l’instruction spirituelle de renoncer à l’ego peuvent être aidés si nous pensons que ce qui doit être éteint est le besoin de l’ego dominé par le Ça (l’inconscient).
De même, lorsque le message consiste à renoncer au moi, il peut être compris de la même manière – on peut renoncer au moi exigeant, mais pas au moi en tant que tel que Jung considérait comme le point central de l’individuation.

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