LES ROUAGES DE DRAMATICA – 3

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Essayer de comprendre Dramatica n’est pas chose aisée. Tenter de le comprendre pour l’enseigner… encore moins.

Tout fonctionne par quaternités chez Dramatica. C’est le fondement du modèle que cette théorie propose.

Dramatica

Le modèle actuel est basé sur la connaissance (Knowledge sur le graphique). Ce parti pris implique deux choses : a) la connaissance (Knowledge) se situe dans le coin supérieur gauche de la quaternité, et b) la signification que nous pouvons en inférer (Dramatica emploie appréciation (Appreciation pour le nominatif et Appreciate pour le verbe) pour décrire ce processus) est une fonction de la connaissance.
James Hull prend soin de préciser qu’il s’agit d’un parti-pris donc quelque chose d’arbitraire qui pourrait faire craindre pour notre créativité. Mais il s’avère que cette théorie dont la pratique n’est certes pas aisée mais qui a le mérite d’exister ne nuit nullement à notre inventivité, à ce souffle créateur que chacun d’entre nous possède indéniablement.

Il est un peu délicat d’interpréter le terme d’appréciation dont Dramatica use à satiété dans ce contexte : je ne parviens pas encore à décider si je dois le considérer comme une estimation d’un phénomène perçu par les sens [puisque James Hull (qui me sert de prétexte à cet article) met en avant la question de la connaissance, il me vient aussitôt à l’esprit la notion d’expérience] et dans ce cas, c’est un jugement totalement subjectif.
Concrètement, la réalité que confronte un personnage est fortement biaisée par le prisme (ne serait-ce que notre imagination qui s’applique sur les données sensibles [ces données ne sont pas la réalité, seulement un fragment de celle-ci] qui modifie la réalité perçue qui devient alors une représentation.

Et il peut y avoir autant de choses représentées (de manières de se représenter les choses) que d’individus qui observent une même réalité (on ne parle plus de réel d’ailleurs mais de phénomène). La signification est alors individuelle (peut-être pourrait-on expliquer par là la compassion que nous éprouvons face aux tribulations du personnage principal).

L’expérience apporterait donc de la signification. Cette signification est-elle le résultat de la connaissance ?

Selon James Hull, il faut un parti pris (donc se soumettre à un choix arbitraire) dans la recherche du sens, un contexte à partir duquel on peut comprendre un phénomène (on infère de la signification à partir des données sensibles intériorisées, c’est-à-dire altérées par de nombreux facteurs étroitement liés à notre vécu).

Des concepts hiérarchisés

La version originale de Dramatica a choisi la connaissance. C’est ce qui l’autorise à légitimer les classes (ou domaines), les types, les variations de type et les éléments de caractérisation des personnages à la manière des catégories de Kant qui seraient a priori dans notre esprit (pour Dramatica, ces notions sont des sortes de contenants a priori du récit dont les contenus seraient l’histoire).

Cette façon s’aligne plus étroitement sur la pensée linéaire occidentale qui est essentiellement causale. Un phénomène est la cause d’un autre phénomène. Il est vrai qu’en fiction, cette causalité est pratique pour apporter du sens.

Seulement Dramatica insiste sur l’idée qu’un lien causal entre deux événements (l’un est la cause et l’autre l’effet), cela ne signifie nullement que l’effet est toujours le résultat d’une même cause. Je prends un exemple.
Depuis quelques années déjà, on sait que le soleil se lève. On sait aussi que l’aurore précède immédiatement le lever du soleil. C’est un phénomène observable et dont on a tous fait l’expérience et certainement plus d’une fois dans sa vie.

L’accoutumance ou l’habitude de ce phénomène en ont fait une nécessité. Pourtant, c’est loin d’être une évidence comme deux plus deux font quatre. Qu’est-ce qui me garantit que l’aurore continuera de précéder le lever du soleil demain ? Si je continue sur cette voie, vous allez m’objecter que je sombre dans le scepticisme.

James Hull explique que cette pensée linéaire propre à l’Occident explique que nous avons tendance à solutionner nos questionnements sur la base de certitudes. L’un de ces préjugés est l’hypothèse des contraires. Il peut sembler paradoxal d’employer dans la même phrase préjugé et hypothèse. Il faut comprendre préjugé comme ce qui a été jugé dans un cas semblable ou analogue (on en revient à l’habitude qui, sans que cela soit vraiment rationnel, fait force de nécessité ou de loi).

L’hypothèse est une proposition que l’on admet sans chercher à la vérifier, à connaître sa valeur de vérité. Nous jugeons selon cette hypothèse des contraires qu’un interrupteur, par exemple, ne peut être qu’ouvert ou fermé.

Et qu’en conséquence, nous ne nous représentons pas la transition dynamique entre l’allumage et l’extinction.
James Hull emploie l’expression dynamic transition. La transition est bien un passage d’un état à un autre. L’allumage et l’extinction sont effectivement deux états qui ne se justifient d’ailleurs que l’un par rapport à l’autre (on ne comprend pas l’extinction si on ignore qu’il y a un allumage).

On ne saurait définir le mal si on ne le comparait pas au bien, si l’on ne parvenait pas par maintes circonlocutions à le lier au bien ou encore à le séparer du bien. Cette séparation n’implique pas que le mal soit absolu (l’innéisme pourrait le vouloir ainsi) mais puisque cette division est possible, alors un acte quelconque présenterait deux aspects si l’envie nous prenait de l’analyser.

L’expression fait sens par le concept de dynamique. Ce qui compte, ce ne sont pas les extrémités mais le mouvement, le passage entre ces deux points. Rien ne peut être ou blanc ou noir. Tout est en nuances de gris.

Le protagoniste et l’antagoniste sont-ils vraiment antithétiques ? Comment traduire cette nuance de gris entre ces deux fonctions ?

Des points de vue contraires mais légitimes

Nous pourrions nous référer à Hegel et considérez que ces deux fonctions s’affrontent dialectiquement avec des arguments tout à fait légitimes. C’est dans la confrontation parfaitement justifiée de deux argumentations que la fiction peut édifier son lecteur, lui fournir des éléments d’appréciation sur quelque chose ou quelqu’un. Sinon elle verse dans la propagande.

Continuons avec James Hull :
Si je suppose que ce que je sais est effectivement vrai, alors mes désirs (Desire sur le graphique ci-dessus) ne sont pas l’opposé dynamique de cette connaissance (Knowkledge). Les deux peuvent présenter un comportement de dépendance l’un par rapport à l’autre, mais ils existent en tandem. Par exemple, certains sont persuadés que le monde est plat. Cette connaissance est pour eux une source de bonheur immense et les poussent à vouloir être avec d’autres qui le connaissent ainsi. Le conflit dynamique n’est pas présent dans cette relation – la connaissance est un état d’esprit externe, le désir est un processus interne.

De même, si ce que je suppose savoir est vrai, alors mes capacités (Ability sur le graphique) ne servent qu’à amplifier ou à diminuer cette connaissance. La connaissance (Knowledge) et les facultés (Ability) sont compagnons dans l’esprit (Companion Pairs).

Un talent naturel (là aussi, on peut s’interroger sur l’innéisme, est-ce qu’une faculté est innée ou bien acquise par l’apprentissage, par l’expérience) peut renforcer la connaissance et être employé aussi à prendre un avantage sur autrui. James Hull constate donc que dans cette relation d’action réciproque, il n’y a pas non plus de situation conflictuelle et selon Dramatica, Knowledge est toujours un état externe et Ability est un processus externe (c’est une activité physique quelconque qui se déploie dans le monde).

La connaissance (Knowledge) et la pensée (Thought) [qui rend possible la connaissance selon Dramatica] s’opposent comme si la réalité du monde et notre perception de cette réalité se heurtaient surtout lorsque cette connaissance est assumée vraie ajoute James Hull.

La connaissance et la pensée (notre entendement) entrent en collision de la même manière que la masse et l’énergie dans l’univers. Dirigez suffisamment d’énergie et vous pourrez briser une masse apparemment impénétrable. Le même processus se produit dans l’esprit : vous pouvez savoir que quelque chose est impénétrablement vrai – mais diriger suffisamment de pensées vers lui, et vous pouvez faire éclater ces idées préconçues.

Un conflit dynamique n’est pas nécessairement dommageable. L’entendement et la connaissance peuvent agir de manière à ce que la connaissance grandisse de cette relation.

Le conflit n’est pas une fonction des contraires. Lorsque la connaissance est considérée comme allant de soi, la source de conflit la plus importante pour elle est la pensée. Les capacités et les désirs travaillent de concert avec la connaissance, en la soutenant par une sorte de compagnonnage et des dépendances.

Nous continuerons à décortiquer les rouages de Dramatica en compagnie de James Hull dans le prochain article.

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