ROBERT McKEE : L’INTRIGUE

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L’intrigue est une suite d’événements cohérents reliés entre eux (même parfois par le plus ténu des liens),  et qui au fil du temps trame une histoire.
L’inspiration est certainement nécessaire mais un auteur ne peut pas se contenter de jeter des événements à son bon gré en espérant que tout aille bien. L’auteur écrit et réécrit son scénario, il travaille son inspiration mais ne la musèle pas. L’idée de ce processus d’écriture et de réécriture est de faire paraître que les choses soient naturelles et prodiguées sans effort alors que dans la réalité de l’auteur, elles ont demandé beaucoup d’efforts et de réflexion.

Construire une intrigue, c’est suivre un chemin qui présente des dizaines d’embranchements possibles dont généralement, il faut choisir le bon pour ne pas se fourvoyer. Il est de la responsabilité de l’auteur de choisir et de concevoir les événements et leur ordre chronologique.
Pour un auteur, le challenge est de parvenir à interpréter la vie intérieure d’un personnage par son comportement et de faire en sorte que le lecteur comprenne ce qui se passe dans la tête du personnage en observant son comportement. Donc, pour Robert McKee, il faut éviter les intertitres, les narrateurs ou emplir la bouche de vos personnages de dialogues explicites et barbants. McKee cite John Carpenter :
« Movies are about making mental things physical.
Les films consistent à rendre les  choses mentales physiques.

Une intrigue classique consiste à construire une histoire basée sur un protagoniste actif qui lutte principalement contre des forces externes (l’antagonisme) dans la poursuite d’un désir impérieux au cours d’une réalité fictionnelle cohérente dont les événements relatent entre eux par un lien de causalité jusqu’à un final marquant un changement absolu et irréversible.
C’est la définition qu’en donne Robert McKee.

Pour résumé cette intrigue classique :
causalité,
– une fin fermée (l’intrigue peut cependant proposer une fin ouverte qui au lieu de répondre aux questions posées par l’histoire laisse au lecteur le soin d’imaginer la suite selon son propre ressenti de cette histoire),
– un temps linéaire (l’intrigue est continue),
– un conflit externe (de nos jours, le conflit interne chez le personnage prend de plus en plus d’importance jusqu’au point de se révéler indispensable au succès d’une histoire),
– un seul protagoniste (certaines histoires cependant mettent en œuvre plusieurs protagonistes mais même dans ce cas, l’un d’entre eux se révèle le personnage central de l’histoire),
– une réalité cohérente,
– un protagoniste actif (dans certains cas, le protagoniste est passif). Référez-vous à cet article pour la définition d’un personnage actif.

Une fin fermée ou ouverte ?
Lorsque la fin est fermée, cela signifie que toutes les questions posées par l’histoire ont été répondues et que toutes les émotions évoquées dans l’esprit du lecteur par la magie de l’histoire se sont calmées. Le lecteur n’a ni doute, ni frustration.
Lorsqu’une ou deux des questions qu’a soulevées l’histoire ne sont pas résolues et qu’il est laissé libre choix au lecteur d’imaginer les réponses possibles, la fin est prétendue ouverte. Concernant les émotions sur lesquelles le récit a mis l’emphase et qui ont fait écho dans l’esprit du lecteur, la plupart trouveront le moyen d’être apaisées, d’être soulagées mais certaines peuvent rester en suspens et le lecteur devra faire avec, tentant de comprendre cette émotion et de lui apporter sa propre réponse.
Une fin ouverte n’est pas une invitation à lire la suite de l’histoire lors d’un prochain épisode. L’histoire est terminée mais elle a laissé quelques pistes de réflexions que le lecteur peut suivre pour prolonger l’expérience qu’il a vécue avec cette histoire.

Lors du climax qui exprime un changement absolu et irréversible, si toutes les questions soulevées par le récit ont été répondues et si toutes les émotions qui se sont emparées du lecteur au cours de l’histoire ont été satisfaites, la fin est fermée.
Si le climax ne répond pas à toutes les questions (généralement une ou deux) ou si les émotions dans l’esprit du lecteur sont toujours vivaces à la fin de l’histoire, la fin reste ouverte.
Par exemple, dans Je suis une légende de Akiva Goldsman, Mark Protosevich, d’après l’œuvre de Richard Matheson, le sacrifice de Robert Nerville permet à Anna et à Ethan de survivre et de rejoindre le camp de rescapés. Mais cette fin, frustrante pour le lecteur, n’a pas éteint l’émotion que ce sacrifice a provoqué chez le lecteur. C’est ainsi qu’une fin alternative qui n’a pas été retenue pour la sortie en salles montre que le chef des contaminés laisse repartir les survivants après que Nerville lui est rendu sa femme. Dans ce cas, effectivement, la fin de l’histoire est alors totalement fermée.

Conflits externe et interne
Bien souvent, alors que le personnage central de l’histoire connaît de graves problèmes en interne, caractéristiques de sa psyché, l’accent est mis sur les conflits externes, peut-être à cause de leur plus grande facilité à mettre en œuvre visuellement. Les différends que le personnage rencontre dans ses relations interpersonnelles, son combat contre des institutions sociales ou contre des forces physiques et bien identifiées cachent les combats du personnage avec ses propres pensées et sentiments, conscients ou inconscients.
Gardez cependant à l’esprit, que l’action est personnage. Ce qui se passe à l’intérieur du personnage détermine les actions de celui-ci. L’évolution personnelle du personnage (son arc dramatique) prend alors toute l’importance dûe à sa fonction. C’est pour cette raison que l’accent est alors mis sur les changements en interne du personnage et ceux-ci deviennent visibles au travers du comportement du personnage.

Temps linéaire
Une histoire débute à un moment donné dans le temps, suit une chronologie d’événements plus ou moins continue (les événements peuvent survenir à différents moments dans le temps, il n’est pas obligatoire qu’ils se succèdent dans la même unité de temps) et se termine à un moment postérieur à tous les autres moments de l’histoire.
Si des flashbacks sont utilisés, ils sont gérés de telle manière à permettre au lecteur de replacer les événements cités dans l’histoire dans un ordre chronologique.

Si le temps linéaire n’est pas respecté, nous pouvons nous référer à Godard qui remarque que ses histoires ont un début, un milieu et une fin… mais pas nécessairement dans cet ordre.
Les histoires qui traitent de réalités alternatives sont certainement celles qui parviennent le mieux à tirer l’essence d’un temps narratif non linéaire. Mr Nobody de Jaco Van Dormael ou  La vie est belle de Frank Capra en sont d’excellents exemples.

Causalité
Les histoires montrent comment les choses se produisent dans le monde fictionnel, comment une cause crée un effet et comment cet effet devient à son tour la cause d’un autre effet. Ces liens de causalité entre les événements donnent du sens à l’histoire. Ils l’amènent à la vie en quelque sorte comme un battement continuel jusqu’au climax. Une histoire met en évidence l’interdépendance des événements.
Hormis dans l’incident déclencheur, il est préférable d’éviter l’introduction du hasard dans les événements. Les coïncidences ont une fâcheuse tendance à discréditer une histoire.

Réalité cohérente
Le monde que vous avez créé obeit à ces propres règles de causalité. Une histoire se déploie à l’intérieur d’une réalité cohérente mais cette réalité n’est pas LA REALITE.
Une réalité fictionnelle cohérente met en place des éléments de fiction qui établissent des modes d’interaction entre les personnages et leur monde. Ces interactions sont constantes tout au long du récit afin de créer du sens.
Même dans une histoire de fantasy, l’univers magique obéit à ses propres règles et celles-ci lui donnent sa légitimité.

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