LA FICTION (2)

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Une fiction est habituellement construite autour d’une structure en trois actes : un début, un milieu et une fin. Chaque acte de la structure possède son propre but.
Le but du début d’une histoire est d’introduire les personnages (au moins le personnage principal) et le conflit. Un autre but et non des moindres est de capter et de retenir l’attention du lecteur.
Une façon d’y parvenir est de créer une question dramatique dans l’esprit du lecteur (la plus courante serait du style Mais va-t-il s’en sortir ?).

Un autre moyen pour que le lecteur ne s’ennuie pas au cours de votre premier acte (qui n’est qu’exposition) est d’immerger le lecteur rapidement dans l’action.
Frank O’Connor  a dit qu’une bonne histoire devrait commencer lorsque tout sauf l’action précisément a déjà été mis en place. D’autant plus que l’exposition est implicite à l’action (en décrivant l’action, vous illustrez votre monde).

Le profil des personnages

Vous allez devoir montrer le profil psychologique de vos personnages. Vous pourriez le faire à la manière d’une litanie en énumérant les différents traits de caractère pour dessiner une psyché. Ennuyeux !
Mais à travers l’action, en montrant les comportements, les attitudes, les postures, les réactions de vos personnages au cours de l’action, vous les décrivez bien mieux en fournissant au lecteur bien plus d’indices sur leurs personnalités ou sur ce qu’il se passe à l’intérieur d’eux à un moment particulier. En dramatisant ainsi l’information, celle-ci reste avec le lecteur.

Quant au conflit, le principe est le même. Lorsqu’il est bien exposé, c’est-à-dire montrer en action avec du sens (ce que l’on nomme aussi dramatiser), il capturera l’attention du lecteur.

Il existe des stratégies d’ouverture (quelques unes ci-après) pour accrocher le lecteur en présentant le conflit immédiat.
Considérez le début de votre fiction comme les premiers coups de pinceau de celle-ci conçus pour l’amorcer de manière convaincante et efficace.

La déstabilisation

Vous présentez une routine de vie du protagoniste puis il se passe un incident qui viendra perturber cet équilibre de vie du héros. C’est une structure classique pour initier une intrigue.
Deux réactions sont alors possibles : ou le héros va se battre pour restaurer l’ordre perturbé ou bien il acceptera que cet ordre ne puisse jamais être restauré.

Face à cet événement perturbateur, le protagoniste devra faire des choix et agir en conséquence. Les actions qu’il prend définissent en fait le personnage.
Par exemple, vous avez un personnage qui déjeune tous les jours de la semaine au même restaurant. Puis un jour, il ou elle aperçoit sa mère que ce personnage n’a plus vu depuis une vingtaine d’années faire du lèche-vitrines.

La rencontre

Une rencontre fortuite est une variation de la déstabilisation. Il y a deux possibilités : ou il s’agit d’une première rencontre (les deux personnages ne se connaissant pas) ou bien il s’agit d’une rencontre véritablement fortuite avec quelqu’un que l’on a perdu de vue (qui appartient donc nécessairement au passé de votre protagoniste).

La rencontre se fonde sur des éléments d’exposition relatifs au lieu où celle-ci va se produire et à ce que faisait le personnage au moment de la rencontre (ce qui limite l’impact du hasard qui n’est jamais véritablement accepté par le lecteur).
Par exemple, dans Les lumières de la ville, si Charlot décide de traverser la voiture pour se rendre sur le trottoir où il rencontre pour la première fois la jeune fleuriste, ce n’est pas dû au hasard mais parce que cela était la seule solution qui s’offrait à lui pour s’éloigner du policier.

Le motif le plus souvent utilisé (parce qu’il offre des perspectives dramatiques plus fournies qu’une première rencontre) est le surgissement d’une connaissance du passé depuis longtemps perdue de vue.
Ce qui est intéressant avec cet angle d’entrée dans l’intrigue est que ce personnage du passé pourrait être lié au défaut majeur de votre protagoniste. Il pourrait être la cause d’un développement psychologique incomplet de votre héros ou bien lui avoir laissé une cicatrice qui le fait encore souffrir. Prenez l’exemple de Rick dans Casablanca qui est encore en souffrance de sa séparation brutale d’avec Ilsa et qui n’aspire qu’à se venger.

L’idée de la rencontre (lorsqu’il ne s’agit pas d’une première rencontre) est d’injecter un problème du passé dans la situation présente (ce qui perturbe nécessairement la routine de vie de votre protagoniste).
Même une première rencontre peut être organisée. Par exemple, dans Les 101 Dalmatiens, lorsque Pongo cherche à attirer l’attention de Roger et d’Anita en emmêlant sa laisse et celle de Perdita, cela finit par le mariage de Roger et… d’Anita.

Un mystérieux étranger

Le mystérieux étranger est une technique pour lancer l’intrigue qui consiste une fois que vous avez exposé votre univers (personnages, lieu, époque…) d’introduire un nouvel élément suffisamment dynamique dans votre monde  pour créer une perturbation.
Ce peut être un personnage mais cela n’est pas obligatoire. La nature, par exemple, pourrait mettre son grain de sel dans votre univers.

Un nouvel employé fait son entrée dans votre entreprise pour aider à absorber une surcharge de travail qui devient vraiment impossible à gérer. Nous sommes en plein mois d’août mais une fois cette personne engagée, elle refuse de se mettre au travail. Nous vous laissons imaginer les possibilités de développement.

C’est ainsi aussi que le révérend auto-proclamé Harry Powell entre dans la vie (et la bouleverse) de Willa, la veuve de Ben Harper.
Ce qui lance l’intrigue puisque son objectif est de faire avouer aux enfants de Harper où est caché le magot de 10000 dollars (La Nuit du Chasseur).

Une révélation choquante

Le protagoniste n’a jamais entendu parler d’un point de vue particulier ou d’une vérité particulière jusqu’au moment où il apprend cette vérité.
Cette vérité est suffisamment forte et perturbante pour le héros qu’elle crée l’intrigue parce que votre protagoniste doit maintenant faire face à cette vérité qu’il va devoir gérer.

Il peut tout aussi bien s’agir d’une découverte au lieu d’une vérité. L’un comme l’autre doivent être assez déconcertants pour perturber l’équilibre de vie du héros, lui faire voir soudainement les choses autrement.
Imaginez, par exemple, qu’une femme avoue à son mari qu’elle n’a jamais connu d’orgasme avec lui. Elle ne lui en veut pas et ne l’accuse pas. Elle lui dit simplement une vérité et qu’elle pense qu’elle ne pourra jamais en fait connaître d’orgasme avec lui. Déstabilisant, non ? Un autre exemple serait la découverte d’une vieille photographie révélant une vérité bien cachée.

L’expectation contre la réalité des faits

Ce motif permet de confronter l’idée que se fait un personnage d’une situation avec la réalité des faits de cette situation. Nous pourrions dire qu’il se voyait déjà en haut de l’affiche…
C’est aussi l’image d’une jeune fille qui croit aux princes charmants et qui se réveille un beau matin découvrant une réalité bien plus sordide et réelle.

Le road movie

Ce motif est même devenu un genre à part entière et il remonte à Ulysse !

La structure est simple : le personnage principal est dans un lieu A et il prend la route pour se rendre en un lieu B. L’intrigue se déploie entre le départ et l’arrivée. Lorsqu’il arrive, l’histoire se termine. Il n’est pas obligé d’arriver à la destination prévue dont la motivation pour s’y rendre pourrait n’être qu’un McGuffin (un artifice dramatique prétexte à lancer l’intrigue).
Thelma et Louise n’arriveront jamais au Mexique mais à la seule destination qu’il leur était possible d’atteindre.

Le départ est généralement ce qui rompt la routine de vie du héros. Il n’est pas nécessairement l’incident déclencheur. Celui-ci pourrait inciter le protagoniste à partir mais le moment où il prend la décision de partir intervient souvent après.
Et c’est à ce moment qu’il y a un réel déséquilibre, l’incident déclencheur ne servant qu’à initier un mouvement irrésistible.

FRANK O’CONNOR

Frank O’Connor a dit qu’une histoire exige trois choses :

  1. Exposition
  2. Développement
  3. Dramatisation

frankOConnorSi vous pouvez résumer votre fiction en trois lignes, chaque ligne se référant à chacune de ces exigences, vous avez le matériel pour l’écrire. Vous pouvez ainsi vérifier par vous-mêmes que vous avez établi une routine de vie pour votre personnage principal, que vous avez créé un élément perturbateur suffisamment puissant pour briser cet équilibre et que vous avez donné à votre protagoniste une raison de se battre pour quelque chose.

Exemple :

  1. Exposition
    Votre personnage principal est un notaire dans une petite ville de province.
  2. Développement
    Un jour, sa femme lui dit qu’elle le quitte pour un autre homme.
  3. Dramatisation
    « Tu ne feras rien de la sorte » lui dit-il.

L’exposition nous apprend que notre personnage principal est un notaire d’une petite ville de province (elle introduit aussi ce personnage). A partir de cette seule information, on peut déduire le milieu social, l’environnement dans lequel s’installe l’histoire.
Par nos propres perceptions et nos expériences, on peut sentir ou deviner une routine de vie, celle d’un notaire d’une petite ville de province même si nous ne sommes pas nous-mêmes notaires.

Le développement nous expose l’incident déclencheur qui va venir déséquilibrer les habitudes de vie du notaire. On sait maintenant (ou on l’esquisse dans notre esprit) ce qui est en jeu pour notre personnage principal : son mariage d’abord mais aussi peut-être sa réputation, son estime de soi et pourquoi pas  sa carrière.

La dramatisation (qui ajoute le conflit) nous illustre le but de notre protagoniste : sauver son mariage. Si sa vie de couple est restaurée, redevient ce qu’elle était avant, son équilibre (son monde ordinaire d’avant l’incident déclencheur) sera rétabli.

Deux questions devraient être soulevées à ce moment de vos réflexions :

  1. Qu’est-ce que veut mon personnage principal ?
  2. Qu’est-ce qui l’empêche de l’obtenir ?

Concernant notre exemple, on sait qu’il veut sauver son mariage et on sait aussi ce qui se mettra en travers de cet objectif : sa femme.

Si vous ne parvenez pas à informer votre lecteur sur vos personnages et le monde dans lequel ils vivent (informations nécessaires pour qu’il apprécie à sa juste valeur le conflit que votre personnage principal affrontera), vous avez un problème avec l’exposition.

Si vous ne parvenez pas à trouver un incident déclencheur (un moment particulier de la vie de votre héros qui bouleversera son quotidien), vous allez rencontrer un problème avec la structure de votre premier acte.

Notez aussi que l’incident déclencheur peut avoir eu lieu avant le début de l’histoire. Dans ce cas, c’est un Call to Action (une décision de s’engager dans l’aventure) qui servira à brouiller les cartes du quotidien de votre héros.
Vous devez aboutir à un personnage qui va se battre pour quelque chose, c’est ce qui fait une fiction.

Si la dramatisation vous semble vague, indéfinie, c’est du côté du conflit et de la motivation que se situera le problème.

Pour continuer votre lecture :

  1. LA FICTION (1)
  2. LA FICTION (3)

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