DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (2)

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Second article sur la traduction commentée de la théorie narrative Dramatica : DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE

Un auteur libre

Tandis que certains auteurs écrivent spécifiquement pour affirmer quelque chose à une audience, beaucoup d’autres écrivent parce qu’ils veulent suivre leur muse personnelle. Parfois Écrire est une catharsis ou une exploration de soi. L’écriture est parfois un partage d’expériences, des images fragmentées ou juste un point de vue.  C’est parfois montrer la voie à suivre ou peut-être juste présenter des ressources émotionnelles avec lesquelles un lecteur peut construire sa propre vision.

Les communications interactives (on parle aussi d’intersubjectivité) questionnent la validité même d’une histoire linéaire (c’est le récit qui est linéaire, il suit le temps. Par contre, l’histoire peut faire des allers-retours dans le temps. On parle alors d’analepses ou de prolepses). Il y a beaucoup de façons de communiquer et elles ont autant de valeurs les unes que les autres, le choix dépend de comment l’on souhaite affecter ses lecteurs.

Ce paragraphe résume en fait l’assertion qu’un auteur est libre de communiquer comme il le souhaite. Raconter une histoire n’est pas une action véritablement interactive même si le lecteur est rarement passif (du moins sur le plan émotionnel).

Sur quoi porte Dramatica

Avec toutes ces formes de communication, Dramatica n’est-elle pas sévèrement limitée en ne concernant que le Grand Argument Story ?
La réponse est Non.
Le concept de Grand Argument Story est abordé dans la première partie de la traduction de Dramatica.
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (1)

Le modèle de Grand Argument dont s’inspire Dramatica s’articule autour de toutes les façons qu’a un esprit (le nôtre s’entend) pour aborder un problème. Partant, toutes les autres formes de communication utiliseront les mêmes façons mais dans des combinaisons, des séquences ou des portions différentes de celles-ci (en reformulant, je crois comprendre que toutes les formes de communication existantes ou à venir prennent leur modèle dans la manière bien spécifique qu’à l’esprit humain confronté à la résolution des problèmes. Chaque esprit adopte la méthode qu’il pense la meilleure ce qui n’exclut pas parfois de nombreux essais avant de trouver la solution d’un problème).

Il est connu que le moins qu’on en dit, plus le lecteur utilise son imagination. Un Grand Argument Story aborde toutes les façons car il ne se contente pas de piocher çà et là des informations pour soutenir une assertion, ce qui serait davantage de la propagande.
C
omme il ne privilégie pas plus certaines informations. Il présente une liste exhaustive de toutes les possibilités de résolution d’un problème. Dramatica, pour préciser les choses, considère qu’une histoire est comme un processus de résolution de problème, processus que l’esprit met en branle quotidiennement.

Le Grand Argument Story précise tout, même ce qui est obscurément caché au cœur du divertissement. D’autres formes de communication utilisent des tranches du modèle, des morceaux ou des niveaux. Même si un auteur n’en a pas conscience, le fait que l’esprit humain partage des concepts essentiels et universels [selon les auteurs de Dramatica] explique qu’un auteur utilisera des concepts et des schémas de pensée que l’on trouve dans le modèle Dramatica.

Symboles et Concepts

Il a été avancé que peut-être les symboles que nous utilisons sont ce qui crée les concepts et que par conséquent, qu’aucune compréhension universelle entre les cultures, les races et les époques n’est possible. Dramatica fonctionne parce qu’en effet, il existe des concepts communs : la moralité, par exemple.

La moralité, un concept universel ? Oui. Tout le monde ne partage pas la même définition de la moralité mais chaque culture, chaque individu appréhendent certains concepts qui signifient moralité pour eux (Melanie Anne Phillips est peut-être sur le point de nous citer Kant).
En d’autres mots, le concept de moralité peut avoir de nombreuses et différentes significations (selon la culture ou l’expérience) mais elles sont toutes des significations différentes de l’idée de moralité. Ainsi, il peut être des concepts essentiels universellement partagés même s’ils s’éloignent les uns des autres par leurs interprétations variées. C’est au travers de ce cadre de concepts essentiels que la communication est possible (effectivement, elle fait définitivement référence à Kant).

Communiquer des concepts au travers de symboles

Comment des concepts essentiels peuvent être communiqués ? Certainement pas dans leurs formes pures, intuitives, directement d’esprit à esprit (pas encore, du moins). Pour communiquer un concept, un auteur peut le symboliser que ce soit en mots, en actions, en comparaisons, en interactions…
Dès qu’un concept est symbolisé (ou représenté ou encore illustré), il devient culturellement spécifique et par conséquent inaccessible à la plupart du reste du monde.

Même à l’intérieur d’une même culture, les expériences différentes de chaque lecteur peut mener à une légère différence d’interprétation des schémas complexes représentés par des symboles eux-mêmes complexes.
Par ailleurs, c’est l’acceptation de symboles communs de communication qui définit une culture. Par exemple, lorsque nous voyons un enfant chuter et pleurer, nous n’avons pas besoin de connaître quel langage il parle ou de quelle culture il est issu afin de comprendre ce qu’il s’est passé.

Si nous observons le même événement dans une histoire, cependant, il se peut que dans la culture de l’auteur, un enfant en larmes soit tenu en piètre estime. Dans ce cas alors, les émotions de tristesse que nous pourrions ressentir dans notre culture ne sont pas du tout ce qu’a voulu dire l’auteur.

L’intention de l’auteur

Avoir un sentiment ou un point de vue ne fait pas un auteur. On devient auteur au moment où l’on établit une intention de communiquer. Habituellement, une situation intrigante, un dialogue ou un peu d’action surgissent dans l’esprit et avec cela, le désir de le partager.
Presque immédiatement, la plupart des auteurs font un bond en avant dans leurs réflexions pour considérer comment le concept pourrait être le mieux présenté à son lecteur. En d’autres mots, avant même qu’une histoire achevée soit venue à l’esprit, la plupart des auteurs essaient déjà d’imaginer comment raconter les parties qu’ils ont déjà imaginées.

Donc, beaucoup d’auteurs en viennent au processus d’écriture avec de nombreux éléments : des scènes favorites, des personnages ou de l’action mais sans réelle idée de comment tout cela devrait s’assembler. Un problème commun est que toutes ces merveilleuses inspirations souvent n’appartiennent pas à la même histoire. Chacune pourrait être une idée complète en elle-même mais il n’y a pas de plus grande signification à la somme des parties. Pour être une histoire, chaque partie doit aussi fonctionner comme un aspect du tout.

Certains auteurs rencontrent des problèmes en essayant de mettre en place au préalable la structure dramatique entière d’une histoire pour découvrir qu’ils finissent avec un travail conventionnel et sans inspiration. Inversement, d’autres auteurs se fient à leur muse et cheminent à travers le processus d’expression de leurs idées seulement pour se rendre compte qu’ils ont créé un désordre sans nom.
Si un moyen pouvait être trouvé pour apporter de la vie à des structures fatiguées et aussi tisser des idées individuelles en un motif plus large, ces deux types d’auteurs pourraient en bénéficier. C’est dans ce but que Dramatica a été développée.

Quand utiliser Dramatica ?

Pour certains auteurs, travailler avec Dramatica au début peut être inhibant. Beaucoup d’auteurs préfèrent explorer leur sujet, allant dans toutes directions où la muse les mène jusqu’à ce qu’ils établissent en fin de compte une intention. Dans ce cas, l’art de conter précède la structure. Après que la première version du scénario soit terminée, cet auteur peut revenir sur ce qu’il a créé avec une nouvelle compréhension qu’il a acquise en terminant cette première version.
Souvent, beaucoup du projet ne correspondra plus à l’histoire telle que la voit maintenant l’auteur.

En informant Dramatica de ses intentions actuelles, Dramatica sera en mesure d’indiquer quelles sont les parties de la version en cours qui sont appropriées, lesquelles ne le sont pas et ce qui est nécessaire et qui manque pour le moment.
De cette façon, le processus créatif est à la fois libre et satisfaisant avec Dramatica servant à la fois d’analyste et de collaborateur.

Suivre sa muse

Nombre d’auteurs écrivent sans intention aucune.

Dramatica semble opposer muse et théorie. Une théorie veut que l’on suive un cadre avec des principes a priori qu’on ne questionne pas plus que des évidences alors que la muse laisse l’esprit errer en toute liberté. Dans l’esprit de Dramatica, il s’agirait bien d’une antinomie. 
Suivre la théorie est donc d’avoir une intention dans le sens que le définit Dramatica et ne pas la suivre revient à laisser son imagination vagabonder sans que des limites structurelles ne viennent perturber l’écoulement des idées. Les deux styles d’auteur coexistent, chacun avançant ses propres arguments sans qu’une querelle ne soit pourtant à noter.

Les auteurs et auteures s’appliquent à enregistrer leur voyage à travers un sujet ou simplement errent, flânent le long des lignes. Le résultat est presque toujours ouvert à toutes sortes d’interprétations pourtant il peut susciter de fortes émotions et permettre d’en tirer des conclusions dans tout un chacun qui s’intéresse au projet.

Même lorsqu’un auteur vagabonde, il le fait avec les mêmes outils mentaux que tout le monde partage. Donc bien qu’aucun message intentionnel n’est voulu, les modèles inconscients des processus mentaux de l’auteur sont inscrits dans le projet.
Pour ces auteurs qui préfèrent une approche sans aucun joug, le concept d’un Grand Argument Story est généralement inutile. Ce n’est pas que le modèle Dramatica ne peut décrire la nature de leur communication. Plutôt, cette liberté d’écriture choisie par l’auteur n’a simplement pas besoin de Dramatica.

Dramatica comme outil

Aucune des techniques créatives qu’un auteur peut être amené à utiliser est meilleure ou pire que les autres. Ce sont simplement des approches différentes du processus créatif. La clef est de trouver celles qui fonctionnent pour vous.

Parfois ce qui fonctionne n’est pas de créer un argument complet (dans le sens où le comprend Dramatica) mais de briser les règles, de faire voler en éclats les attentes et de jouer avec les lecteurs. Même dans ce cas, Dramatica peut aider. Parce qu’il définit un argument complet, Dramatica peut assister en prévoyant les effets que de rompre un argument (toujours au sens de Dramatica, sommairement, ne pas adopter de structure lors de l’écriture) aura sur le message destiné aux lecteurs : il peut en effet décrire comment la communication sera altérée.
Lorsque tout est dit et écrit, Dramatica fournit aux auteurs un outil pour comprendre le processus de communication s’ils le veulent et quand ils le veulent.

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