A. SORKIN : UNE APPROCHE DE LA STRUCTURE

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Le meilleur moyen de se perfectionner dans l’art scénaristique, c’est de voir des films et d’en lire les scénarios. Aaron Sorkin conseille même de suivre un film avec le scénario en mains et de comparer ce qui apparaît sur l’écran avec les mots couchés sur la page.

L’intérêt est d’analyser, de décortiquer l’histoire en ses principaux éléments afin d’en faire ressortir la structure. Que serait la musique sans le solfège ? L’écriture répond à la même exigence. Bien écrire, c’est respecter un ensemble de règles.

La Poétique d’Aristote

Pour Aaron Sorkin, la théorie est indispensable. Et la source originelle de toutes les théories dont on a pu entendre parler (qui diffèrent souvent par les termes employés qui désignent en fait la même chose à quelques nuances près), c’est La Poétique d’Aristote.

Pour une première approche de La Poétique, je vous conseille la lecture de cette série d’articles :
LA STRUCTURE DU SCÉNARIO ET ARISTOTE

Pour progresser dans quelque domaine qu’il soit, il faut apprendre de ses erreurs. Nous pouvons nous servir de ce principe pour étudier l’art scénaristique. Lorsque nous lisons ou visionnons une scène qui ne fonctionne pas, il faut analyser pourquoi elle ne fonctionne pas. L’erreur que nous pourrions faire est de l’écarter du revers de la main en se promettant de ne pas écrire quelque chose de semblable.

Ce ne serait pas très judicieux et surtout inefficace. Il nous faut comprendre pourquoi la scène échoue à nous transporter. Et réciproquement, lorsque nous sommes enthousiasmés par ce que nous voyons ou lisons, il faut savoir pourquoi cette scène nous emballe.
Comment s’y prend-elle pour être autant réussie ?

Et si l’on a étudié La Poétique d’Aristote, compris la structure qu’elle décrit, il sera facile de voir qu’une scène fonctionne parce qu’elle respecte les principes mis en avant par Aristote. Et inversement, une scène échoue lorsqu’elle viole l’une de ses règles.

Événement, histoire et drame

Un fait ne fera jamais une histoire, ni un drame. Par exemple, une reine meurt. C’est un événement. Si le roi meurt de chagrin parce que sa bien-aimée est morte, nous obtenons une histoire mais nous n’avons pas encore un drame.

Pour qu’il y ait drame, il manque un composant essentiel : le conflit.

Il existe des tas de manières d’introduire du conflit et c’est d’autant mieux que la moindre scène (autres que celles contemplatives ou nécessaires pour éclairer une facette particulière d’un personnage) se nourrit de conflit.
Par exemple, la véritable tête pensante du royaume n’était pas le roi mais la reine. Avec le décès de celle-ci et devant l’incompétence du roi, certains pourraient envisager de l’obliger à abdiquer.

Le fusil de Tchekhov

C’est un principe dramatique qui insiste sur la pertinence des détails qui entrent dans la composition des événements. Si par exemple, vous montrez un fusil suspendu à un mur (ce qui en soi est déjà porteur de sens car un fusil n’est pas un objet banal) alors vous devrez vous servir de ce fusil dans un autre événement.

Si par exemple, vous avez prévu que votre personnage descende d’une colline en rappel lors de l’acte Trois, il sera nécessaire que dans l’acte Un, le personnage ait accès à une corde qui lui permettra ce rappel.
Vous évitez ainsi le Deus Ex Machina, c’est-à-dire l’irruption de la Providence dans la solution du problème. Corollairement, si un détail ne peut être justifié à un moment ou à un autre de l’histoire, il est inutile et vous fera perdre du temps à tenter de le mettre en scène.

Les enjeux dramatiques

La motivation d’un personnage à agir ne sera pas vraiment comprise du lecteur si les enjeux qui la sous-tendent ne sont pas clairement définis et surtout s’ils sont bénins. Pour qu’un personnage soit crédible dans ce qu’il fait, il faut qu’il ait gros à perdre (notion toute subjective car dans la plupart des histoires, il n’est pas toujours question de vie ou de mort mais cela doit être perçu comme tel).

Dans Steve Jobs que Sorkin a écrit, il est important de comprendre pourquoi il est si important pour Jobs que tout soit parfait. Cette perfection qui frise la névrose n’est pas compréhensible par l’entourage mais Sorkin, cependant, a pris le temps d’expliquer au lecteur ce besoin de Jobs.

L’exposition

L’exposition est la mise en place du drame. Le lecteur a besoin d’informations pour comprendre l’intrigue d’où l’importance de bien penser comment celles-ci seront distribuées.

Pour Sorkin, il faut prévoir un personnage qui n’en sait pas plus que le lecteur. Si vous débutez une scène dans laquelle un personnage dit à un autre Comme tu le sais mais que le lecteur n’a pas eu au préalable l’information de ce qui est su, c’est qu’il y a un dysfonctionnement.

Une telle scène s’avérera efficace si un troisième personnage (ou simplement l’interlocuteur) s’insurge et dit qu’il ne sait rien afin que l’information soit donnée.
Dans Steve Jobs, Chrisann (l’ex petite amie de Jobs et qui représente dans cette scène le lecteur) ne comprend pas pourquoi la démo est si importante pour Steve Jobs et il lui explique.

L’incident déclencheur

Cet événement est ce qui permet au drame d’exister. C’ est la définition la plus naturelle de cet événement et il y a rien de très particulier à mettre en œuvre. Bien souvent, vous constaterez que le départ de l’intrigue est une simple rencontre.

L’incident déclencheur est partie prenante de l’exposition. Dans un scénario de 120 pages, si vous vous apercevez qu’à la page 20 ou à la page 25, vous n’avez pas encore introduit votre personnage principal et l’incident déclencheur, vous avez un problème avec la structure de votre scénario.

A propos de pages, les 15 premières pages du scénario décideront du devenir de celui-ci. Si vous n’accrochez pas votre lecteur (surtout s’il s’agit d’un décideur éventuel) au cours de ces 15 premières pages, votre scénario n’aura aucune chance d’être lu jusqu’au bout.

Les pages qui suivent après la quinzième pourront éventuellement être réécrites si elles ne sont pas à la hauteur de ces 15 premières pages mais elles perdront toutes chances d’être lues si le lecteur n’est pas accroché.

Aaron Sorkin insiste aussi sur les 15 dernières pages parce que si elles sont insuffisantes, on ne vous le pardonnera pas même si les pages qui les ont précédées sont de belles qualités.

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