PROTAGONISTE & PERSONNAGE PRINCIPAL

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Le protagoniste n’est pas nécessairement le personnage principal. Bien que le personnage principal attire l’attention du lecteur/spectateur, il est possible qu’il ne soit absolument pas maître de la situation. En séparant le protagoniste et le personnage principal, vous pouvez ajouter du sens à votre récit.
Ecrit par Horton Foote d’après le roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee, Du silence et des ombres de Robert Mulligan est un exemple où le protagoniste et le personnage principal sont séparés.

D’autres exemples ?
Les faussaires de Adolf Burger & Stefan Ruzowitzky ;
Terminator de James Cameron & Gale Anne Hurd ;
Les évadés de Frank Darabont d’après la nouvelle Rita Hayworth and Shawshank Redemption de Stephen King ;
La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck.

Dans toutes ces histoires, le personnage principal ne tire pas l’intrigue vers l’avant. Il n’est donc pas protagoniste. La définition du protagoniste est d’emmener l’intrigue. Si un personnage ne correspond pas à ce critère, il n’est pas protagoniste mais comme vous le constatez, rien ne l’empêche d’être votre héros ou votre héroïne.

DEFINIR LES BUTS

Avant de déterminer qui est le protagoniste, il est préférable dans un premier temps de définir le Story Goal, c’est-à-dire l’objectif, le désir.
Le Story Goal concerne tous les personnages de votre histoire. En accomplissant ce Story Goal, le problème majeur de votre récit sera résolu. Le Story Goal est présenté au cours du premier acte. Sa fonction est de perturber l’équilibre naturel des choses. Lorsque vous introduisez vos personnages, ils connaissent une sorte de statu quo. C’est leur vie ordinaire au moment où débute votre récit. Puis le Story Goal est introduit et cette vie ordinaire est bouleversée. Il est généralement initié par un incident déclencheur.

lesEvadesDans Les évadés, les problèmes sont tous liés à l’incarcération injuste d’un homme innocent. Si Andy Dufresne n’avait pas été innocent, le cœur de cette histoire ne pourrait pas battre. L’innocence de Dufresne fait partie de l’équation de la prémisse de cette histoire.

Lorsque Dufresne sera libre, le problème sera résolu et l’histoire terminée. C’est ainsi que l’objectif de ce récit (Story Goal) est de libérer un homme innocent injustement emprisonné.

laVieDesAutresDans La vie des autres, le problème existe parce que  le ministre est-allemand de la culture Bruno Hempf cherche à compromettre le dramaturge Georg Dreyman supposé subversif. En fait, Hempf est épris de la compagne de Dreyman.

Cette décision, ce problème donc, affecte tous les personnages : Dreyman, sa compagne l’actrice Christa-Maria Sieland , Gerd Wiesler, Capitaine de la Stasi, chargé de la surveillance de Dreyman, le supérieur de Wiesler (le lieutenant-colonel Grubitz).. Au centre de l’intrigue, il y a la machine à écrire. C’est la double preuve à la fois des activités subversives de Dreyman et lors du troisième acte, la preuve pour Dreyman qu’un certain agent HGW XX/7 l’avait protégé en cachant la vérité (en subtilisant la machine à écrire dans un premier temps puis tapant son rapport avec la même machine dans un second mouvement).
Si la machine avait été découverte par la Stasi, la vérité au sujet de Dreyman aurait été dévoilée, l’identité de Wiesler révélée et l’histoire avortée.

PROTAGONISTE

Le protagoniste est défini comme le personnage qui poursuit le Story Goal. Dans Les évadés, bien que nous l’apprenions que beaucoup plus tard, Andy Dufresne a passé beaucoup de temps à creuser un tunnel et à préparer son évasion réussie.

L’antagoniste est défini comme le personnage qui doit empêcher que le Story Goal soit atteint. Warden Norton, le directeur de la prison dans Les évadés,  accomplit cette fonction. Il est celui qui renforce l’objectif de Dufresne en plaçant des épreuves et des obstacles (la cellule d’isolement, le meurtre de Tommy pour empêcher ce dernier de témoigner en faveur d’une révision du procès de Dufresne).

Toutes ces situations sont autant de conflits où Warden Norton a l’initiative. Mais l’initiative n’est pas ce qui importe le plus dans la fonction de l’antagoniste. Celui-ci possède la caractéristique fondamentale de permettre à un personnage de reconsidérer ses actions. Dans Les évadés, Warden Norton oblige Dufresne à repenser, à reconsidérer ses plans d’évasions.

Il y a une ironie dramatique à l’œuvre ici. En effet, ni Norton, ni nous, n’avons l’information que Dufresne creuse un tunnel. Seul Dufresne le sait. Norton ne cherche pas à dissuader Andy de s’évader : il ne l’envisage même pas.
Les obstacles qu’il met sur le chemin de Dufresne sont destinés à le briser, à renoncer à ses espoirs de voir un jour son procès révisé. Cependant, en surmontant les épreuves, Dufresne se persuade de plus en plus de la justesse de sa décision de s’évader, de se rapprocher de son Story Goal.

Un voyage personnel

Une des notions les plus importantes chez un personnage est son Inner Journey, c’est-à-dire la transfiguration de son âme à la fin du récit. C’est cet Inner Journey qui permet au lecteur/spectateur d’entrer en empathie avec le personnage.

L’antagoniste incite à cette transformation au moyen des obstacles qu’il place sur le chemin du héros ou de l’héroïne et que ceux-ci utilisent, qu’ils réussissent ou non à les surmonter, comme une sorte de révélateur de forces jusque là profondément enfouies en eux.

Dans La vie des autres, le protagoniste est le dramaturge Georg Dreyman. L’antagoniste est le Ministre de la Culture Hempf. Les motivations de Hempf ne sont pas d’ordre professionnel mais il considère Dreyman comme un rival car il est épris de la compagne de ce dernier, l’actrice Christa-Maria Sieland.
Dreyman n’est pas à proprement parlé subversif mais il fait tout son possible pour que ses amis sur liste noire (personnifiés par le metteur en scène Albert Jerska) puissent exercer leur art. Hempf, cependant, fera tout pour l’empêcher y compris de détourner Christa-Maria à son avantage comme « collaboratrice officieuse ».

IDENTIFIER LE PERSONNAGE PRINCIPAL

Cependant, ni dans Les évadés ni dans La vie des autres, nous n’expérimentons les événements par les yeux de leurs protagonistes respectifs. Le protagoniste est à l’origine de l’événement ou de l’action (si vous préférez) que nous observons.

L’angle sous lequel cet événement nous est montré nous est imposé. Nous adoptons la perspective particulière d’un personnage sur l’événement.
Vous pourriez être intéressé par la théorie narrative Dramatica à ce sujet :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE

C’est ici qu’intervient le personnage principal. C’est par ses yeux que l’histoire parvient jusqu’à nous. C’est le point de vue du personnage principal qui nous est donné à voir. C’est par cette perspective particulière que nous expérimentons l’histoire.
Dans Les évadés, nous voyons Andy Dufresne entrer dans la cellule d’isolement puis en sortir mais à aucun moment, nous sommes avec lui dans cette cellule. Nous n’éprouvons pas ce que c’est que d’être dans cette cellule. De même, lorsqu’il joue la musique dans les haut-parleurs de la prison, nous ne sommes pas avec lui. Nous entendons cette musique de l’extérieur.

Ce que nous ressentons est l’impact des actions de Dufresne, son influence. Voir à ce sujet notre article sur lInfluence Character.

C’est par les yeux de Red que nous sommes les témoins des événements ainsi que des actions de Dufresne. Tandis que Red assure la fonction dramatique de narrateur, il est aussi question d’un problème thématique dans les profondeurs de l’âme de Red, à savoir sa peur irraisonnée du monde extérieur. L’accent est mis sur le point de vue de Red et le scénario de Darabont est suffisamment malin pour orienter notre sympathie vers ce personnage. Consultez notre article sur Andy et Red pour une étude un peu plus approfondie sur ces personnages.

L’Inner Journey de Red porte le sens émotionnel quant à savoir s’il pourra ou non changer. Il n’est pas seulement un narrateur distant. A travers lui, nous pouvons ressentir ce que c’est que d’avoir été « institutionalisé » et d’avoir perdu tout espoir.

De même dans La vie des autres, nous ressentons ce que c’est que de lutter contre l’étiquette négative qu’on vous attribue. Membre de la Stasi, Wiesler sait qu’il est considéré par beaucoup comme un mauvais homme. Son Inner Journey consistera à savoir s’il pourra vaincre ou non son problème. Les aléas de la vie ou ses convictions l’ont fait rejoindre la Stasi. Maintenant, au cours de l’intrigue, il s’avère qu’il a quelques difficultés à assumer ses choix. Cela crée en lui un conflit et son arc dramatique reflète cette lutte interne. C’est la description de ce combat qui ajoute du sens émotionnel.

Au vu des explications et des exemples ci-dessus, il est donc important de distinguer le cas échéant la différence entre le protagoniste et le personnage principal.
Le protagoniste est le moteur de l’histoire. Il fait avancer l’intrigue. Le personnage principal est, quant à lui, le moteur émotionnel. Bien sûr, dans beaucoup d’histoires, le protagoniste et le personnage principal sont combinés en un seul personnage : In the air de Jason Reitman et Sheldon Turner ; The Wrestler de Robert D. Siegel (dirigé par Darren Aronofsky)..

Dans d’autres histoires comme celles que nous avons citées en exemple, il est crucial de distinguer qui est le protagoniste et qui est le personnage principal pour permettre à ce dernier d’exprimer le subtil et complexe argument émotionnel.

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